Que ta vie soit heureuse, Historien, dans la postérité !
Cela devait arriver un jour • Nous le savions et nous savions que tu le savais aussi, parce que tu as évoqué le crépuscule, la plus humaine des craintes, avec un vigoureux courage depuis cette fois où tu es tombé malade et que La Havane, en ton absence, ne cessait de te chercher
Auteur : Madeleine Sautié | informacion@granma.cu
Mais non. La mort amoureuse n’a pas voulu, elle y a pensé à deux fois et elle nous a laissé un peu plus longtemps avec toi. La Havane n’avait pas encore fêté ses 500 ans, si bien qu’elle a évité le sacrilège. Comme tu nous le confiais : « Heureusement, elle est passée, elle m’a envoyé un message affectueux, et elle m’a dit, pas pour l’instant. » Et tu t’es remis au travail, aux livres, à la Foire du livre de la Cabaña, et aux fêtes de ta fiancée bleue. Et les veines de l’amour furent le soutien de ton retour.
Aujourd’hui, nul ne viendra nous dire que c’est un mensonge. Que tu vas mieux, et que tu vas revenir. Aujourd’hui, « la grande claque » est vraie, le « coup de poing glacé », et il ne faut inviter personne pour faire ton éloge. Toi, qui n’aspiras à rien de grand, si ce n’est servir, que la gloire n’a pas séduit, mais le désir de glorifier, aujourd’hui tu es en chaque Cubain une parole qui se dit avec pudeur, un symbole d’intégrité.
Penser qu’ils t’ont même utilisé parfois pour mettre à l’épreuve le soubresaut d’un peuple et, pour le contrarier, ils t’ont inventé une fausse mort… Aujourd’hui, avec finesse, le président te nomme : « Don Eusebio Leal à la mémoire amoureuse est mort, celui qui nous a fait pleurer et rire en nous racontant l’histoire de la nation que nous sommes, en lui donnant du caractère et une âme, en lui donnant des noms et en illuminant ses obscurités comme quelqu’un qui allume des lumières au milieu de la nuit. »
Et il a invité à célébrer ton « merveilleux passage dans la vie, trop brève pour nous qui l’avons aimé pour son œuvre et pour lui-même ». Miguel Diaz-Canel nous appelle à suivre « ces traces, l’œuvre patiente et infinie qui fut celle de sauver le patrimoine de notre Cuba qu’il a tant aimée et à laquelle il a consacré sa vie : Eusebio Leal ».
« Aujourd’hui s’en est allé le Cubain qui a sauvé La Havane à la demande de Fidel, et il s’en est chargé avec une telle passion que son nom n’est déjà plus le sien, mais synonyme de Ville », a déclaré Diaz-Canel, très justement. Ancré dans la mémoire, il n’est pas possible de penser La Havane sans que tu ne viennes avec elle, et t’évoquer serait impossible sans que la ville ne te fasse compagnie.
Que ta vie soit heureuse, Historien, dans ta postérité !