PHM
un homme passionné s’il en est
C’est une peine immense qui m’accompagne depuis jeudi. Je n’ose penser à la douleur de ces enfants... Cet homme passionné et curieux de tout, membre du bureau de Cuba Coopération France nous a quitté ce jeudi.
Beaucoup connaissait Philippe Mano pour ces brèves hebdomadaires sur le site de CCF
Je vous fais aujourd’hui un portrait de cet homme brillant, au fil des souvenirs qui me reviennent, sans aucune prétention de biographie, juste animée par l’amitié qui nous a liée.
Avec un père ambassadeur, Philippe Mano ou PHM, comme il aimait à signer ses écrits, est né en Afrique. Enfant, la classe se faisait souvent dehors à observer les hippopotames pour son plus grand bonheur ! Le divorce de ses parents lui fera connaître « les joies et difficultés » d’habiter au pied du périphérique parisien. Sa mère se sera battue pour qu’il fréquente malgré tout, le plus grand lycée de Paris et il fera « Sciences Po » avec brio, il y rencontrera la mère de ses deux enfants.
Marseille
Marseille, deviendra sa ville de cœur. Il y crée « Médi-Média » une société de communication, puis il travaillera au service culturel de « La bonne mère ». Et quand des années plus tard, vous visitez les sites culturels de la ville et que le personnel vient encore, tout sourire aux lèvres le saluer et lui demander des nouvelles de ses enfants, cela vous donne une belle idée de l’humanisme avec lequel il avait dû travailler avec eux, au cours des nombreux projets innovants (notamment pour l’industrie du cinéma) qu’il avait mis en place.
Cette magnifique ville « Foutraque » et ses habitants au caractère si attachant, ambassadeur auto-proclamé, il l’aurait fait aimer au plus récalcitrant !
Ardèche et Grotte Chauvet
C’est la Grotte Chauvet qui le mènera en Ardèche. Il travaillait alors pour un cabinet d’étude de territoire, qui gagna l’appel d’offres, ayant pour but de faire comprendre et accepter cette découverte fantastique, qui devait bouleverser ou pas le quotidien des habitants et acteurs économiques de Vallon-Pont-D’Arc, entre autres… C’est au milieu des vignes, près de Vogüé qu’il établit son QG durant quelques années.
Il écrira le livre : « La Grotte Chauvet Pont d’Arc-Le ciel leur est tombé sur la tête-La Première Image et le Territoire ». Le poète et écrivain Kiflé Sélassié Beseat (ancien directeur du Fonds International pour la promotion de la Culture) en fera la préface.
En plus de son travail, il créera de belles initiatives culturelles autour de La Grotte Chauvet, avec « les rencontres de la Première image ». Expositions, conférences et rencontres avec les scientifiques travaillant sur le site, des plasticiens, des architectes comme Rudy Ricciotti. Jean Clottes, préhistorien français, spécialiste du Paléolithique supérieur et de l’art pariétal (directeur de l’équipe de recherche dédiée à la Grotte Chauvet), viendra plusieurs fois soutenir, contribuer à animer ces journées.
Mais la grotte Chauvet est, depuis sa découverte un sujet à controverse. Elle s’est révélée être un gouffre pour beaucoup « d’aficionados ». Longtemps obsédé par le sujet, je pense que c’est Cuba avec Cuba Coopération qui lui ont permis de tourner définitivement la page.
Il aura participé à la vie locale ardéchoise, en se mêlant aussi aux acteurs du territoire, en faisant partie du CLD (comité local du développement). Il mena aussi une campagne électorale pour un candidat à la mairie d’Aubenas. Avec un score tout à fait honorable, si l’on considère qu’ils sont entrés dans la course, bien après tous les autres et que finalement, ils ne se sont pas présentés au second tour. Cela animera quelques soirées dans la bonne humeur, où l’on se demandait ce que serait devenue la ville, s’ils avaient continué la course et gagné ? Ils avaient un programme somme toute, très impressionnant, dont certains se sont inspirés plus tard…
Cuba et Cuba Coopération
Sollicitée moi-même par Bernard Champey pour faire partie du comité Ardèche de CCF, je lui ai fortement conseillé de rencontrer Philippe, dont les compétences dans le domaine de la culture, notamment, pourraient être un vrai plus.
Un premier voyage à Cuba, mais bien sûr pas en touriste ! Il avait, avant de partir, cherché des personnes possibles à rencontrer pour ébaucher déjà de futurs projets culturels… Tony Pinera fut l’une d’entre elles (amoureux de la langue et de la culture française, critique d’art, galeriste commissaire d’exposition à Cuba et à l’étranger)… Cette rencontre marqua le début d’une coopération franco-cubaine, avec entre autres la réalisation du projet »3mers-3mares ». Ce partage artistique franco-cubain, présenté àLa Havane, à voyagé à travers la France, à l’exemple de Cluny. Ce sont à ce jour, plus de 100,000 personnes qui ont vu l’exposition liée au projet.
Cuba et ses habitants furent un coup de cœur pour Philippe. Il écrira “La France et Cuba, petit manuel d’une relation particulière”, « Ni livre d’historien, ni dictionnaire amoureux, mais plutôt un cabinet de curiosités à faire partager » comme il le présentait lui-même. L’avant-propos est de l’historien Jean Mendelson, ambassadeur de France à Cuba entre 2010 et 2015.
Ernest Pignon-Ernest qu’il avait côtoyé dans sa période estudiantine, fut recontacté et rencontré par Philippe, qui avait imaginé un nouveau projet culturel franco-cubain. 34 ans en arrière, l’Artiste français (au cours du festival de jazz à Uzeste ) avait illustrer le « Concert Baroque » d’Alejo Carpentier, avec les portraits des musiciens ( Bach, Haendel, Fernandez, Bob Marley, Amstrong… Sur les murs des maisons du village d’Uzeste. L’exposition se déroula pour la Maison Victor Hugo de La Havane dans le cadre du « mai de la culture française à Cuba ».
Représentant du collectif culture de CCF, il y eut d’autres projets et contributions de sa part toujours au service de CCF.
Sa maladie l’amenuisait depuis plusieurs mois. Il poursuivait cependant ses activités sur Marseille qu’il avait retrouvée ; il y avait lancé le comité Marseille grand sud (regroupant ainsi l’Ardèche) pour Cuba Coopération. Cela ne l’a pas empêché non plus de nous gratifier de « ses brèves » chaque semaine, pour le site et la lettre de notre association. J’ai reçu ce jeudi même le chapeau de sa chronique culturelle mensuelle.
Il attend avec impatience la saison des vraies tomates que l’on trouve au marché dans la cagette du petit producteur, il aime les fleurs, toutes les fleurs, l’odeur du jasmin, le tango, il est amoureux des gens passionnés, pas envieux j’insiste, amoureux. Il adore ses enfants. Il va nous manquer, il nous manque.
Bon voyage à toi ; où que tu ailles, ils vont être bien surpris, tu auras, en peu de temps je suis sûr, bien des projets à leur proposer…