Solidarité internationale. Pourquoi cette guerre sans nom des États-Unis contre Cuba ?

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(1) Cette tribune est tirée d’une analyse plus complète intitulée « La guerre sans nom des États-Unis contre Cuba », a été diffusée durant la Fête de l’Humanité par l’association Cuba Si France, sur son stand.

André Chassaigne Député PCF du Puy-de-Dôme, président du groupe GDR, vice-président du groupe d’amitié France-Cuba.

Je ne reviendrai pas sur la réalité du blocus (1) et sur ses terribles conséquences pour le quotidien du peuple cubain. Je m’attacherai seulement à ouvrir quelques voies de réflexion sur les motivations de Joe Biden dans sa volonté de ne pas mettre un terme à ce qu’il faut bien appeler « une guerre sans nom » pour anéantir le régime cubain. Une guerre qui a pris une dimension inédite avec les armes de la guerre moderne en diffusant la haine par les réseaux sociaux à coups de fake news et par une campagne médiatique permanente de dénigrement.

Une affaire de politique intérieure ?

L’élection de Biden avait insufflé un espoir sur le devenir des liens des États-Unis avec Cuba, dans la continuité du rétablissement des relations diplomatiques initié par Barack Obama. Force est de constater que la théorie du chaos de Donald Trump reste la ligne de conduite. Doit-on voir dans ce reniement le poids de la politique intérieure des États-Unis, la perspective des élections de mi-mandat conduisant Biden à ménager les électeurs de Floride, sous influence des réseaux anticastristes ? Pour le président des États-Unis, le maintien de sa faible majorité au Sénat et le renforcement de sa majorité à la Chambre des représentants comptent sans aucun doute plus que le peuple cubain. Et encore davantage aujourd’hui, alors que son crédit politique vient d’être considérablement amoindri par l’épisode catastrophique du retrait de l’Afghanistan.

Il faut aussi prendre en compte le basculement géostratégique marqué par le retrait du Moyen-Orient et la volonté de réorienter l’interventionnisme des États-Unis. Il s’agit désormais de réhabiliter l’hégémonie et la « légitimité » d’un impérialisme états-unien ébranlé sur ses terrains de prédilection, notamment l’Amérique latine.

La protection des droits de l’homme ?

Un des socles de la nouvelle diplomatie américaine est d’afficher la protection des droits de l’homme. La stratégie américaine priorise une guerre médiatique sur la violation des droits de l’homme au sein de la société cubaine relayée par nombre de médias occidentaux à l’indignation aussi sélective que fallacieuse et qui occultent non seulement les terribles effets du blocus sur le quotidien des Cubains, mais aussi l’ingérence permanente des États-Unis entraînant inéluctablement des mécanismes de contrôle des groupuscules contre-révolutionnaires qu’ils financent.

Cette stratégie prend une dimension schizophrénique quand les États-Unis rendent publique, fin juillet dernier, une lettre signée par une vingtaine d’autres pays et dénonçant le régime cubain pour ses violations des droits de la personne, alors que l’ONU reconnaît Cuba comme un des pays les plus avancés en médecine sociale, en éducation, en travail solidaire. Cette lettre a été signée notamment par la Colombie, où on compte des milliers de citoyens arrêtés dans les manifestations organisées pour dénoncer le règne d’Ivan Duque et où la répression a pris la forme d’assassinats de plus de 100 personnes depuis début 2021. Parmi les signataires, on trouve aussi le Brésil de Jair Bolsonaro dont la politique génocidaire de la gestion de la crise sanitaire a fait plus de 550 000 morts. Que de tels gouvernements mettent en cause avec autant d’hypocrisie la violation des droits fondamentaux au sein de la société cubaine nous laisse aussi pantois qu’indignés. D’autant plus que, s’il y a un endroit sur l’île de Cuba où on enferme sans jugement et où on torture en toute quiétude, c’est bien dans l’enclave de Guantanamo, occupée illégalement par les États-Unis.

Cuba : un exemple à abattre

N’occultons pas la volonté pérenne d’annihiler les succès de la révolution et de briser l’exemple cubain. Symbole de la solidarité entre les peuples, la politique cubaine a pris une dimension intolérable pour les États-Unis, avec notamment la reconnaissance internationale de l’intervention dans 58 pays des brigades Henry Reeve dans la lutte contre la pandémie de Covid-19. De plus, l’élaboration de cinq vaccins cubains, dont trois ont obtenu cet été l’autorisation d’utilisation d’urgence avec des taux d’efficacité entrant dans les critères de l’OMS, valorise encore davantage le système médical de l’île. En annonçant son souhait de mettre ses vaccins à disposition des peuples les plus en difficulté, l’État cubain montre une voie opposée à celle du mercantilisme sans limites des multinationales du médicament et aux simples effets de manches de Biden sur la levée des brevets.

Dans cette guerre non déclarée mais bien réelle contre Cuba, l’enjeu est avant tout d’imposer le paradigme libéral comme seule norme de gouvernement d’un pays. Le rouleau compresseur de la mondialisation néolibérale ne peut tolérer un autre horizon que sa pensée et son modèle politique uniques. Nourrissant trop l’imaginaire d’une autre société pour les autres peuples, à l’opposé de la société où l’individualisme est roi, Cuba est l’exemple à abattre.

L’avidité du capitalisme états-unien

Il faut aussi prendre en compte une autre raison majeure de plus de soixante années d’offensives contre Cuba. Cuba reste une proie de choix pour les intérêts du capitalisme américain, qui rêve de faire à nouveau main basse sur une économie dont le pouvoir révolutionnaire a pris le contrôle pour la mettre au service de tous les Cubains. Par le durcissement du blocus, l’objectif des États-Unis est d’empêcher les investissements d’autres pays, notamment européens, pour laisser le champ libre, le moment venu, aux entreprises américaines, qui sont dans les starting-blocks dans l’attente de l’ouverture du marché cubain.

Avec la fin de la révolution cubaine et le retour en force des intérêts américains, émergerait inéluctablement une société faite d’injustices et de discriminations, à l’opposé de ce qu’est aujourd’hui la société cubaine, qui met tout en œuvre pour le partage. L’île sombrerait dans un capitalisme brutal et prédateur. C’est dire combien le devenir de Cuba reste pour nous la reine des batailles.