Les 4 mercenaires de Miami voulaient faire croire à une « rébellion » à Cuba

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Toujours depuis La Havane, notre ami et journaliste Michel Porcheron nous fait parvenir une article sur les quatre mercenaires de Miami qui voulait attaquer des installations militaires dans l’Ile et sur "l’affaire du ZUNZUNEO, visant à provoquer un subversion interne à Cuba...

Dans ses notes de bas de page, Michel nous fournit les précisions indispensables sur ces deux sujets d’actualité.

RG

 

Les 4 mercenaires de Miami voulaient faire croire à une « rébellion » à Cuba

Par Michel Porcheron (La Havane, 14 mai 2014)  

Quelques jours à peine après que le Département d’Etat (1) a inclus à nouveau Cuba dans la liste des « pays appuyant le terrorisme », un groupe de quatre hommes venant de Miami a pénétré en territoire cubain dans le but avoué de provoquer des actions subversives. Ils ont été arrêtés le 26 avril et sont depuis sous les verrous.  

Ce qui fait dire au journaliste Lazaro Farinas : « Autrement dit, sont partis des Etats Unis des terroristes pour faire du terrorisme dans le pays qu’ils accusent de protéger les terroristes. Qui les protège en réalité ? »  (Juventud Rebelde, 13 mai. Farinas est un journaliste cubain qui réside à Miami).

Autrement dit le gouvernement de Washington continue de laisser les groupes d’extrême droite de Floride agir à leur guise.

Les quatre hommes « ont reconnu  que leur objectif était d’attaquer des installations militaires, dans le but de fomenter (promover) des actions violentes », déclarait le 7 mai dernier le ministère de l’Intérieur cubain, qui ne donnait aucune précisions sur les circonstances des arrestations.  Depuis cette date, les autorités cubaines n’ont publié aucun autre communiqué.    

José Ortega Amador, Obdulio Rodriguez Gonzalez, Raibel Pacheco Santos et Félix Monzon Alvarez ont admis qu’ils agissaient sous les ordres d’un groupe de trois commanditaires, également d’origine cubaine et domiciliés à Miami, Santiago Alvarez Fernandez Magrina, Osvaldo Mitat et Manuel Alzugaray.

Selon le ministère de l’Intérieur, trois des hommes arrêtés avaient fait depuis environ neuf mois divers voyages à Cuba, « pour étudier et mettre au point » la série d’actions qu’ils devaient exécuter.

Dans sa « Nota informativa », le ministère cubain indiquait que « s’effectueront les démarches pertinentes auprès des autorités des Etats Unis pour enquêter sur ces faits et éviter que les agissements d’éléments et organisations terroristes basés dans ce pays mettent en danger la vie de personnes et la sécurité des deux nations ».

« La logique voudrait que les autorités nord-américaines coopèrent dans cette enquête et la cessation de tels faits, comme Cuba l’a demandé dans le passé à diverses occasions », a considéré Juventud Rebelde.   

 Selon Amaury del Valle de Juventud Rebelde  (du 8 mai), les quatre hommes arrêtés avaient l’intention  de « s’introduire notamment dans une unité militaire, tuer officiers et soldats, avant de mettre en œuvre diverses actions violentes ». Ils ont déclaré, ajoute del Valle, qu’il s’agissait de créer « un choc (conmocion) social » qui aurait été utilisée pour, prétendument, lancer un appel à la violence, en plus de créer la confusion, la panique et le chaos, de façon à faire croire à une « rébellion » à Cuba »

Selon le site cubain Cubadebate, Raibel Pacheco Santos, l’un des quatre citoyens nord-américains arrêtés, a fait enregistrer en 2009 une « entreprise paramilitaire appelée Fuerza Cubana de Liberacion Inc » (FCLI) ayant pour fin « la liberté et le renversement du régime à Cuba, pour rétablir un système de droits ». Ainsi Pacheco est le directeur de cette FCLI, dont le siège, ayant pignon sur rue, est à Hialeah, Floride.

Obdulio Rodriguez, sur lequel la presse de Miami a précisé qu’elle n’avait aucune information, est détenteur d’un « record criminel devant la Cour de Miami-Dale, pour  vol et violence domestique », lit-on dans Juventud Rebelde (9 mai) qui ajoute que sur José Ortega Amador et Félix Monzon, « aucun détail n’a encore été communiqué »

Par ailleurs, le Nuevo Herald de Miami rapporte que Santiago Alvarez Fernandez Magrina, l’un des trois commanditaires dénoncés,  a déclaré qu’il « n’a aucun souvenir d’avoir connu les quatre hommes », arrêtés à Cuba. De son côté, Osvaldo Mitat a affirmé qu’il ne « savait rien du tout (nada de nada). Je suis très mauvais avec les noms »

A Cuba, il ne fait aucun doute que les commanditaires ont à Miami des « liens étroits » avec Luis Posada Carriles (2), « connotado terrorista asesino ».   

Magrina n’est pas un inconnu. Il a été complice  de Luis Posada Carriles (1928), quand ce dernier, après avoir été gracié en 2004 par la présidente sortante du Panama, Mireya Moscoso, regagna clandestinement les Etats Unis à bord du bateau Santrina. Posada Carriles avait été incarcéré dans une prison panaméenne purgeant une condamnation pour tentative d’attentat en 2000 contre Fidel Castro, à l’Université de Panama. Le chef d’état cubain se trouvait à Ciudad Panama pour le X e Sommet Ibéro-américain des chefs d’état et de gouvernement.  

Magrina en 2009, fut condamné à une peine de quatre ans de liberté surveillée par un tribunal nord-américain pour « détention d’armes et obstruction à la justice » dans l’affaire du Santrina, propriété de Magrina. Lors de son arrestation par le FBI, fut découvert chez lui « un petit arsenal »soit une mitrailleuse  M11, deux fusils d’assaut Colt AR15 et un lance-grenades.

Pour obtenir une réduction de peine, il remit aux enquêteurs d’autres armes « de sa réserve personnelle », dissimulées dans divers endroits de Miami : 30 mitrailleuses automatiques et semi-automatiques, un lance-fusées, plusieurs grenades, près de 100 kg de dynamite, 7 kg d’explosif  C4 et du matériel pour détonateurs.              

                               Le ZunZuneo 

L‘arrestation des quatre mercenaires de Miami  intervient quelques semaines après l’affaire du ZunZuneo, que dénonce chaque jour la presse cubaine. Ce dénommé « twitter cubano », actif entre 2009 et 2012, a été financé via des sociétés écran par l’Agence des Etats Unis pour l’Assistance internationale (USAID) afin de provoquer une subversion interne à Cuba.

Le 8 mai dernier, à Genève, à l’occasion d’une session plénière de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), a fait observer que le ZunZuneo « viole » la Constitution de l’UIT. L’ambassadrice cubaine, Anayansi Rodriguez, qui a « dénoncé » ce programme a précisé que le but fondamental de ce réseau était dans un premier temps d’augmenter considérablement le nombre d’ « usagers-amis », pour ensuite introduire des contenus politiques susceptibles, selon elle, de créer les conditions favorables à des concentrations populaires massives et par ce biais provoquer une subversion interne, une déstabilisation dans le pays et l’éclatement d’une crise.

ZunZuneo n’est pas la seule plateforme de ce genre. On peut en citer d’autres, comme Piramideo, MartiNoticias et Diario de Cuba, toujours actives.

NOTES

(1)- La porte-parole du Département d’Etat à Washington, Marie Harf, interrogée par des journalistes sur les raisons d’inclure Cuba dans cette liste et jusqu’à quand, répondit : « Comme je n’ai pas plus de détails, je ne peux vous répondre »…

(2)- Si le nom de Luis Posada Carriles n’est que mentionné depuis le 7 mai, sans qu’il soit jusqu’ici officiellement impliqué dans cette affaire, il n’est pas inutile de rappeler que ce ressortissant des Etats Unis, d’origine cubaine, est l’auteur  direct ou indirect de divers attentats meurtriers  qu’il a revendiqués, tout particulièrement celui qui  couté la vie en 1976 à 73 personnes (passagers et équipage) en 1976, après l’explosion en vol d’un avion de ligne DC10 de Cubana de Aviacion, au large de la  Barbade. Il a également entrainé et payé des mercenaires originaires d’Amérique centrale  pour « dynamiter » en 1997 des installations touristiques à Cuba. Un jeune Italien, Fabio Di Celmo, fut mortellement atteint dans un attentat qui fit également plusieurs blessés graves.

Le nom de Posada Carriles – pour ne parler que des attentats visant Fidel Castro- est  apparu principalement à partir de 1971 dans la presse étrangère, lors de voyages à l’étranger du leader cubain, contre lequel des attentats avaient été organisés par des groupes d’activistes au service de la CIA : en novembre 1971, à l’occasion de sa visite officielle au Chili de Salvador Allende, en septembre 1976 alors que le dirigeant cubain préparait un voyage en Angola, en novembre  1988 peu avant une visite de Fidel Castro au Brésil.

Dans son livre « Guerra secreta, Cronologia del crimen, 1959-2000 » (Ed.Imagenes, 2005), Fabian Escalante cite à quatre autres reprises, entre 1994 et 2000, le nom de Posada Carriles dans la préparation d’attentats contre Fidel Castro : en novembre 1994, à Cartagena de Indias, Colombie, où était célébré le IV Sommet Ibéro-Américain, en novembre 1997, au Venezuela, lors du VII Sommet, et, comme on l’a vu au Panama en novembre 2000, où se tenait le X Sommet.

Deux ans auparavant, en novembre 1998, Posada Carriles fit partie d’un groupe préparant un attentat visant Fidel Castro, lors d’un voyage à Saint-Domingue. 

Dans un premier temps, Washington avait démenti l’entrée clandestine de Posada Carriles aux Etats Unis. Mais après une intense campagne internationale menée par La Havane, sa présence à Miami fut admise. Les autorités américaines se sont vues forcées de l’arrêter et de le déférer devant les tribunaux pour « entrée illégale dans le pays».     

A l’heure actuelle, malgré ses condamnations, son statut de terroriste international et grâce à sa remise en liberté due à quelques amis hauts placés,  Luis Posada Carriles -- dont le nom n’a pas manqué de figurer dans les enquêtes sur l’assassinat du président Kennedy, dès le 23 novembre 1963-- est un citoyen ayant dépassé largement l’âge de la retraite, apparemment paisible, que l’on peut voir se promener, sans escorte, dans les rues de Miami. Impunément. Comme s’il se savait protégé, quand on en sait trop.

Lire : http://blogs.mediapart.fr/blog/pizzicalaluna/140514/menace-terroriste-sur-cuba-en-provenance-des-etats-unis

(mp)