L’accès à l’eau potable est en rapport avec la survie humaine, la santé et le bien-être.

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Quelle a été la politique cubaine concernant l’accès à l’eau potable ? Quels en sont les problèmes actuels et les perspectives futures ?

Des spécialistes de l’Institut National des Ressources Hydrauliques répondent à ces questions, et à d’autres, dans un entretien exclusif.

Un article suggéré par notre ami Christian HUART, Vice Président de notre association chargé spécialement de l’’environnement et du traitement des eaux usées... questions liées aux problèmes de l’accès à l’eau potable.

« L’eau à Cuba: une ressource stratégique »

- Actuellement, 95.5 % de la population accède à l’eau potable, aussi bien dans le secteur urbain que rural.

- Pour l’amélioration de la qualité de l’eau potable, le pays compte 1 187 stations de chloration.

Au lendemain du triomphe de la Révolution, la situation hydraulique du pays était chaotique, comme l’affirmait Fidel peu avant l’inauguration de l’Institut National des Ressources Hydrauliques (INRH), en août 1962. Seulement treize petites retenues d’eau avaient été construites dont la capacité totale était de 48 millions de m3. L’inexistence d’une institution chargée de planifier, organiser et élaborer des politiques de développement du secteur indiquait le désintérêt des autorités pour améliorer un panorama où seuls 114 centres urbains disposaient de réseaux d’eau potable, privés pour la plupart, et 9 autres avaient des réseaux peu importants d’assainissement.

Les travaux de protection contre les inondations étaient de très faible envergure, il n’y avait pas non plus de professionnels, techniciens ou ouvriers qualifiés, ni de système d’étude et de contrôle du cycle hydrologique, élément essentiel pour la mise en œuvre d’une stratégie orientée vers l’utilisation rationnelle des ressources hydrauliques du pays.

La capacité de prévision du leader de la Révolution par rapport à l’eau comme ressource essentielle pour la vie s’est matérialisée dans un développement hydraulique qui gagne des forces actuellement avec 242 retenues d’eau, 755 mini-barrages, 16 stations de relevage, plus de 22 500 km de réseaux de distribution, 2 591 stations de pompage, 67 stations de potabilisation, 2 157 stations de chloration, 788 km de canaux, 10 stations d’épuration, 5 300 km de réseaux d’assainissement, une couverture de 92.35 % pour l’alimentation en eau potable et de 95.82 % pour l’assainissement.

Il a fallu le triomphe de la Révolution pour que l’accès à l’eau cesse d’être une affaire pour devenir un droit de l’homme respecté, affirme l’ingénieur Alfredo Álvarez, conseiller de la présidente de l’INRH et fondateur de l’institution, qui admet que malgré le développement hydraulique atteint et les buts visés pour le perfectionnement du service, le degré de sensibilisation de la population n’a pas beaucoup progressé.

Les caractéristiques géographiques de notre pays le rendent vulnérable vis-à-vis des sources d’eau potable et ne nous laissent comme option de recharge de nos bassins que les pluies, dont la moyenne annuelle es de 1 335 mm et dont le régime varie, et continuera de varier, à cause du changement climatique, ajoute le Dr. Jorge Mario García Fernández, directeur du Conseil national des bassins versants. L’importance de ces bassins les rangent en deux catégories : ceux qui ont une relevance nationale (10) et ceux qui ont un intérêt provincial (52).

Il ne suffit pas de faire des investissements institutionnels si l’utilisation rationnelle de l’eau ne fait pas partie du comportement conscient des personnes, de leur pratique quotidienne, affirme Gisel Pérez Wong, directrice du Département de gestion et d’innovation technologique de l’INRH.

C’est pour cela que la Politique nationale de l’eau, adoptée en décembre 2012 suivant les postulats 300 à 303 des Directrices de la politique économique et sociale du parti et de la Révolution, établit que l’organisme aussi bien que tous les usagers de l’eau sont les protagonistes de la mise en œuvre de cette politique.

Parmi les priorités de cet instrument légal il faut mentionner l’utilisation rationnelle et productive de l’eau, l’exploitation efficiente de l’infrastructure construite et la gestion des risques associés à la qualité de l’eau et aux évènements climatiques extrêmes.

Un diagnostique présenté avant la mise en œuvre de la Politique nationale de l’eau estime que le pays perd 2 500 millions de m3 par an, volume qui coûte 730 millions de CUP, 300 GW/h et 108 mille tonnes de diesel.

Accès à l’eau.

L’accès à l’eau potable est en liaison avec la survie humaine, l’hygiène et le bien-être. C’est pour cela que Cuba tient compte de ce droit élémentaire dans ses programmes sociaux. En 1995, le pays avait déjà atteint l’Objectif 7C, faisant parti des Objectifs du Millénaire, qui établit la réduction de 50 % du nombre de personnes manquant d’accès durable à l’eau de qualité pour 2015.

Les problèmes fondamentaux sont actuellement centrés sur les pertes dans la distribution de l’eau, sur le mauvais état technique des réseaux d’alimentation et sur la réhabilitation des systèmes, des sources et des stations de potabilisation ; il faut pourtant signaler qu’il y a eu des avancements dans ces domaines.

Un volume important du total d’eau disponible dans le pays est utilisé à des fins agricoles, un secteur qui gaspille largement cette ressource, et industrielles ; seulement 20 % de l’eau est destinée à la population.

L’ingénieur Yunior González Núñez, directeur du Département d’utilisation rationnelle de l’eau à l’INRH, mentionne les trois voies principales d’accès à l’eau par la population : le raccordement des maisons aux réseaux de distribution, l’approvisionnement par des camions citernes et des réservoirs mis à la disposition de la population là où les réseaux n’existent pas ou sont très détériorés.

« Les entreprises de l’INRH fournissent des services à 8 millions 240 mille personnes ; le ministère de l’Agriculture et Azcuba [corporation de production du sucre] alimentent en eau 900 mille personnes ; environ un million de personnes reçoivent l’eau par des camions citernes ; et finalement 800 mille personnes doivent transporter l’eau qu’elles utilisent sur une distance qui ne dépasse jamais 300 m. Au-delà de cette large couverture, il y a 200 mille personnes en zones urbaines et 400 mille en zones rurales qui n’ont pas d’accès adéquat à l’eau. »

Les projets futurs, affirme le spécialiste, visent à supprimer la transportation d’eau par des camions citernes pour éviter les dépenses en carburant et les taux de pollution de l’eau au cours de la transportation. « C’est pourtant une voie alternative que nous conserverons, par exemple, pour les zones où les sources d’alimentation risquent de tarir par temps de sécheresse. »

« Nous avons également élaboré un programme de réhabilitation des réseaux dans 12 villes afin de supprimer les fuites d’eau et d’améliorer le service, ajoute-il, d’autre part, la construction et l’entretien des canaux restent dans nos priorités. »

L’eau destinée à la consommation humaine ainsi qu’aux loisirs et les eaux usées de l’agriculture et de l’aquiculture doivent être traitées selon des normes parce cela se répercute dans la santé.

Plus de 2 100 foyers de pollution portent atteinte aux sources d’eau. C’est pour cette raison que nous accordons une importance de premier ordre à la qualité de l’eau, souligne Pérez Wong. « Le produit chimique que nous utilisons pour le traitement est importé à des prix très élevés ; nous ne pouvons pas distribuer de l’eau si elle n’est pas convenablement traitée à l’hypochlorite de sodium, de calcium ou au gaz chlore. »

Chaque mètre cube que nous consommons représente une dépense de 0.14 USD en raison du produit chimique utilisé et de la consommation énergétique, souligne Álvarez.

Le respect de la Politique nationale de l’eau exige une somme considérable, qui est destinée à éliminer les fuites, à entretenir les installations hydrauliques et à mettre des compteurs d’eau visant le rendement du système, comme c’est les cas du service électrique, précise le spécialiste.

Une autre réussite, signale-t-il, c’est le service public d’assainissement environnemental qui dessert les villages et les communes rurales les plus éloignées et qui assure la collecte domestique grâce à des fosses septiques et des latrines.

La Politique nationale de l’eau a établi que le système tarifaire ne contribue pas à faire des économies. « Le paiement du service est infime si l’on le compare à la consommation d’eau de chaque domicile car c’est de 1.00 CUP par personne », commente González Núñez. Les compteurs d’eau sont rares et l’installation future de ces appareils prétend orienter les efforts institutionnels vers la sensibilisation de la population surtout parce les tarifs seront variables. Dans quelques villes, la personne chargée de faire la lecture du compteur d’eau prévient les propriétaires de la maison sur une consommation excessive qui alourdirait le paiement du service.

La Politique nationale de l’eau stipule que « les tarifs tiendront compte de la capacité de paiement des utilisateurs ; les inefficiences seront pénalisées et les économies seront encouragées ; les déversements seront taxés et leurs coupables devront réparer les dommages provoqués ; les bénéfices reçus seront minimaux et ces sommes seront réinvesties. »

González Núñez regrette que les pénalisations prévues par la loi en vigueur manquent d’impact sur la population. Le Décret N° 199/95, Contraventions des règlementations visant la protection et l’utilisation rationnelle des ressources hydrauliques, ainsi que le Décret N° 211/96, Contraventions des règlementations visant les services de distribution d’eau et d’assainissement, prévoient des pénalisations allant de 20.00 à 50.00 CUP. Des lois adoptées par le CITMA [ministère des Sciences, de la Technologie et de l’Environnement], comme le Décret N° 200/99, Contraventions dans le domaine de l’environnement, prévoient des pénalisations de 500.00 CUP. « Il est grand temps d’accorder les lois aux conditions actuelles, voilà pourquoi il faudra en modifier quelques-unes. »

Pourtant, aucun projet futur ne donnera de fruits si l’on ne sensibilise pas la population. « Si nous laissons les robinets ouverts quand nous nous rasons ou nous brossons les dents ou quand nous faisons la vaisselle, si nous mettons en marche la pompe d’un immeuble et ne l’arrêtons que lorsque le réservoir déborde, si nous ne considérons pas le besoin de faire des économies d’eau, de l’utiliser rationnellement, la volonté des institutions ne suffira jamais. La sensibilisation hydraulique sur le plan personnel c’est pour maintenant. »