Souvenirs d’un maquereau français à La Havane (4ème épisode)
Ou Vie et mort d’Alberto Yarini, le « Roi de San Isidro »
Les mémoires d’un ancien souteneur français ayant vécu à La Havane, au début du 20ème siècle, ont récemment été retrouvées. Leur lecture donne le sentiment qu’elles ont été dictées à une tierce personne qui a su conserver la façon de parler du personnage.
Bien que le langage utilisé puisse choquer, il nous a semblé intéressant de partager, avec nos lecteurs, cette histoire totalement authentique, sous la forme d’un feuilleton de six épisodes.
La bande de maquereaux français s’est installée à La Havane et a fait connaissance avec ses concurrents cubains dont le plus important était Alberto Yarini.
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Quatrième épisode : Yarini, la politique et Pépito
Sur le plan politique, il était comme nous. Les voyous, on aime l’ordre. On l’aime tellement qu’on n’hésite pas à arroser les dirigeants et les flics pour qu’ils nous laissent peinards. On a même liquidé des syndicalistes un peu trop agités quand on nous l’a demandé.
Alberto avait fait encore mieux en devenant politicien lui-même. A 20 ans, il était entré au parti conservateur, qui regroupait les types des classes élevées, et il se faisait élire représentant du quartier du port pour ce parti.
Alberto Yarini était très ambitieux et il voulait devenir conseiller municipal et, pourquoi pas, Président de la République.
Les dirigeants du parti savaient très bien comment Alberto vivait, ce qui ne les empêchait pas de le laisser marcher en tête de leurs manifestations, monté sur son canasson blanc parce que, grâce à lui, les prolos du quartier votaient pour eux.
Le type roulait sa caisse en permanence. Il se pavanait dans les rues en filant des ronds aux nécessiteux. Il assurait aussi la subsistance de quelques anciennes prostituées du quartier et il le faisait savoir. Il s’arrêtait même chez elles pour manger les gâteaux traditionnels qu’elles lui préparaient.
Tout cela lui donnait la réputation d’un homme généreux, près du peuple et tous ces blaireaux l’aimaient.
En plus, il laissait croire que chaque soir, il choisissait une des filles avec qui il allait passer la nuit, mais qu’il était tellement viril qu’il lui en fallait une autre et parfois jusqu’à 5 dans la même nuit.
Les caves gobaient toutes ces conneries et ils votaient pour lui.
Nous on pensait qu’il était à voile et à vapeur.
Il avait rencontré dans le cabinet de son père un jeune basque, José Basterrechea, qu’on appelait Pepito. Et bien que ce dernier soit d’une famille pauvre, ils étaient devenus inséparables, après que Pepito se soit bien occupé d’Alberto qui s’était blessé en tombant d’un balcon. Tu vois ce que je veux dire …
Le soir, Pepito mangeait dans un boui-boui. Alberto venait le retrouver après avoir diné chez ses parents et c’était la fiesta qui commençait dans le quartier.
Pepito, contrairement à son ami, n’exerçait pas dans le maquereautage. En fait, il ne bossait pas et c’était Yarini qui l’entretenait.
Pepito refilait même du fric à sa propre mère pour l’aider, alors que celle-ci rouscaillait en voyant son lardon traîner avec un type qu’elle trouvait dangereux.
Elle avait raison la daronne, les emmerdements n’allaient pas tarder à se pointer...
Cinquième épisode
Lexique des termes utilisés par Marcel Caron