Une avancée capitale contre la maladie d’Alzheimer

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Par Iris Oropesa Mecías
Publié le Jeudi 08 décembre 2022 par Juventud Rebelde

Cet article ne relate pas une découverte ou une réalisation spécifiquement cubaine.
Mais si nous la trouvons dans la presse de l’île, il ne faut pas s’en étonner. En effet, comment être surpris qu’un pays donne à lire et à connaître une telle avancée dans le domaine médical lorsque l’on voit comment sont prises en charge les questions de santé dans ce pays, les efforts déployés pour assister et associer chacun et tous au bien-être du corps et de l’esprit, sans oublier l’aide autant importante que magnifique apportée à de nombreux pays par les brigades Henry Reeve (depuis 1963 !)
Alors merci à la presse cubaine...

GD

Bien qu’il ne soit pas possible de parler de guérison, des progrès ont été réalisés avec l’essai d’un médicament très prometteur.

Les discours pompeux ne sont pas notre genre. L’organisme de recherche britannique Alzheimer’s Research UK a qualifié la découverte de "capitale", tandis que l’un des principaux chercheurs mondiaux sur le sujet, le professeur John Hardy, la dit "historique" et il n’a pas hésité à se montrer optimiste en affirmant que "nous assistons au début des thérapies contre la maladie d’Alzheimer".

On parle ici du premier médicament capable de ralentir la destruction du cerveau affecté par la maladie d’Alzheimer en ciblant, pour l’anéantir, la protéine à l’origine de la maladie.

L’objectif des médicaments contre la maladie d’Alzheimer est de détruire les plaques de bêta-amyloïde qui bloquent la fonction neuronale.

Ce médicament, connu sous le nom de Lecanemab, s’est révélé efficace dès les premiers stades de la maladie et suscite déjà des espoirs, des perspectives mais également des critiques.

Il convient de prendre connaissance de l’ABC de cette réalisation, qui pourrait constituer une première étape dans la lutte contre la démence la plus répandue dans le monde.

Qu’est-ce que le Lecanemab ?

Le Lecanemab est un médicament expérimental fabriqué par la société japonaise Eisai et la société américaine Biogen. Il affiche des résultats prometteurs dans le ralentissement du déclin cognitif associé à la maladie d’Alzheimer. Plus précisément, il s’agit d’un anticorps monoclonal - produit par un seul clone de lymphocytes B humanisé. La molécule originale provient de souris et a été modifiée pour renforcer son effet sur l’homme.

La publication dans la revue médicale The New England Journal of Medicine d’un essai clinique de phase 3, qui analyse la sécurité et l’efficacité du médicament, a été reprise par de nombreux média dans le monde entier.

Pourquoi ? il faut savoir que l’essai thérapeutique a porté sur 1 795 volontaires âgés de 50 à 90 ans souffrant de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce, avec démence ou déficience cognitive encore légères. La présence du peptide bêta-amyloïde - molécule composée de dizaines d’acides aminés qui joue un rôle dans ladite maladie neurodégénérative - a été trouvée sur chacun d’entre eux.
Après avoir administré ce médicament à la moitié des patients sélectionnés au hasard, il a été constaté que la maladie continuait de priver les patients de leurs capacités cérébrales, mais que le déclin se ralentissait d’environ 25 % lors du traitement sur une durée de 18 mois.

Dans d’autres domaines, ces indicateurs pourraient sembler très modestes, mais ces résultats ont suscité des réactions enthousiastes de la part de nombreux spécialistes, considérant que la lutte contre la maladie d’Alzheimer ne dispose que de trop peu de solutions thérapeutiques.

Comment le cerveau fonctionne-t-il ?
Pour comprendre comment ce médicament agit, il faut avoir en tête l’hypothèse de la "cascade amyloïde » défendue par une partie des neuroscientifiques, qui suppose que l’accumulation de plaques de ce peptide dans le cerveau pourrait être le principal facteur, ou l’un de ses principaux, à l’origine de la maladie.

Ainsi, pendant des décennies, les chercheurs se sont concentrés sur la recherche de molécules qui agissent sur les plaques bêta-amyloïde pour arrêter ou freiner la progression de la maladie d’Alzheimer, mais jusqu’à présent, aucun médicament ne s’est avéré bénéfique pour les patients lors des essais cliniques.

En bref, le cœur du problème consiste à, dirons-nous, « déjouer" la concentration de bêta-amyloïde qui bloque les neurones, ce qui n’a encore jamais été réalisé avec succès.

Toutefois, comme pour tout ce qui concerne la Médecine, nous devrons accueillir les avancées avec patience et prudence.

Il est incontestable que le Lecanemab réduit notablement les plaques de bêta-amyloïde dans le cerveau, tels que l’ont montré l’imagerie par Tomographie par Emission de Positons (TEP) et l’analyse du liquide céphalorachidien circulant dans le cerveau et la moelle épinière.

Une échelle standard (CDR-SB) allant de zéro à 18 points a été utilisée pour évaluer les effets sur les troubles cognitifs/la démence.

Au point zéro, une personne ne présente aucun trouble cognitif, tandis que de 16 à 18 points, on considère qu’elle est atteinte de démence sévère. Le Lecanemab ne permet d’obtenir qu’une amélioration de 0,45 point sur cette échelle après 18 mois de traitement (1,21 point), par rapport au placebo (1,66 point).

En d’autres termes, l’effet sur la santé est modeste au niveau global, et au niveau individuel certaines personnes ne tirent aucun profit de la prise du médicament. Le résultat est certes statistiquement substantiel, mais le consensus n’est pas encore absolu : certains le voient comme une avancée révolutionnaire, tandis que d’autres estiment que l’impact sur la vie quotidienne des patients n’est pas si significatif.

Par ailleurs, comme le signalent plusieurs média spécialisés, l’efficacité à long terme du médicament, au-delà de 18 mois de traitement, est inconnue.
Si on considère que le Lecanemab est un traitement chronique (une dose toutes les deux semaines), savoir si son effet perdurera ou non dans le temps est primordial, notamment au niveau de la réflexion sur son financement partiel par les systèmes de santé.

Un essai clinique est en cours pour déterminer l’effet à plus long terme du médicament, et pour connaitre son rapport coût-avantage qui est une question essentielle pour les firmes pharmaceutiques.

Des résultats manifestes
Malgré les nombreuses questions sans réponse, le fait qu’un traitement ait déjà donné des résultats probants lors d’un essai thérapeutique sur une large population est une source d’espoir.

"Je suis très enthousiaste à l’idée que nous sommes sur le point d’en savoir assez pour nous approprier le sujet et nous devrions obtenir quelques résultats qui feront la différence d’ici une dizaine d’années environ ", a déclaré à la BBC la professeure émérite Tara Sires-Jones, spécialiste au Centre des Sciences du cerveau de l’université d’Édimbourg.

Tandis que Kate Lee, directrice générale de l’Alzheimer’s Society, a déclaré à l’émission Today de la BBC que "le médicament devrait "changer la donne" pour les générations futures".

Dans cet esprit, nous souhaitons ardemment que le traitement s’avère efficace à plus long terme et qu’il ouvre la voie à un plus grand nombre d’options pour combattre la démence la plus répandue dans le monde.