Obama et Raul, un geste anodin, c’est la question

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Quel sens a la poignée de main entre Obama et Raul Castro ? Seul le premier a la réponse

« Historique ». Au lendemain de la cérémonie d’hommage à Nelson Mandela, le mot a été sur toutes les lèvres pour qualifier la poignée de main entre le président américain Barack Obama et son homologue cubain Raul Castro. Mais au-delà de l’image qui en direct a fait le tour de la planète en boucle, que dit cette poignée de main de la relation entre les deux pays ? Prémices d’un rapprochement entre deux pays qui n’ont plus de relations diplomatiques depuis 1961 ou rencontre fortuite, vide de sens ?

« Il faudrait éviter d’aller trop vite en besogne », a commenté dans l’Humanité le journaliste José Fort. Dans l’immédiat, " the Castro Obama handshake" ["poignée de main" en anglais ] est la plus recherchée sur le web américain et la plus abondamment commentée, par la Maison Blanche elle-même, qui veut formellement minimiser, par les Républicains qui n’ont pas manqué de monter au créneau, en des termes outranciers et par les anticastristes de Miami, atteints une nouvelle fois d’hystérie collective.

Obama- Raul Castro : quelques secondes de banalités ?

Par Michel Porcheron

[Quand Barack Obama a commencé, souriant, à serrer des mains, allait-il éviter de serrer celle du président cubain Raul Castro, qui se trouvait sur son chemin ? Bien sûr que non. S’il l’avait fait, pour le coup l’instant aurait été immédiatement historique et définitivement historique. Obama, toujours souriant, serre donc naturellement la main de Raul Castro. Un bref échange s’instaure. Le moment est-il « historique » ? On le saura un jour, plus ou moins proche, plus au moins lointain.
Que se sont-ils dit ? Obama le sait, Raul Castro aussi, d’autres aussi comme l’interprète ou peut être une ou deux personnalités alors les plus proches. Il n’est pas désobligeant d’imaginer que leur bref échange se soit limité à quelques banalités d’usage lors de ce type de rencontre. Il n’est pas déplacé d’imaginer aussi que deux ou trois mots choisis de Barack Obama— car c’est lui qui dans le « rapprochement » dont on a parlé doit prendre l’initiative – ont été adressés au président cubain, pour prendre date et langue.

Si cela était le cas, le moins qu’on puisse dire, comme on va le voir plus bas, c’est que le contexte américain actuel ne se prête pas à ce genre de « révélations ». A moins de miser dans quelque temps, une fois retombé le soufflet, sur des « fuites », malveillantes ou non, mais toujours calculées, à toutes fins utiles. Sans écarter définitivement et le moment venu, une déclaration en bonne et due forme du président américain…]

A l’ouest, rien de nouveau

(avec AFP-Washington)
La Maison-Blanche a affirmé mercredi (11/12/2013) que Barack Obama n’avait échangé que des banalités avec son homologue cubain Raul Castro lors de leur poignée de main historique la veille, et a riposté aux républicains qui avaient dénoncé ce geste. Le porte-parole adjoint de la présidence américaine, Josh Earnest, a également affirmé que ce geste improvisé n’annonçait aucun changement politique vis-à-vis de Cuba.
M. Obama, en se dirigeant vers la tribune du stade de Soweto en Afrique du Sud mardi matin pour prononcer un discours à la mémoire de Nelson Mandela, a serré les mains des dignitaires sur son chemin, dont Raul Castro. Dès mardi, un conseiller du président américain avait assuré que ce contact retransmis en direct dans le monde entier, n’était pas prévu à l’avance.

La Havane a voulu voir dans cette poignée de mains, la première publique entre deux présidents américain et cubain depuis un demi-siècle, « le début de la fin des agressions des États-Unis contre Cuba », selon un site internet officiel cubain.
[en espagnol : http://www.cubadebate.cu/noticias/2013/12/10/furor-en-las-redes-sociales-por-breve-apreton-de-manos-entre-obama-y-raul/ ]

Mercredi, le porte-parole adjoint de la présidence américaine, Josh Earnest, a indiqué que le bref échange n’avait été que formel.

« D’après ce que je comprends, sur la base de gens qui ont parlé au président après son discours, ils (MM. Obama et Castro) n’ont pas eu de discussion de fond, substantielle sur des questions politiques, mais plutôt échangé des banalités alors que le président se rendait à la tribune », a expliqué M. Earnest lors d’un point de presse.

« Donc, il ne s’agissait pas d’une occasion pour le président d’évoquer les nombreuses inquiétudes (des États-Unis) sur les violations des droits de l’Homme à Cuba », a-t-il ajouté. Le dossier d’Alan Gross, Américain emprisonné à Cuba depuis quatre ans, n’a pas non plus été mentionné à cette occasion, selon M. Earnest.

Dès mardi, les adversaires républicains du président Obama s’en étaient pris à sa décision de serrer la main du dirigeant cubain, ennemi des États-Unis.

« Pourquoi serrer la main d’un homme qui emprisonne des Américains ? » a demandé le sénateur républicain John McCain. « A quoi cela sert-il ? Neville Chamberlain a serré la main d’Hitler », a-t-il lancé, en référence au Premier ministre britannique, venu rencontrer Hitler à Munich avant la Seconde guerre mondiale, et devenu symbole du renoncement face aux nazis. M. Earnest s’est élevé contre cette comparaison. Lier Hitler et des événements politiques présents « est dangereux, et généralement malvenu en public », a-t-il estimé.

« Il existait autrefois un principe important, d’origine républicaine, qui voulait que la politique politicienne s’arrête aux frontières » des États-Unis et « il est malheureux que plusieurs républicains aient critiqué le président pour avoir serré une main aux obsèques de Nelson Mandela », a conclu le porte-parole.

(mp)