Souvenirs d’un maquereau français à La Havane (1er épisode)

Ou : Vie et mort d’Alberto Yarini, le « Roi de San Isidro ».

Partager cet article facebook linkedin email

Les mémoires d’un ancien souteneur français ayant vécu à La Havane, au début du 20ème siècle, ont récemment été retrouvées. Leur lecture donne le sentiment qu’elles ont été dictées à une tierce personne qui a su conserver la façon de parler du personnage.

Bien que le langage utilisé puisse choquer, il nous a semblé intéressant de partager, avec nos lecteurs, cette histoire totalement authentique, sous la forme d’un feuilleton de six épisodes.

Premier épisode : Les débuts à Paris

Moi je m’appelle Marcel Caron, Cecel pour les intimes. Je suis né en 1885 à Belleville. Un vrai parigot, quoi ! Tout jeune, je trainais déjà avec toute une bande. On faisait des mauvais coups et on n’hésitait pas à jouer du surin quand il le fallait, même contre les cognes.

Les Apaches à Paris

On était des affranchis par rapport aux caves qu’y pigeaient rien et qu’on plumait allégrement. Les journaux nous surnommaient les Apaches parce qu’on se battait comme eux, sans pitié et, parole d’Homme, ce n’était pas exagéré.

Nous avions choisi de ne pas trop nous fatiguer au turbin, alors qu’on pouvait faire tapiner des filles. On était des barbots, des maquereaux, des mecs à nageoires, bref on mangeait du pain de fesses. C’était moins risqué que de faire le coup du père François puisque les michetons apportaient leur pognon sans qu’on ait à leur faucher. Mais, comme il fallait quand même préserver notre réputation et montrer qu’on avait de la mentalité, on montait parfois sur un coup et on soulageait un bourgeois de son aubert.

Le coup du Père François

Je me souviens encore quand j’ai rencontré Louis Létot. C’était au cabaret du Lion d’Or, rue de Lappe. On avait le même point de vue sur la vie et les choses et on est devenus potes.

A Paris, la presse menait la bourre contre les Apaches et l’insécurité. Cela avait bien commencé avec l’histoire des bagarres entre les bandes de Manda et Leca à cause d’une fille, Amélie Elie, surnommée Casque d’Or, mignonne comme tout, mais qui refoulait du goulot à 15 pas.

Amélie Hélie, la vraie Casque d’Or

Peut-être qu’on a un peu cherré mais la vérité vraie c’est que des politicards aidés par les journaleux du Matin et du Petit Journal, ne voulaient pas entendre parler d’une éventuelle abolition de la peine de mort. Alors les Apaches avaient le dos large…

Finalement, l’ambiance est devenue carrément intenable. Il fallait prendre le large avant que la rousse nous tombe dessus.

Louis, qui avait du chou, s’était renseigné sur la situation à Cuba.
L’île était devenue, théoriquement, indépendante en 1898. En fait, les Ricains avaient mis la main dessus et ils s’installaient pour y rester.

Le commerce fleurissait entre l’île et les USA. La majeure partie des produits qui arrivaient dans l’île passait par La Havane et le port était plein de vie.

Un port, ça veut dire des marins, des commerçants, des bons bourgeois et en prime l’arrivée de Ricains avec plein de pognon dans les fouilles. Tout ce monde allait bien avoir besoin de quelqu’un pour les aider à dépenser tout ce blé. Et pour ça, on était toujours prêts à rendre service.
Alors, on s’est embarqués Louis Letot, Jean Petitjean, Benedetti, Quoerrier, Raoul Finet, Ernest Lavière et d’autres, avec les filles, direction les tropiques.

La traversée s’est bien passée et je n’aurais jamais pensé qu’on partait si loin pour y revivre la même histoire que celle de Casque d’Or.

A suivre !

Lexique des termes utilisés par Marcel Caron

Deuxième épisode