« Venez montrer que ce que nous voulons réaliser est possible ! »

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C’est la parole émouvante de la maman d’un enfant autiste lors de la rencontre, organisée dans le Gard par le comité départemental de Cuba Coopération et nos amis de la fédération du Secours Populaire, entre une délégation cubaine (Yanet Gonzalez Laso, responsable du gouvernement provincial de Cienfuegos et Tania Gonzalez Fonseca, directrice de l’école pour enfants autistes de Cienfuegos) avec des professionnels et des parents français.

Lors d’une courte introduction, les Cubains et les Français ont rappelé que l’autisme n’est pas une maladie, mais un trouble du développement d’origine neurologique dont le dépistage précoce permet d’améliorer de façon importante les conditions de vie de la personne concernée. Car un enfant autiste qui ne parle pas, peut apprendre à parler, lire et écrire.

Comme nos amies cubaines l’ont écrit dans leur feuillet de présentation de l’école :
"Sachez qu’avant d’être autiste, je suis un enfant ou un adolescent.
Aussi sérieux que soit mon trouble du développement, je suis plus ce qui me rapproche de vous que ce qui m’en écarte."

La situation en France

Les Français ont ensuite dressé état des lieux de la situation dans notre pays qui tendait à montrer le maigre investissement des pouvoirs publics dans la prise en charge de ce trouble.

Les parents sont confrontés à un véritable parcours du combattant pour réunir les éléments destinés à prouver que leurs enfants sont atteints de ce trouble et obtenir ainsi une aide qui ne couvre pas leurs besoins.
Bien que, comme cela a été rappelé au début de la réunion : « on nait autiste et on meurt autiste », les parents doivent constituer un dossier tous les 2 ou 5 ans, destiné à démontrer que leur enfant souffre de ce trouble pour continuer de bénéficier d’aides dérisoires.

Les établissements pouvant accueillir les enfants autistes sont en nombre largement insuffisant et les parents ne peuvent compter que sur les associations qu’ils ont créées et leur entraide. Les plus fortunés pouvant aller vers un secteur privé qui profite de cette situation.

L’inclusion des enfants autistes dans le système éducatif est très difficile et seulement 10 % des enfants autistes vont dans des établissements d’enseignement.

Peu de professionnels sont réellement formés pour le dépistage de l’autisme qui reste, en grande partie, l’apanage du monde médical. Un parent a raconté l’anecdote d’un médecin déclarant que puisque l’enfant le regardait dans les yeux, il ne pouvait être autiste. On a ainsi perdu un temps précieux avant que cet enfant soit effectivement diagnostiqué comme étant autiste.

Une rencontre attentive et chaleureuse

Les Centres Ressources Autisme déployés sur tout le territoire sont engorgés. Les délais d’attente moyens sont très longs et il s’écoule en moyenne 22 mois entre la réception de la demande de consultation et un diagnostic précis de troubles ou d’absence de trouble. On perd ainsi un temps précieux pour les chances de progrès de l’enfant. Une maman, qui a voulu aller plus vite, a ainsi dû payer 4 000 € pour les différentes consultations destinées à aboutir au diagnostic.

Il n’existe pas de dépistage systématique. Un adulte de 50 ans a ainsi été reconnu comme autiste après que son enfant l’ait été et qu’il se soit rendu compte, lui-même, qu’il souffrait des mêmes troubles. C’est toute une vie d’incompréhension et de souffrance qui résulte ainsi du désintérêt des pouvoirs publics.
La France a été condamnée, au moins 5 fois, par le Conseil de l’Europe, pour discrimination à l’égard des enfants autistes pour défaut d’éducation, de scolarisation et de formation professionnelle.

Les activités de l’école pour enfants autistes de Cienfuegos

Nos amies cubaines ont ensuite présenté le système d’aide aux enfants autistes à Cuba qui compte 8 écoles spécialisées.
L’école pour enfants autistes de Cienfuegos rayonne dans la région Centre et bénéficie à 169 enfants de 3 à 17 ans.
Elle suit 51 enfants de 8 municipalités de Cienfuegos. 19 enfants viennent à l’école tous les jours, 28 combinent leur présence dans les classes classiques et à l’école spécialisée (2 ou 3 fois par semaine) et 4 enfants, qui ne peuvent se déplacer, sont suivis à domicile.

Tania Gonzalez Fonseca, la directrice de l’école, a exposé les méthodes utilisées avec les enfants autistes :
Le travail sur la socialisation, la communication et le comportement.

Le travail sur l’enseignement lui-même avec :

  • L’échange par signes si l’enfant ne parle pas,
  • La lecture globale avec des repères de couleurs,
  • La lecture facilitée avec des textes simples pour aider à la compréhension.

Les activités socio-éducatives (contact avec les chevaux, les dauphins, sorties en ville, musique, dessin, modelage, etc.).

On recherche la socialisation des élèves et leur inclusion dans la société. Ils participent ainsi, aux côtés des autres enfants, à la cérémonie de remise des foulards qu’ils porteront en allant à l’école.

Tania Gonzalez Fonseca expliquant les méthodes utilisées dans l’école

L’école est aussi un centre de recherche dans le domaine de l’autisme avec « une banque de problèmes » qui deviennent des sujets de recherche pour les étudiants rattachés au centre. Plusieurs d’entre eux ont ainsi obtenu un diplôme en éducation spécialisée.
L’école, en plus des enseignants, compte aussi des spécialistes (orthophonistes, kinésithérapeutes, psychologues, psychopédagogues, professeur d’éducation physique, etc.).
Quelques courtes vidéos ont permis de voir les enfants lors de formations ou au cours d’activités menées en commun avec les enseignants, les éducateurs et les parents.

Les questions et les comparaisons d’expériences

Les échanges ont été denses et les questions nombreuses. Les Français et les Cubains ont constaté avec plaisir qu’ils utilisaient les mêmes méthodes en portant les mêmes critiques sur certains points de la méthode ABA, par exemple.

Un parent français a expliqué comment, avec le reste de la famille, la vie de son enfant autiste était organisée dans la maison avec des repères dans le temps. Il s’agit d’un travail de préparation extraordinaire qui nous a fortement impressionnés.

Comme chacun et chacune partageaient les mêmes sentiments, les mêmes préoccupations et le même attachement aux autres, de chaque côté de l’océan, il y a eu quelques moments d’intense émotion sur lesquels nous tirerons un voile pudique.

Yanet Gonzalez Laso a ensuite expliqué les nouveaux objectifs que se donnait l’école. Nos amies cubaines vont ainsi reprendre la pratique du journal, utilisé dans le centre du Loiret et dans celui du Gard qu’elles ont visités. L’action va aussi être menée en direction de la formation des parents.

Personne n’était pressé de rentrer et la question s’est posée naturellement : « Comment allons-nous continuer ? »
Les Français qui vivent tellement de difficultés, ont proposé d’aider l’école cubaine et lorsque Tania a demandé comment elle et Yanet pouvaient les aider, la réponse est venue d’une maman française : « Venez montrer que ce que nous voulons réaliser est possible ! ».

Les contacts ont été pris avec les parents, les relations vont se poursuivre entre l’école et les centres visités et une nouvelle rencontre encore plus importante se profile.
Nous en reparlerons…

Vous trouverez une vidéo de présentation de l’école. La version originale se termine pas un poème de José Marti : "A Emma", en espagnol. Je me suis permis de le traduire (du mieux possible) et de remplacer la fin, écrite en espagnol, par le texte en français.