Quelques éléments sur l’économie cubaine

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L’Office National des Statistiques de Cuba (http://www.onei.gob.cu) fournit un nombre important d’informations, facilement accessibles, qui donnent un panorama très complet du pays et de ses évolutions économiques dans des domaines aussi différents que les comptes nationaux, le territoire, les questions écologiques, la population, l’emploi et les différents secteurs économiques.

Il est intéressant d’opérer une première approche globale afin de mieux appréhender l’impact des changements profonds, qui ont eu lieu alors que le pays était plongé dans la période très difficile qui a suivi la chute de l’URSS. Il est, bien entendu, nécessaire de suivre l’évolution de quelques indicateurs afin de mieux comprendre la situation actuelle.

1 Rapide retour historique :

À partir de 1972, Cuba a fait partie du Conseil d’Aide Economique Mutuelle (CAEM ou COMECON) qui planifiait et organisait les échanges entre les pays membres. C’est ainsi que 85 % des relations économiques du pays se faisaient avec le bloc socialiste.

Trois quarts de celles-ci étaient concentrées autour de trois groupes de produits (combustibles, aliments, machines et équipements liés).

Cuba qui exportait principalement son sucre, bénéficiant d’un prix d’achat avantageux, était dépendante des technologies des pays de l’Est. D’autre part, le système de compensation dans les paiements ne lui permettant pas de disposer d’un autofinancement suffisant, l’île dépendait des investissements extérieurs pour financer son développement.

La chute de l’Union soviétique en 1991 provoqua une grave crise économique dans le pays.

En moins de 24 mois, celui-ci a perdu 50 % de ses capacités d’achat, avec comme conséquences une réduction importante de ses importations et une forte diminution de son approvisionnement en pétrole.

L’activité économique de l’île a été lourdement impactée et le Produit Intérieur Brut a chuté de 35 %.

Cependant, les dirigeants cubains n’ont pas suivi le chemin pris par ceux des anciens pays socialistes et ont décidé de faire face à cette situation sans abandonner leur orientation progressiste et indépendante.

Face à ce choix, les USA, en 1992, ont aggravé la situation de l’île en adoptant la loi Torricelli qui intensifiait le blocus en lui donnant un caractère extraterritorial (par exemple, l’interdiction à un bateau ayant accosté dans un port cubain, d’entrer aux USA pendant 6 mois).

La période d’adaptation aux conditions nouvelles, dénommée « période spéciale », a laissé de profondes empreintes dans les corps et dans les âmes, mais a permis que l’ensemble de la population survive en conservant ses principaux acquis.

Il fallait réinsérer le pays dans l’économie mondiale et le développement du tourisme a été le premier moteur qui a permis de relancer l’économie en créant de nombreux emplois et en réactivant d’autres branches comme l’agriculture, l’industrie alimentaire, la construction, le transport, etc.

En quelque sorte, le tourisme s’est substitué au sucre dont la production a été divisée par deux entre 1990 et 1992 (fig. 1).

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D’autre part, le pays disposait d’un capital humain de très haute qualité : le niveau de formation acquise par ses étudiants (fig.2).


C’est ainsi qu’à partir de 2004 et compte tenu d’une conjoncture internationale favorable, particulièrement en Amérique latine, le pays est devenu un fournisseur de services de haute valeur ajoutée, en particulier dans le domaine des services médicaux.

Une série d’accords a été passée avec des pays qui s’étaient dotés d’un gouvernement progressiste, désireux d’apporter des soins à des populations délaissées par les médecins locaux.

C’est ainsi que les habitants de plusieurs régions défavorisées du Venezuela, du Brésil, de Bolivie, de l’Équateur et bien d’autres, ont vu venir à eux des médecins et des infirmiers pour la première fois de leur vie.

Il convient de rappeler que plusieurs brigades de médecins et d’infirmiers cubains sont intervenues, à titre gratuit, dans plusieurs pays qui n’avaient pas les moyens de financer cette aide.

2 Des résultats positifs :

Les chiffres de 2018 (dernière année avant la crise du covid) nous indiquent que Cuba exportait pour 184 millions $ de produits de l’industrie sucrière, 746 millions $ de produit de la mine (dont le nickel), 260 millions $ de produits de l’industrie du tabac et 137 millions $ en boissons (dont le fameux rhum), alors que dans le même temps, elle facturait à l’étranger des prestations d’assistance pour 1 319 millions $ et 6 398 millions $ au titre des services de santé et d’aides sociales.


Grâce aux services, les exportations du pays dépassent les importations, principalement constituées de produits alimentaires (17 %), de combustibles et produits pétroliers (28 %), de machines et de matériels de transport (22 %).

Cette réorientation économique a porté ses fruits puisque le PIB n’a cessé de croître, en prix constants de 1997, et qu’il a plus que doublé en 25 ans (fig. 4). La baisse de 10 % en 2020 est due aux effets conjugués de la crise du covid (entrainant une baisse de la fréquentation touristique) et de la diminution des exportations de services (qui est abordée plus loin).


Les services sont une source de financement, comme le tourisme qui a, en plus, un effet d’entrainement sur l’ensemble de l’économie comme le montre l’importance de la construction dans l’évolution de la formation brute de capital (fig. 5).


3 Cependant, l’autofinancement est insuffisant :


La comparaison avec la France ou avec un pays plus proche, comme la République dominicaine, montre un écart important en ce qui concerne la formation brute de capital (fig.6). Le pays ne dégageant pas suffisamment de ressources pour financer les investissements nécessaires à son développement, il lui faut donc faire appel à l’investissement étranger dans un contexte marqué par le blocus dont l’un des objectifs est de dissuader les entreprises étrangères d’investir dans l’île.

L’écart constaté ci-dessus provient principalement des dépenses correspondant aux niveaux d’éducation et de santé dont bénéficient les Cubains et les Cubaines (fig. 6bis et 6ter).


4 L’exportation de services rend l’île très dépendante des évolutions politiques et économiques de ses partenaires d’Amérique latine :

L’économie du Venezuela, partenaire décisif pour Cuba, est fortement dépendante de la rente pétrolière (90 % des exportations et 50 % du budget de l’État). La baisse importante du prix du pétrole à partir de 2014 à laquelle s’ajoute le blocus étasunien et les épisodes de chaos organisés par la droite et l’extrême droite ont plongé le pays dans une très grave crise économique.

Cette situation a impacté les relations commerciales entre les deux pays que ce soit au niveau de la fourniture de produits pétroliers venant du Venezuela ou des services médicaux et sociaux fournis par Cuba. L’île a vu ainsi diminuer ses fournitures de produits pétroliers (fig.7) et ses ressources financières.


En 2013, la présidente brésilienne Dilma Rousseff lançait l’opération Màs Médicos en faisant venir de nombreux médecins cubains. En 2019, le président d’extrême droite, Jair Bolsonaro, mettait fin à cette expérience en ordonnant l’évacuation de près de 8 000 médecins cubains qui soignaient les populations défavorisées de son pays.

Toujours en 2019, le président de l’Équateur, Lenine Moreno, mettait fin aux accords qu’avait signés son prédécesseur, Rafael Correa, en renvoyant les médecins cubains.

La même année, le gouvernement issu du coup d’Etat en Bolivie, renvoyait les médecins et animateurs sociaux cubains sous les applaudissements du secrétaire d’Etat US, Mike Pompeo.

C’est ainsi que les ressources provenant de l’exportation de services médicaux sont passées de 6,4 milliards $ en 2018 à 5,4 milliards $ en 2019 et à 4 milliards $ en 2020.

5 L’activité touristique, qui dépend pour les voyageurs étasuniens des décisions prises par leur gouvernement, a été fortement impactée par la pandémie de covid :

Le nombre de touristes en provenance des USA est passé de 52 000 en 2009 à 638 000 en 2018. Cependant, à la suite des décisions prises par Trump, les voyageurs venant des USA n’étaient plus que 498 000 en 2019. Leur nombre devait encore diminuer à la suite des décisions prises en 2020.


À la suite de la crise du covid, le nombre de visiteurs est passé de 4,276 millions en 2019 à 1,086 millions en 2020 (fig. 8) et les recettes, générées par le tourisme international (en baisse depuis 2017), ne représentaient plus, en 2020, que 44 % de celles de l’année précédente (fig. 9). La situation pour 2021 ne sera pas meilleure puisque la réouverture au tourisme n’a débuté qu’à la fin de l’année.


Il faudra du temps pour que les récentes réformes économiques produisent leurs effets d’autant qu’elles se mettent en œuvre dans un contexte de crise économique et sanitaire aiguë, alors que le blocus étasunien a été aggravé par les décisions prises par Trump et non annulées par Biden.

Cependant plusieurs projets de développement sont en cours de réalisation, plusieurs hôtels destinés à accueillir les touristes sont en construction dans le pays.

Dans ce cadre, la recherche de partenaires économiques et financiers est un des axes décisifs pour contribuer à la récupération économique et au développement du pays. Un portefeuille d’opportunités a été défini en cohérence avec les principaux axes stratégiques du Plan national de développement allant jusqu’en 2030. Il compte 678 projets avec un montant d’investissements d’environ 12,5 milliards de dollars.