Quand les Guajiros passent à la 5G

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Dans le cadre de la mission que m’ont confiée les amis de Cuba Coopération, j’ai visité une coopérative agricole, située près de Cienfuegos et qui a reçu plusieurs aides provenant de comités de notre association.

Arturo, fier des reconnaissances attribuées à la coopérative

Je rêvais depuis plusieurs années d’aller visiter des guajiros (paysans) qui sont l’âme de Cuba.
J’ai été reçu avec force gentillesse et force plaisanteries par le président de la coopérative, Arturo Moreira Ramos, et son équipe. Il m’a parlé du succès de cette expérience dont les coopérateurs sont très fiers.

La Coopérative de Production Agricole 26 Juillet est née en 1980. Pendant ses 10 premières années, cette entreprise se dédiait essentiellement à la culture et à la récolte de la canne à sucre, mais elle a été lourdement touchée à la suite de la chute de l’URSS qui achetait l’essentiel du sucre produit à Cuba.

Au cours de ces années sombres, elle s’est reconvertie dans d’autres cultures sans retrouver les revenus antérieurs.

Le service administratif de la coopérative

C’est en 2011 qu’ il a été décidé de reprendre la culture de la canne avec la première zafra (récolte de la canne) en 2012.
En 2015, les coopérateurs ont décidé de cultiver, en plus de la canne, des légumes et des fruits et d’élever du bétail afin de faire face à leurs besoins et de vendre le surplus.

La moitié des terres de la coopérative est dédiée à la culture de la canne, 20 % à l’élevage et le reste se répartit entre l’exploitation forestière et les cultures maraichères et fruitières.

La coopérative est forte de près de 130 travailleurs et travailleuses, organisés en petits collectifs de production. Cette organisation s’est révélée très performante et a donné de très bons résultats, au point qu’en 2021 la coopérative a réalisé sa meilleure zafra depuis sa création, 42 ans auparavant.
En effet, elle a fourni 2 mille tonnes de cannes en plus de ce qui avait été prévu à l’Entreprise Agro-industrielle Sucrière 14 Juillet (la "centrale") chargée d’extraire le sucre de la canne.
Le rendement a été supérieur à 25 tonnes de cannes par hectare, bien au dessus de la moyenne des autres producteurs de la région.

Arturo, le président de la coopérative, attribue ces résultats à l’unité du collectif des travailleurs, à leur ingéniosité, qui a permis de faire face aux difficultés pour trouver des pièces de rechange, et à la maîtrise de leurs revenus.

Les membres de la coopérative se partagent 50 % du produit net (une fois les charges payées). Les autres 50 % sont destinés à l’autofinancement de la coopérative.

Le point de vente des légumes et fruits

La coopérative assure son autosuffisance alimentaire en ce qui concerne le riz, les haricots, les tubercules et la viande.
La mini-industrie permet de conserver et vendre les surplus produits par la coopérative et ceux venant des producteurs voisins.

La mini-industrie alimentaire
Les produits élaborés par la mini-industrie

Ces résultats économiques ont un impact positif sur la vie quotidienne des membres de la coopérative et de leurs familles.

La Petite Maison des Enfants

On y trouve la Petite Maison des Enfants où on éduque et protège les plus petits pendant que leurs parents travaillent.

On a aussi réalisé un parc pour les enfants et une maison pour les anciens.
La coopérative protège 15 familles dont des membres souffrent de difficultés particulières.

L’institutrice (en rouge)

La coopérative compte aussi une école primaire de 4 niveaux avec une institutrice qui enseigne à 9 enfants.

On y trouve aussi une consultation médicale avec une infirmière, habitant le village et qui connait les pathologies de chacun et chacune, plus un médecin, présent chaque matin. A eux deux, ils veillent sur la santé des 322 habitants du village et de la centaine de voisins.

L’infirmière

Il est étonnant de voir le nombre de panneaux solaires installés près des maisons de façon à leur assurer une fourniture d’électricité gratuite et dont le surplus est revendu à l’État par le biais du réseau national.

Panneaux solaires près d’une maison

Un parc photoélectrique produit 40 kWh qui peuvent être injectés dans le réseau national, pour être vendus, quand ils ne sont pas utilisés. A côté on voit une sorte de tour qui sert de paratonnerre et aussi d’antenne 5G (ce n’est pas une erreur, j’ai bien fait répéter : les paysans de la communauté recevront la 5G).

Le parc photovoltaïque
Le paratonnerre, antenne 5 G

Ces panneaux permettent aussi de recharger des tricycles électriques pouvant transporter 1 tonne de charge ou 6 personnes.

Un tricycle électrique

L’objectif du village est de réduire au maximum les émissions de CO2 grâce au développement des énergies renouvelables.

Le Gouvernement de la province s’appuie sur cet exemple pour développer cette conception moderne de l’agriculture qui renforce la conscience des participants et leur donne envie de rester sur leur terre plutôt que d’aller grossir la foule de ceux qui émigrent soit en ville, soit à l’étranger.
D’ailleurs, pendant que je visitais la coopérative, Jesús M Rey Novoa, chef du Département du Développement Territorial tenait une réunion sur place, avec des membres des communautés environnantes pour les sensibiliser à l’expérience dont ils pouvaient voir les résultats.

Le développement de la canne va se poursuivre grâce à la récupération de 300 hectares envahis par le marabu (une espèce d’acacia très invasive).

Comme le dit Arturo : « Nous avons respecté le programme de plantation de la canne pendant trois ans consécutifs et nous voulons continuer d’avancer dans ce sens. Nous voulons arriver à cultiver 1 000 hectares de canne ! ».

Quand on a passé quelques heures avec ces gens-là, on peut être certain qu’ils vont y arriver.