Un nouveau roman de Padura !

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L’écrivain cubain Leonardo Padura a dévoilé un aperçu de ce que sera son tout nouveau roman, qui comptera parmi ses protagonistes Alberto Yarini.
Par Yoel Rodriguez Tejada
12 février 2022

Leonardo Padura lit des extraits de son prochain roman avec le personnage de Mario Conde
Photo : Yoel Rodriguez

Le quartier de San Isidro garde bien des mystères à dévoiler. C’est un endroit de la Vieille Havane aux nombreuses histoires cachées et singulières et ses rues séculaires offrent toujours quelque chose à raconter. L’écrivain Leonardo Padura fait partie de ceux qui furent saisis par la magie de ce quartier bien connu des Havanais, lui qui s’est tourné vers les rues et les personnages qui y vécurent et qui y vivent toujours, et plus particulièrement s’ils sont liés au plus célèbre des truands. Alberto Yarini, "le coq de San Isidro" sera l’un des leitmotivs du tout nouveau livre du célèbre auteur qui revient au roman policier grâce à son personnage favori : le détective Mario.

Deux histoires qui se déroulent en parallèle :
" L’une a lieu en 1908 et 1910, elles ont comme épicentre le quartier de San Isidro et comme personnage principal, un policier ( Arturo Saborit) à moitié réel et à moitié fictif et son homologue à moitié réel à moitié fictif, Alberto Yarini y Ponce de Leon". C’est ce qu’a révélé l’écrivain ce 10 février, sur la terrasse du bar Yarini, au cours d’une lecture organisée par Aurelia Editions, où s’est rendu Padura coiffé d’un panama comme, dit-on, en portait le célèbre truand.

Ouragans tropicaux ou L’île et le délire ?
Le lauréat du Prix National de Littérature a déclaré que le titre du roman le plus policier qu’il ait écrit à ce jour, n’était pas décidé, et il raconté aussi, au cours de cette soirée, que l’autre histoire en parallèle se déroule en 2016, avec Mario Conde dans le rôle principal, dans laquelle, avec un groupe d’amis, il cherche à résoudre l’affaire du crime de Reinaldo Quevedo, l’un des vieux censeurs culturels des années 70 dans la Cuba du siècle dernier.

Leonardo Padura : Avec comme bagage Cuba et ma langue
Depuis son roman Mascaras, Padura nous avait déjà rapprochés de cette sinistre étape de notre histoire, ce tristement célèbre « quinquennat gris », même s’il essaiera maintenant de nous rapprocher de la perspective de ces sombres personnages de la police culturelle qui, à cette époque-là, ont fait tant de mal. « Dans chacune des histoires il y a plusieurs crimes, ce qui dans mes autres livres est peu habituel, parce qu’il me suffit d’un mort pour écrire une histoire », dit-il en plaisantant, peu avant de dévoiler au public présent au Bar Yarini des détails de sa toute dernière œuvre.

Il a expliqué avoir choisi l’année 2016 comme contexte car c’est à cette époque que beaucoup de choses se produisent à Cuba, marquée par l’espoir de changements basés sur les relations que l’on entretenait avec les Etats Unis, situation similaire à ce qui s’est produit sur l’île au cours de la première décennie du XXème siècle.

Le texte raconte à la première personne ces années de splendeur de la capitale cubaine du début du siècle dernier où l’on envisage une Cuba nouvelle. Avec l’émergence d’un avenir sur l’île, dévastée par tant d’années de guerre grâce à la main, apparemment généreuse, des étasuniens, c’était la possibilité d’un changement.

Vous remarquez la similitude avec le contexte cubain de 2016 ?
C’est l’intention de l’écrivain en rappelant l’étape du rétablissement de relations entre Cuba et les Etats Unis. La visite de l’ancien président Barack Obama, le concert des Rolling Stones, l’ouverture économique dans le secteur privé, des initiatives de toutes parts… une réalité radieuse, une fois de plus, en dehors des bonnes relations avec les « voisins du Nord ».
« Ils avaient tous beaucoup d’espoir, sauf Conde », a précisé Padura qui affirme que, selon son personnage bien-aimé et avec la sagesse dont peut faire preuve ce policier-écrivain-alcoolique de 62 ans, ce que nous connaissons n’est qu’une période de répit.

En 2016, Conde se retrouve dans un nouveau travail dans un de ces établissements dont La Havane regorge. C’est une sorte d’agent de sécurité infiltré qui doit veiller à la tranquillité de l’établissement et éviter tout désagrément, tout particulièrement l’introduction ou la consommation de drogues dans les locaux, car il sait que ce genre de commerce attire le regard, ce qui pourrait porter préjudice au fonctionnement de la nouvelle entreprise.

A mesure de l’avancée de la lecture de ces extraits que nous livre l’auteur, la nuit et quelques rires devant les bons mots de Conde (Padura) envahissent la terrasse du bar, mais peu à peu commence aussi à tomber comme un halo de nostalgie, et pas spécialement à cause du souvenir des évènements d’il y a déjà plus de 100 ans.

Cette année 2016 qui apparaît dans le roman semble appartenir à un passé extrêmement éloigné dans le temps, comme si les visites à Cuba depuis les Etats-Unis ne dataient que d’hier et que profiter d’une réunion entre amis et en famille autour d’un cochon grillé et d’un pack de bière n’était pas un luxe, pour ne pas dire un miracle, aujourd’hui.

L’assistance et l’auteur sont émus lorsqu’il achève la lecture des dernières lignes de son texte en cours d’édition et qui devrait voir le jour pour la prochaine Foire du Livre de La Havane, selon ce que Padura a avancé devant les personnes présentes.

Ce discours de Conde dans la bouche de Padura, tout aussi ému que le serait son policier favori à ce moment-là, disait à peu près ça « Et nous sommes tous ici, heureux et contents, car malgré les coups de pied au cul, les distances, les illusions perdues, les histoires qu’on nous a racontées et qu’on nous raconte encore, les promesses qui ont volé en éclats, comme le dit mon amie Clara, nous le méritons car nous avons travaillé pour ça.

Nous méritons un répit de tout ce qui est laid, foutu, mauvais, pervers, de la tristesse qui nous hante, de la réalité de ce qu’il n’y a pas, de ce qui est fini, de ce qui n’est pas à toi. Putain, quelle histoire que la nôtre ! Regardez comme on s’est fait avoir. Et aujourd’hui, nous méritons bien d’être heureux".

Et il y eut des applaudissements, des rires et quelques larmes dissimulées.