La danse orientale et l’Islam à Cuba...

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Deux articles écrits par Nadia MERHRIOUI.

Des documents intéressants pour les références qu’ils nous donnent. Comme tous les articles publiés sur notre site, ils n’engagent, bien évidemment que leurs auteurs.

Une invitation au rêve...

Cuba est un pays très ouvert culturellement sur le monde ; et sa population s’intéresse aux diverses cultures qui la composent. Les cubains sont fortement interessés par la culture arabe et la danse orientale. Cela représente pour eux une invitation au rêve, pleine de grâce, d’élégance et de sensualité. On se laisse vite surprendre par les déhanchés langoureux de ses danseuses...

L’Union Arabe de Cuba

Lors de mon dernier séjour à Cuba, j’ai rendu visite aux membres de l’Union Arabe de Cuba. J’y ai rencontré Samira Derich Provoyer, la vice-présidente de l’Union. D’ascendance syrienne, c’est elle qui a pris l’initiative d’y introduire des cours de danse orientale. Pour elle, c’était une évidence : ses trois principales danseuses et professeures n’ont reçu aucune formation car cela n’existe pas à Cuba, mais elle leur a transmis ses connaissances sur les techniques de la danse orientale.

Les élèves comprennent bien et sont régulièrement initiées aux rythmes folkloriques de chaque pays arabe, de l’Afrique du Nord en passant par les pays du Golfe, le Moyen-Orient et bien entendu l’Egypte, le berceau du "Raqs Al Sharqi". La danse orientale demande beaucoup de souplesse et de grâce et savoir bouger ses hanches aisément peut être difficile pour certaines personnes... A Cuba les plus confirmées se débrouillent très bien ; les danses habituelles comportent ce type de mouvement comme bouger ses hanches et ses épaules qui fait partie intégrante de la salsa.

Une danse confidentielle

Malgré tout cela, très peu de cubains savent qu’il existe des cours de danse orientale à La Havane. Beaucoup de gens croient que l’Union Arabe est réservée aux arabes et aux musulmans. Et pourtant... L’association s’adresse aussi aux personnes désireuses d’en savoir plus sur cette culture et les cubains qui ont osé pousser la porte de cette union ne le regrettent pas. Ils reviennent alors régulièrement et fréquentent par exemple la bibliothèque ou le restaurant.
Désormais, ils ont compris que les arabes ont contribué à la formation de l’identité cubaine. Découvrir d’autres cultures pour élargir ses connaissances est un trait de caractère propre aux cubains.

Un spectacle national

En 2009, une danseuse orientale originaire des Canaries, Sandra Gonzalez, est venue à Cuba pour présenter un spectacle au Grand Théâtre National de La Havane. Elle a été très bien accueillie et a rendu un énorme service aux professeures.

En effet, la situation du pays fait qu’elles n’ont peu de visibilité sur l’extérieur et ne savent pas si ce qu’elles enseignent est proche de la réalité ou non.
Comme à Cuba on se débrouille avec ce qu’on a... on apprend la danse orientale grâce par exemple aux telenovelas, aux reportages télévisés, ou à des photos et vidéos transmises par des femmes de diplomates musulmans.

Sandra les a aidées et leur a donné des cours puis elle les a félicité pour leur travail, qui selon elle, était très bon.

On peut comprendre que donner des cours et organiser des spectacles coûtent cher et il est difficile de payer des intervenants extérieurs. Mais si personne ne s’y intéresse, la danse orientale n’évoluera pas à Cuba malgré toute la bonne volonté des protagonistes.


L’Islam à Cuba

La colonisation espagnole imposa à Cuba et aux autres pays latino-américain la religion catholique. Ancrée dans les esprits depuis des générations, elle ne se développa plus autant après le triomphe de la révolution puisque le régime communiste ne toléra plus la pratique d’aucune religion. Ce n’est qu’à partir de 1976[1] qu’une loi autorisa la liberté de culte, les citoyens cubains pouvaient choisir leur religion, mais sans l’exposer.

En 1992 un amendement généralisa cette loi : chacun pouvait enfin pratiquer sa religion au grand jour. Aujourd’hui, le catholicisme serait délaissé au profit de la Santeria, un syncrétisme africain qui attire une population de plus en plus jeune. D’autres religions sont pratiquées sur l’île, mais minoritaires, c’est le cas de l’Islam.

Le premier cubain converti fut Pedro Lazo Torres, devenu Yahia, l’actuel Imam de La Havane. Sa rencontre avec des diplomates musulmans, venus des Emirats Arabes ou du Nigeria suscita chez lui un engouement pour cette religion, la lecture du Coran fut pour lui une révélation et grâce à cela, il trouva enfin sa voie.

Une origine étudiante

Depuis l’époque du bloc soviétique, Cuba entretient de bonnes relations avec des pays arabes de gauche[2]. De nombreux étudiants originaires de pays comme l’Algérie, le Sahara occidental, le Yémen, certains pays d’Afrique ou encore la Palestine venaient y suivre leurs études de médecine, un domaine particulièrement réputé sur l’île. Ces échanges universitaires existent encore, certains étudiants décident même de prolonger leur séjour. La fréquentation de ces étudiants ainsi que le passage de certaines telenovelas originaires du Maghreb ou du Moyen Orient à la télévision, ne font que susciter auprès de certains cubains une fascination pour la culture arabe ainsi qu’une attirance pour l’islam, pour d’autres.

Sur une population d’un peu plus de 11 000 000 d’habitants à Cuba, on compte seulement 13 000 musulmans à travers tout le pays. La majorité d’entre eux se concentre à La Havane. Mais on en trouve aussi dans d’autres villes comme Camaguey ou Santiago de Cuba ainsi que sur l’île de la Juventud où furent déportés des enfants sahraouis. Les musulmans cubains ont en général des descendances arabes, on compte à peine 1000 cubains convertis.

Deux organismes fédérateurs et un lieu de rencontres

Pour se réunir, les musulmans fréquentent la Union Arabe de Cuba et la Liga Islamica Cubana. Deux organismes distincts mais complémentaires situés à La Havane. Le premier[3] est une association non gouvernementale, créée le 4 avril 1979. Elle a pour but de réunir les arabes de l’île afin de promouvoir et partager leur culture et leurs traditions. Cette association fait partie de la FEARAB-América, une organisation fondée en Argentine dans les années 70 et qui permet de conserver des liens avec les associations et institutions arabes de tout le continent américain
.
La deuxième[4] n’existe que depuis 2007, dirigée par l’Imam Pedro Lazo, elle regroupe tous les musulmans du pays et est surtout axée sur la religion. Ces deux organisations proposent des séminaires, des conférences et autres débats autour de l’Islam ainsi que des activités culturelles en rapport avec la culture arabe. D’ailleurs, cette année a eu lieu un concours d’arts plastiques bisannuel dont la présentation de peintures ou de sculptures ayant pour thème l’Islam.

La Casa de los Arabes, située dans le quartier de la vieille Havane, a été fondée en 1983. Elle abrite un musée ethnographique dans lequel ont lieu des expositions et autres manifestations en rapport avec le patrimoine culturel arabe. C’est le seul lieu où l’on peut trouver une salle de prière réservée à tous les musulmans pratiquants locaux ou étrangers.

Les musulmans cubains attendent impatiemment la création d’une mosquée, qui leur a été promise depuis plusieurs années déjà par les autorités cubaines. Une mosquée ne sert pas seulement à prier mais à partager des moments forts et uniques avec d’autres pratiquants.

Ce serait un avantage pour les musulmans cubains qui pratiquent leur foi chez eux pour la plupart. Ils pourraient se réunir plus souvent et partager diverses activités comme des cours de langue arabe, de théologie ou de lecture du Coran par exemple et ainsi vivre pleinement leur religion.

L’alimentation, point fort de la culture

Si à Cuba l’alimentation n’est pas très diversifiée (riz, fruits et légumes, viandes de porc ou de bœuf), il est alors difficile pour un musulman de consommer des produits dits « halal » tous les jours. C’est le cas de la viande ou des produits qui en contiennent.
Bienheureusement il existe d’autres alternatives comme la consommation du poisson. Même si elle n’est pas quotidienne !
Le seul endroit où l’on peut trouver de la viande sacrifiée selon les rites musulmans est un restaurant situé dans le quartier du Vedado, appelé « El beduino ».

Sa propriétaire, Odalys, est la petite-fille d’un marocain originaire de Fès, venu s’installer à Cuba au milieu du siècle dernier. Sa volonté était de créer un établissement pour recevoir les musulmans étrangers dans de bonnes conditions. Bien évidemment tous les musulmans locaux ne peuvent pas en profiter pour des raisons de prix.

Les autorités cubaines n’autorisent pas encore le sacrifice des animaux pour les fêtes religieuses. C’est peut-être encore un peu tôt…malgré tout, le peuple cubain reste très ouvert et il fait preuve de beaucoup de tolérance en acceptant souvent plus qu’ailleurs l’Autre et ses différences.

De plus, historiquement, et de par sa position anti-américaniste, Cuba est très proche de certains pays arabes. Il entretient par exemple, de très bonnes relations avec l’Iran aujourd’hui, ce qui ne peut qu’augmenter la chance et l’espoir d’obtenir un jour une mosquée et la possibilité pour les musulmans cubains de pratiquer à l’avenir, leur religion dans de meilleures conditions.

[1] « La religión en Cuba », CubaMinrex, Site du Ministère des Affaires Etrangères (http://www.cubaminrex.cu/Actualidad/2008/Religion_Cuba.html)

[2] Diana Rojas « Los musulmanes de Cuba », 24 janvier 2012 (www.Islamico.org)

[3] Faarid Ait Idir « La presencia histórica de los árabes en Cuba », Unión Arabe de Cuba, 6 mai 2006 (www.webislam.com)

[4] Dr Luis Delmonte Mesa « Muslims in Cuba », p.10, Florida International University (FIU), Avril 2010