SUR LA SITUATION A CUBA

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Il s’agit d’un article du journal l’Humanité qui revient sur les spéculations nombreuses après l’annonce de la maladie de Fidel CASTRO.

Fidel Castro : les spéculations vont bon train
Selon les dernières informations officielles, l’état de santé du dirigeant cubain serait stable. Certains travaillent à « leur » après-Castro.

Fidel Castro n’est pas encore mort, mais à entendre ou à lire nombre de nos confrères, c’est tout comme. Il faut dire qu’à la veille de ses quatre-vingts ans, le leader cubain nourrit lui-même les doutes et les ambiguïtés en se mettant en congé de pouvoirs pour raison de santé, ceux-ci étant délégués depuis lundi à son frère Raul.

Sa maladie à l’évolution « stable », selon les dernières annonces officielles, est cernée du halo du « secret d’État » pour ne pas donner l’occasion à son puissant voisin américain de se tourner avec agressivité vers La Havane si le régime cubain venait à trembler sur ses bases. Car la disparition de Fidel Castro serait assurément un choc pour Cuba... et bien au-delà.

La question de l’après-Castro est bien sûr posée, et elle l’est depuis quelque temps déjà, mais qui mieux que le peuple cubain est à même d’y répondre pour assurer sa propre « transition » ? Cuba n’est pas un paradis sous les tropiques, mais la Grande Île a acquis chèrement son indépendance et Fidel ne serait-ce que pour cette raison en est l’un des meilleurs symboles. La révolution de 1959 a fait d’un pays sous le joug de la dictature de Batista, et de la mafia de Miami, un pays fier, éduqué, nourri, soigné mieux que quiconque sur le continent sud-américain.

Cuba est un pays pauvre, des inégalités sociales y sont apparues avec la « dollarisation » de l’économie et le développement du tourisme. Mais en refusant l’économie de marché de type libéral, elle est restée aussi par nécessité, notamment celle que lui impose au quotidien l’embargo américain depuis plus de quarante ans, consciente de la valeur de ce qu’elle consomme chichement. Cuba vit sous le système du parti unique. Soit. Une conception qui l’a fait traverser avec douleur l’ère soviétique et la période dite « spéciale » des années quatre-vingt-dix où, abandonnée, elle a encore résisté. Le prix en a été lourd en termes de fonctionnement de la démocratie et du plein exercice des libertés. Les États-Unis sont-ils meilleurs quand ils mettent la planète à feu et à sang sous couvert d’exportation de la démocratie ? Que signifie « la démocratie » dans un « Cuba post-Fidel » où la dissidence qu’ils financent serait à la manoeuvre ?

Castro est sans doute au crépuscule de sa vie. Et le futur sera inévitablement fait de changements. On voit déjà des conseils avisés venir de toute part avec condescendance. Comme celui du Washington Post demandant à George W. Bush de passer outre les « obsessions idéologiques » pour donner « une vraie chance d’aider les Cubains à construire un meilleur avenir ». Les Européens pensent toujours que Fidel est un vieux dinosaure et que son heure a sonné. Comme souvent le cynisme est de rigueur. La Commission européenne n’a-t-elle pas souhaité hier un « prompt rétablissement à Castro et... à la démocratie » ? Pourtant jamais, et il suffit de parcourir l’Amérique latine pour l’apprécier, Cuba n’a paru autant en prise avec la réalité du sous-continent. Ses relations diplomatiques et gouvernementales n’ont jamais été aussi poussées. Et la popularité de Castro jamais aussi forte...

Bernard Duraud

Article paru dans l’édition du 3 août 2006 de l’HUMANITE