Souvenirs d’un maquereau français à La Havane (6ème et dernier épisode)

Ou : Vie et mort d’Alberto Yarini, le « Roi de San Isidro ».

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Rien ne va plus !

La bandes des souteneurs français a décidé d’en finir avec Alberto Yarini, mais Louis Létot a été tué.
Certains sont arrêtés, d’autres en fuite et Alberto Yarini est entre la vie et la mort.

Marcel Caron termine de nous raconter cette histoire véridique.

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Sixième épisode : La fin de Yarini

Nous avons appris qu’Alberto était grièvement blessé. Les flics l’on emmené à l’hosto. Il a pigé qu’il vivait ses dernières heures et il a demandé un papier au docteur Freyre de Andrade. Il a écrit que c’était lui qui avait descendu Létot et que Pepito n’y était pour rien. Il a demandé au toubib, qui était aussi un de ses potes du Parti Conservateur, de lui rendre le papier s’il survivait, sinon il fallait le donner à la police. C’était sa dernière façon d’aider son ami.

La dernière lettre de Yarini

Ça a bien marché parce que, plus tard, au procès, tout le monde a été acquitté faute de preuve.

En attendant, nous sommes allés enterrer Louis Létot le 22 novembre et, au retour, en fin d’après-midi, à l’intersection des rues Zapata et Carlos Tercero, les gonzes de Yarini ont arrêté nos bagnoles. Dans la bagarre, ils ont égorgé Raoul Finet et grièvement blessé Ernest Lavière. Les autres et moi, on a réussi à prendre le large.

Pendant ce temps, Yarini avalait son bulletin de naissance à l’hosto et son père faisait transférer son corps chez lui, rue Galiano, d’où partira le cortège vers le cimetière Colon le jour suivant.

A l’enterrement, il y avait du trèpe, 10 000 ou 15 000 personnes dont José Miguel Gomez, Président de la République Cubaine, et les 11 gagneuses qui travaillaient pour Yarini. Tu vois un peu le mélange des genres !

L’enterrement de Yarini

Nous, on s’est mêlés à la foule pour régler nos comptes. On a réussi à en suriner quelques-uns et il y a même eu des coups de feu. Dans la bagarre, la petite Berthe a reçu un coup de lardoire dans le poitrail. On ne sait pas qui lui a filé et elle a quand même suivi le cercueil.
Les bagarres ont continué dans le cimetière, alors que les proches de Yarini le descendaient dans son trou.

Les règlements de compte se sont poursuivis pendant les jours qui ont suivi. Un de nos potes s’est même fait buter par un Cubain armé d’un manche à balai taillé comme un épieu.

Une fois guérie, la petite Berthe n’a pas voulu rester à La Havane. Son barbot s’était fait descendre et l’homme de sa frangine aussi. On ne peut pas dire qu’elle portait bonheur !
Elle a pris un barlu, avec sa sœur Jeanne, pour la Nouvelle Orléans. Je crois qu’elle y a vécu jusqu’à la fin.

On a fait de cette histoire un roman d’amour à deux balles, bon pour les caves, alors qu’en vérité Yarini avait mis la petite au tapin dans les pires bouges de San Isidro. Tout ce qu’il voulait c’était montrer son pouvoir en humiliant Létot et il avait réussi.

L’ambiance est restée tendue dans le quartier San Isidro jusqu’en 1913, quand le gouvernement a décidé de mettre fin à la zone de tolérance.
Ce n’était pas un drame, on s’est simplement transbahutés vers le quartier Colon où on a continué notre turbin.

Cependant, les temps changeaient et nous n’allions pas peser bien lourd face à la pègre qui commençait à arriver depuis les USA. J’ai donc préféré revenir en France avant qu’un de ces frapadingues vienne m’offrir un pardessus en sapin.

La tombe d’Alberto Yarini au cimetière Colon de La Havane

Lexique des termes utilisés par Marcel Caron

Postface

A toi lecteur ou lectrice qui as suivi cette affaire jusqu’au bout, il faut que je te confesse que même si les faits racontés sont exacts, l’auteur présumé de ce récit est totalement fictif.
J’espère que tu auras pris autant de plaisir à le lire que j’ai eu à l’écrire et si le langage fleuri t’a parfois choqué, j’en suis désolé.
Cependant, Marcel Caron a bien existé. C’était un copain, rencontré dans un collège d’enseignement technique, à Alfortville, au début des années 60 et je te garantis qu’il aurait adoré cette histoire.