Un forum pour lutter concrètement contre le blocus au niveau européen

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Le blocus imposé par les USA à Cuba n’est pas seulement dirigé contre la Grande Île. Il participe aussi de la guerre économique que mène la première puissance mondiale contre le reste du monde.
Plusieurs entreprises européennes ont dû payer des amendes colossales.
L’Union Européenne n’est pas démunie face à ces attaques, mais il lui manque la volonté de faire face.
Les organisations européennes qui luttent contre le blocus tout en développant la coopération avec Cuba ont un rôle important à jouer pour la contraindre à défendre ses entreprises.

Le 11 janvier 2021, le gouvernement Trump a placé Cuba sur la liste des pays soutenant le terrorisme pour avoir refusé d’extrader des membres de l’Armée de Libération Nationale (ELN) de Colombie qui avaient voyagé à La Havane pour participer aux négociations de paix avec le gouvernement colombien en 2017 et qui vivaient à Cuba.

Cette maigre argumentation venant d’un pays qui a organisé, dans le monde entier, de nombreux coups d’Etat, des assassinats de dirigeants sociaux et politiques, des guerres infâmes comme celles du Vietnam ou d’Irak, un pays qui a introduit à Cuba des maladies comme la dengue hémorragique (100 enfants décédés), qui a hébergé les criminels Orlando Bosch et Luis Posada Carriles, auteurs, en 1976, d’un attentat meurtrier contre un avion de ligne cubain (73 morts), pourrait prêter à sourire si elle n’apparaissait pour ce qu’elle est : une posture cynique destinée à nuire à l’économie cubaine.

Luis Posada Carriles avec ses amis à Miami

Cette décision complète l’activation, le 2 mai 2019, du Titre III de la loi Helms-Burton. Cette clause autorise des Cubains exilés, ou nationalisés Etatsuniens, à saisir les tribunaux des USA en vue de récupérer des biens fonciers dont ils estiment avoir été privés au lendemain de la Révolution Cubaine de 1959.

Le blocus étasunien contre Cuba et les décisions complémentaires prises par l’administration Trump, ne sont pas seulement tournées vers Cuba, mais sont une arme utilisée contre les entreprises européennes

Comme l’écrit le député Raphaël Gauvain dans l’introduction de son rapport établi à la demande d’Edouard Philippe en 2019 :
« Les États-Unis d’Amérique ont entraîné le monde dans l’ère du protectionnisme judiciaire. Alors que la règle de droit a, de tout temps, servi d’instrument de régulation, elle est devenue aujourd’hui une arme de destruction dans la guerre économique que mènent les États-Unis contre le reste du monde, y compris contre leurs alliés traditionnels en Europe.
Les six mois d’investigations et d’auditions réalisées par la mission ont permis de dresser un constat largement partagé par les interlocuteurs rencontrés : les entreprises françaises ne disposent pas aujourd’hui des outils juridiques efficaces pour se défendre contre les actions judiciaires extraterritoriales engagées à leur encontre. »

Extraterritorial ? Mais pour nous, le monde nous appartient...

Ni Raphaël Gauvain (député LREM) ni Edouard Philippe (ancien Premier Ministre d’Emmanuel Macron) ne sont de dangereux révolutionnaires anti-impérialistes et le rapport ne fait que décrire une cruelle réalité :
Les entreprises européennes sont peu armées pour faire face à l’agressivité économique étasunienne et ce sont plusieurs dizaines de milliards de dollars d’amende qui ont déjà été payés (BNP Paribas, HSBC, Commerzbank, Crédit Agricole, Standard Chartered, ING, Royal Bank of Scotland, Société Générale, Deutsche Bank, Siemens, Alstom, Télia, BAE, Total, Crédit Suisse, etc.).

Le document précise qu’en plus des lois à portée extraterritoriale leur permettant d’intervenir contre de nombreuses entreprises dans le monde sur des fondements aussi divers que la corruption, le blanchiment d’argent, les sanctions internationales, etc... les USA se sont aussi donné le droit, grâce à l’entrée en vigueur du « Cloud Act » en mars 2018, d’obtenir des fournisseurs de stockage de données numériques (qui sont tous étasuniens) toutes les données des personnes morales de toute nationalité quel que soit le lieu où ces données sont hébergées. Ce qui est très utile pour monter des dossiers contre ces entreprises.

L’application du Titre III de la loi Helms-Burton fait maintenant courir des risques de plusieurs centaines de milliards de dollars à des entreprises européennes comme Pernod-Ricard (2ème groupe mondial dans sa catégorie) ou des groupes espagnols du tourisme qui utilisent du foncier et des outils pour lesquels le Titre III de la loi Helms-Burton peut être utilisé.

Ne soyons pas naïfs ! L’objectif des actions menées à la suite de l’activation de cette clause n’est pas de récupérer des outils économiques situés à Cuba, mais bien de faire payer des dédommagements, avec intérêts calculés sur plus de 60 ans, qui rapporteront bien plus, quitte à mettre des entreprises en faillite.
Derrière les milliards de dollars, ce sont aussi des centaines de milliers d’emplois européens qui sont menacés.

L’Union Européenne n’est pas désarmée face à cette situation.

Elle s’est dotée, en 1996, d’un règlement « portant protection contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant » (Règlement (CE) n° 2271/96) et elle a condamné à plusieurs reprises le blocus imposé par les USA à Cuba.

C’est aussi la position de la France qui a été rappelée par le Ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères, à l’occasion d’une réponse ministérielle, en 2019 : « La France condamne l’activation du Titre III de la loi Helms-Burton : cette décision est inacceptable car les dispositions de ce texte revêtent une portée extraterritoriale illicite et constituent donc une violation du droit international. Cette décision des autorités américaines, qui constitue une atteinte à notre souveraineté économique, vise à dissuader les entreprises, notamment européennes, de s’engager dans des projets d’investissements à Cuba ».
Il rappelait que le règlement CE 2271/96 « établit notamment la non reconnaissance sur le sol européen de toute décision, qu’elle soit administrative, judiciaire ou arbitrale, prise par une autorité d’un pays tiers en application du Titre III de la loi Helms-Burton, et permet aux personnes physiques ou morales européennes lésées de poursuivre auprès des juridictions françaises et européennes la personne à l’origine de la plainte aux États-Unis, ainsi que ses avocats ou représentants, pour exiger une indemnisation ».

Nous avons des outils, il faut s’en servir !

Les citoyens européens peuvent agir auprès des instances de l’Union Européenne pour que celle-ci défendent nos entreprises comme en témoigne la réponse, reçue en février 2022, à une pétition remise par une association espagnole (Association Valencienne d’Amitié avec Cuba José Marti).
Dans ce texte, la Commission Européenne rappelle que l’Union Européenne ne reconnaît pas l’application extraterritoriale des sanctions adoptées par des pays tiers et que celles-ci portent préjudice aux intérêts économiques de l’Union.

De son côté, la Coordination Belge pour la Levée du Blocus contre Cuba a organisé en novembre 2021, une série d’actions contre des banques qui refusent toute transaction avec une référence à Cuba, en contradiction avec les législations belge et européenne. Elle demande aux ministres compétents de rédiger une circulaire en direction des banques stipulant des directives spécifiques qui garantissent la libre circulation des paiements vers Cuba et elle appelle la Commission Européenne à offrir une protection complète aux citoyens, aux entreprises et aux banques contre d’éventuelles amendes imposées par les USA en raison de leurs relations avec Cuba.

Une alliance d’organisations européennes pourrait porter ce type de démarches à un niveau supérieur afin de permettre le développement des échanges économiques et des investissements avec Cuba grâce à l’application de mesures concrètes, en particulier vis-à-vis du secteur bancaire.

Dans le même temps, il est possible d’agir concrètement pour aider la Grande Île en développant la coopération. Plusieurs organisations européennes dont Cuba Coopération, réalisent des projets depuis plusieurs années. Une alliance d’organisations permettrait de réaliser des projets encore plus ambitieux tout en partageant les savoir-faire.

Dans ce cadre, le Forum International organisé par Cuba Coopération lors de la prochaine Fête de l’Humanité va revêtir une importance particulière.