Union Européenne : en finir avec les lâchetés !

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À l’initiative de notre Association, un mouvement se dessine en Europe pour exiger que l’Union Européenne cesse de se plier aux diktats des USA et mette ses actes en accord avec ses paroles pour permettre que les entreprises et les banques européennes puissent librement commercer avec Cuba.

Les banques européennes ont versé, entre 2009 et 2016, 16 milliards de dollars (dont 9 milliards pour BNP Paribas) de pénalités, infligées pour non-respect des lois extraterritoriales imposées par les USA.

Ce fait explique que, comme le rappelait une note de la Direction Générale du Trésor de février 2022, « Les banques françaises ont aujourd’hui des réticences à s’engager à Cuba et l’incertitude dans le milieu des affaires, générée notamment par l’activation du titre III de la loi extraterritoriale américaine Helms-Burton en mai 2019, suivie du placement par les Etats-Unis de Cuba dans la liste des pays finançant le terrorisme en janvier 2021, rend plus complexe la mise en œuvre des nouveaux projets d’investissements français ».

Dans les faits, les entreprises européennes qui désirent investir à Cuba, ou simplement commercer avec ce pays, ne trouvent pas de banque pour effectuer les transactions nécessaires.

Signature de l’accord entre L’UE et Cuba en 2016

Et pourtant, un accord de dialogue politique et de coopération avec Cuba a été signé entre l’Union Européenne et la Grande Île en 2016, à la faveur du rapprochement initié par Obama. Les USA ne s’étaient pas opposés à cet accord, à condition qu’on y fasse figurer la question des droits humains, auxquels ce pays est tellement attaché (les Vietnamiens, les Irakiens, les sans-abris étasuniens et bien d’autres peuvent en témoigner !).

Le projet de loi français autorisant la ratification de l’accord de dialogue politique et de coopération entre l’Union Européenne et Cuba de 2016 brossait un tableau optimiste des retombées économiques favorables pour les entreprises françaises.

Il rappelait qu’en août 2016, le Gouvernement cubain avait annoncé la concession de l’aéroport de La Havane au consortium Bouygues et Aéroports de Paris. C’était la première fois que les autorités cubaines confiaient la concession d’une grande infrastructure à des entreprises étrangères.

Ce projet précisait les nombreux domaines où les entreprises françaises pouvaient investir.

Tout cela est tombé à l’eau à la suite des décisions prises par Trump.

Lois extraterritoriales (dessin paru dans Les Echos)

Pourtant, l’Union Européenne s’est dotée, en 1996, d’un règlement « portant protection contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant » (Règlement (CE) n° 2271/96) et elle a condamné à plusieurs reprises le blocus imposé par les USA à Cuba.

Ce règlement, qui n’a jamais été appliqué, prétend protéger les entreprises européennes en leur interdisant de se soumettre aux lois extraterritoriales décidées par les USA, puisque ces décisions sont illicites.
Peut-être inquiets de leur témérité, les dirigeants européens ont fait connaître de quelle façon il fallait interpréter ce règlement dans une note d’orientation parue en 2018.

Cette note rappelle les points essentiels du règlement : l’interdiction de se soumettre aux lois extraterritoriales étasuniennes et la possibilité d’obtenir réparation des préjudices causés par l’application des lois extraterritoriales. Aucune banque n’a utilisé ce recours contre ceux qui les avaient sanctionnés. Elles ont préféré se soumettre au racket des USA plutôt que de perdre l’accès au marché de ce pays.

La même note pose « naïvement » la question suivante : « La "Loi de blocage" oblige-t-elle les opérateurs de l’Union à entretenir des relations commerciales avec l’Iran ou Cuba ? ».

La réponse, évidente, suit :
« Les opérateurs de l’Union sont libres d’exercer leurs activités comme ils le jugent approprié en conformité avec le droit de l’Union et les lois nationales applicables. Cela signifie qu’ils sont libres de choisir de commencer à travailler, poursuivre ou cesser leurs activités en Iran et à Cuba, et de s’engager ou non dans un secteur économique sur la base de leur évaluation de la situation économique. »

Ce qu’il faut comprendre par : Si, parce que vous commercez avec Cuba, les USA vous font « une offre que vous ne pourrez pas refuser » (voir le Parrain), vous avez le droit de partir en courant…

Bien évidemment, les banques qui sont aux premières loges de la bataille ne vont prendre aucun risque et refuseront toute transaction concernant Cuba puisque « elles sont libres d’exercer leur activité comme elles le jugent approprié ».

Un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 21 décembre 2021 vient de confirmer cette orientation en rappelant que l’article 5 du "Règlement de blocage" interdit aux entités européennes de se conformer aux régimes américains de sanctions, mais qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une entité européenne puisse résilier un contrat avec une personne figurant sur la liste SDN des USA si elle démontre que la résiliation n’est pas liée au régime des sanctions (On fournit même le mode d’emploi, il n’y a plus qu’à trouver une bonne raison et cela donnera un peu de travail aux avocats d’affaires).

L’arrêt précise même que « La résiliation d’un contrat accomplie en violation d’un "Règlement de blocage" peut être sanctionnée par l’annulation de cette résiliation, dans la mesure où une telle sanction ne produit pas d’effets disproportionnés pour l’entité européenne ». En gros, si le risque d’amende est trop élevé, nous passerons l’éponge.

On peut dire un tas de choses sur l’Union Européenne, mais certainement pas l’accuser d’être téméraire ! Il vaut mieux payer et se faire dépouiller (voir l’affaire Alstom) que de faire face.

Couverture du livre de Frédéric Pierucci : Le piège américain. Les dessous de l’affaire Alstom

Dans cette situation, les peuples européens ont leur mot à dire et c’est le sens de la pétition que nous sommes en train de préparer avec nos amis espagnols et italiens pour que l’Union Européenne défende vraiment ses entreprises et ses banques, mette ses actes en accord avec ses paroles et décide que des banques seront chargées d’effectuer les transactions financières avec Cuba en précisant qu’elle les défendra en cas de sanctions extraterritoriales.