Si tu me demandes un boléro...

Partager cet article facebook linkedin email

Un article de Yoel Rodriguez Tejeda
Publié le 25 août 2021 dans On CubaNews / Música

Cuba inscrit le boléro au patrimoine immatériel du pays, une étape supplémentaire pour promouvoir ce statut à l’échelle mondiale auprès de l’Unesco.

Le patrimoine immatériel de Cuba comprend déjà le boléro, l’un des genres les plus anciens du pays et l’un des plus répandus dans le monde, notamment en Amérique latine. Cette décision, même si elle aurait pu être prise bien plus tôt en raison de la riche tradition de ce genre, ne tombe pas à un mauvais moment.

Avec le Mexique, Cuba prépare le dossier à présenter à l’Unesco pour déclarer le boléro patrimoine immatériel de l’humanité, un souhait des chanteurs, des compositeurs et des millions de fans qui ont vu ce rythme traverser plus d’un siècle d’existence, avec des hauts et des bas, et qui connaît aujourd’hui un nouvel essor grâce au travail des jeunes interprètes. Les efforts récents de ces nouveaux représentants du boléro se sont concentrés sur le sauvetage d’anciennes sonorités et l’inscription de leurs noms sur la liste des compositeurs exceptionnels.

Depuis que José (Pepe) Sánchez a composé Tristezas en 1883 dans sa ville natale de Santiago de Cuba, beaucoup de choses sont arrivées au boléro, qui a fusionné avec d’autres rythmes en vogue pendant la première moitié du 20e siècle, comme le danzón, le son, le cha cha chá et au Mexique avec la ranchera, jusqu’à arriver à nos jours avec une sonorité contemporaine plus proche des ballades et de la pop.

Des noms comme Sindo Garay, Miguel Matamoros, Manuel Corona, Julio Gutiérrez, Lorenzo Hierrezuelo, César Portillo de la Luz, Benny Moré, Marta Valdés ? la liste des compositeurs cubains serait presque sans fin, sans parler de la liste des interprètes, où plusieurs de ceux déjà mentionnés se répètent, ainsi que des voix telles que Rolando Laserie, Mundito González, Elena Burke, Orlando Contreras, Omara Portuondo, Beatriz Márquez, Haydée Milanes, Gema Corredera, Kelvis Ochoa et bien d’autres.

Bien qu’il soit né sur le sol cubain, il convient de noter qu’au Mexique, le boléro a pu perdurer avec une plus grande acceptation, non seulement dans le goût des gens mais aussi dans les médias et la politique culturelle du pays montre un intérêt marqué pour lui en plus d’avoir des représentants reconnus au fil des ans, où il a même eu une présence régulière au cinéma pendant la décennie d’or de la cinématographie mexicaine.

Les noms d’Agustín Lara, Pedro Infante, Jorge Negrete, Consuelito Velázquez, Armando Manzanero, Marco Antonio Muñiz, Guadalupe Pineda, et bien d’autres, font partie de la tradition du boléro mexicain depuis la création de Madrigal, la première pièce musicale de ce genre composée dans le pays en 1918, qui se maintient jusqu’à aujourd’hui avec des interprètes comme Luis Miguel, Lila Downs, Natalia Lafourcade, Carlos Rivera, entre autres, qui cherchent à maintenir la tradition vivante avec des sonorités plus contemporaines.

Une partie du succès du genre réside précisément dans sa fusion avec la ranchera mexicaine, très populaire au pays des Aztèques. Dans notre pays, le boléro a peu à peu cédé la place à la chanson, au filin et à la ballade, malgré les tentatives pour maintenir la tradition vivante, principalement avec des événements comme le festival international "Boleros de Oro", qui, bien qu’actif depuis plusieurs décennies dans le pays, perd au fil du temps l’éclat de ses premières années.

Les peñas de trovadores, les boîtes de nuit et les événements occasionnels à plus petite échelle dans les Maisons de la Culture cubaines ont maintenu le boléro actif sur l’île, principalement par la voix d’interprètes plus expérimentés, une réalité qui a changé ces dernières années, notamment grâce à l’intérêt des jeunes interprètes pour ce rythme anthologique de la musique hispanique.

Cependant, il faut que les institutions du pays s’intéressent davantage à la promotion de ce genre, non seulement à travers les médias, mais aussi en soutenant les productions discographiques qui recherchent de nouvelles tendances dans la scène boléro nationale ou en "dépoussiérant" de vieilles chansons populaires auprès de nos grands-parents.

"Dans chaque pays, il y a un interprète et un compositeur de boléro, ce qui n’arrive pas avec d’autres genres et qui nous unit en tant que latino-américains. Le boléro a toujours été attaché à la communauté, dans les peñas informelles chez les amis, dans les quartiers, chez les troubadours et dans les bohèmes d’où il est passé dans les théâtres et les cabarets, des petits formats de duos, trios et quatuors, ensembles, charangas et quatuors, Il est passé aux orchestres jusqu’aux big bands et aux orchestres symphoniques, tous ces formats ont adopté le boléro", explique le musicien José Loyola, l’un des principaux promoteurs de l’initiative visant à promouvoir le boléro en tant qu’élément du patrimoine national.

De son côté, le Mexique a quelques années d’avance dans le sauvetage patrimonial de ce genre, d’abord avec la création en 2016 de l’Institut pour la préservation et la promotion du boléro (IPFB), et en 2018, coïncidant avec le centenaire de la création du premier boléro mexicain, il a été établi comme patrimoine immatériel du pays.
Déjà à cette époque, ils avaient manifesté l’intention de s’associer à Cuba pour présenter le document commun à l’Unesco, une réalité qui se poursuit et dont nous attendons les fruits dans les années à venir, car " le boléro nous unit dans les émotions, la mémoire, les racines et l’identité ", comme l’indique le message envoyé par l’IPBF.

Selon les termes de la déclaration du Conseil national du patrimoine culturel de Cuba, le boléro "possède non seulement des caractéristiques d’identité musicale, mais aussi des codes esthétiques et stylistiques qui déterminent une façon particulière de s’habiller, de faire des gestes et de se comporter, marquée par l’élégance des porteurs et des praticiens de cette expression", éléments qui le complètent en tant qu’expression de l’identité culturelle.

Le romantisme qui caractérise le boléro s’est adapté aux pays où il est arrivé, qui ont su incorporer son folklore et son identité nationale aux caractéristiques des rythmes de chaque pays, pour se fondre dans un sentiment qui atteint aujourd’hui tout le monde avec ses airs mélancoliques de tristesse, d’espoir et d’amour, éléments indispensables du genre.