« Song for Che » fut une des compositions majeures de Charlie Haden

Partager cet article facebook linkedin email

Charlie Haden, contrebassiste engagé et novateur a marqué l’histoire de la musique. Il avait donné, comme le fit Charles Mingus, ses lettres de noblesse à la contrebasse, qui, jusqu’à lui faisait figure de simple accompagnatrice, et participé au courant « free » au côté d’Ornette Coleman. Il fut l’un des seuls musiciens blancs de free jazz soucieux de donner une signification politique directe à sa musique.
Figure majeure du jazz, influencé par l’expressionnisme et la violence sonore de Mingus, Charlie Haden est décédé vendredi 11 juillet 2014 à l’âge de 76 ans. « C’est avec un profond chagrin que nous annonçons que Charlie Haden, né le 6 août 1937 à Shenandoah, dans l’Iowa, est décédé à Los Angeles des suites d’une longue maladie », a indiqué la maison de disques EMC dans un communiqué.
La carrière de Charlie Haden fut marquée par son premier « Liberation Music Orchestra » (enregistré en avril 1969) où comme leader à la tête d’un orchestre de 13 musiciens, il interprète notamment, avec des arrangements de Carla Bley, des chants engagés comme « Song for Che », composition de 9 mn 32, un de ses plus beaux thèmes, en hommage à Che Guevara, ou sur la guerre d’Espagne, « Quinto Regimiento », « Los Cuatros generales »…, anciennes mélodies du folklore espagnol que l’armée républicaine et les Brigades Internationales transformèrent en chants de guerre. Ce premier album « reste une œuvre d’une puissance peu commune » (Philippe Adler)

Avec le jazzman Charlie Haden, disparaît un artiste activiste

Par Fara C. (l’Humanité, dimanche 13 Juillet 2014)

Fondateur de l’historique Liberation Music Orchestra, le contrebassiste, compositeur et improvisateur Charlie Haden laisse une œuvre essentielle, celle d’un bâtisseur du jazz contemporain, mû par ses rêves de justice.

C’est un vide immense que laisse Charlie Haden, qui nous a quittés, à l'âge de 76 ans, le 11 juillet 2014 à Los Angeles, des suites d'une longue maladie.

Contrebassiste, compositeur, chef d’orchestre, soliste, improvisateur, il était bien davantage encore : un artiste activiste, un pacifiste à l’âme blessée face au pouvoir immonde occupé à soumettre le monde.

Enregistré en avril 1969 alors que des luttes de libération embrasent nombre de pays, son album culte, “Liberation Music Orchestra”, publié sur le fameux label Impulse!, illustre sa démarche avec fulgurance.

                                                            

Il porte le nom du big band hors norme, au sein duquel Charlie Haden a réuni une exceptionnelle brigade de solistes et improvisateurs – Don Cherry (cornet, flûte de bambou), Dewey Redman et Gato Barbieri (saxophones), Roswell Rudd (trombone), Mike Mantler (trompette), Paul Motian (batterie), Carla Bley (arrangements et piano)… La pochette les montre, arborant une grande banderole rouge, à l’effigie de l’orchestre En 2004, à l’occasion de la réédition du disque, il nous confiait : « Pour moi, la musique doit parler du monde et des sans voix, dresser un regard critique sur la société ».

Charlie Haden s’est sans répit associé aux francs-tireurs du jazz

Liberation Music Orchestra fait partie des albums qu’il faudrait emmener sur une île déserte. Il condense en lui tout le sel de la vie, le pouls de la révolte, le rêve d’une révolution, l’eau vive d’une musique de toute beauté, l’inventivité foudroyante d’artistes sur le fil. Le son d’ensemble allie l’or de la maestria, le pourpre du free, le vif argent de l’ironie. Une splendeur.

Les arrangements de Carla Bley, qui en outre officie au piano et au tambourin, combinent soufre et suavité : une vêture idéale pour cette collection de chants de lutte et de compositions originales – chants républicains de la guerre d’Espagne, pièce d’Ornette Coleman dédiée aux orphelins de guerre… 

 

À la quatrième minute de son hommage à Che Guevara, Charlie Haden superpose, sur le jeu nourricier de sa contrebasse, le célèbre motif deHasta Siempre chanté par Carlos Puebla. L’émotion atteint son comble.

En 2005, un autre opus du Liberation Music Orchestra adresse, à travers son titre et sa musique, “Not in our Name” (“Pas en notre nom”), comme une admonestation contre les tromperies et les exactions de certains dirigeants, en particulier le va-t-en guerre George W. Bush.

Né le 6 août 1937 dans une famille de musiciens à Shenandoah (Iowa), Charlie Haden s’est sans répit associé aux francs-tireurs du jazz, pour faire entendre une parole alternative, une musique dégagée de la pensée dominante.

De sa collaboration avec le saxophoniste Art Pepper (en 1957) à ses récentes retrouvailles avec le pianiste Keith Jarrett, de sa participation à une œuvre matricielle du free-jazz (l’album Free Jazz”, du saxophoniste Ornette Coleman) à la création de son captivant Quartet West à la fin des années 80, de sa série de duos avec Archie Shepp, Alice Coltrane, Ornette Coleman ou avec le guitariste manouche français Christian Escoudé (au milieu de la décennie 70), Charlie Haden a construit une œuvre essentielle. Il appartient au nombre des bâtisseurs du jazz contemporain. Avec patience et passion, il cultive l’utopie.

 

L’ultime album de Charlie Haden devrait sortir cet automne

En juin dernier, quatre ans après le succès de son album en duo avec Keith Jarrett (“Jasmine”, chez ECM), il ravivait l’aventure du tandem avec la sortie du disque “Last Dance (ECM), dont le titre, “La dernière danse”, ressemblait à une évocation prémonitoire.

La musique qui s’en épanche recèle une inépuisable intelligence du cœur et de l’esprit. Les deux poètes de la note font la part belle aux chansons d’amour, réinventées en version instrumentale. Ils revisitent des standards, parmi lesquels une magnifique promenade autour de minuit, avec “’Round Midnight” (de Thelonious Monk). Le CD se conclut sur un bouleversant “Goodbye” (de Gordon Jenkins).

L’ultime album de Charlie Haden devrait sortir cet automne. Il s’agit d’une captation de concert, à Montréal, avec le guitariste Jim Hall (qui, en 1962, fit partie du quartette de Sonny Rollins). Une promesse de bonheur, par deux musiciens sans fard, qui dans le fracas du monde, labourent l’art de débusquer la mélodie.  

À lire également:


Joëlle Léandre: "Avc Charlie Haden, est parti un musicien rare"
L'hymne à l'amour de Charlie Haden - archives Humanité

Lire aussi de Francis Marmande (Le Monde):

http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2014/07/12/le-contrebassiste-de-jazz-charlie-haden-est-mort_4456003_3382.html

de Michel Contat :

http://www.telerama.fr/musique/mort-du-legendaire-contrebassiste-charlie-haden-associe-d-ornette-coleman-et-de-keith-jarrett,114809.php

et (entre autres) :

http://www.lesinrocks.com/2014/07/13/musique/charlie-haden-leden-11515304/