La biotech française Abivax rêve d’une « Silicon Valley » cubaine de la santé

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Un des plus importants laboratoires de recherche au monde

Promouvoir l’établissement d’une « Silicon Valley » des biotechnologies à Cuba ? C’est le pari tenté par Abivax, une société française, qui a annoncé, mercredi 1er avril, la création d’une instance qui aura pour mission de développer un écosystème favorable à l’essor du secteur au moment où l’île s’est lancée dans un processus de régularisation de ses relations avec les Etats-Unis.

L’annonce a été faite à New York, lors d’un colloque sur les opportunités économiques qui pourraient accompagner l’ouverture diplomatique entre Washington et La Havane.

L’idée de ce « SiliCuban Valley Advisory Board » peut faire sourire au regard de la
situation d’un pays qui manque de tout ou presque après cinquante-trois ans d’embargo américain. Mais dès les années 1960, sous l’impulsion de Fidel Castro, Cuba avait fait de la santé l’une de ses spécialités.

Ce secteur représente aujourd’hui 10 % des exportations du pays, soit le deuxième poste, avec plus de 600 millions de dollars (555 millions d’euros) derrière le nickel. C’est le double, en valeur, des exportations réalisées avec le rhum et les cigares… Il s’est par ailleurs doté, dès 1983, de l’un des plus importants laboratoires de recherche au monde, le Centre de génie génétique et de biotechnologie (CIGB), qui regroupe 1 400 chercheurs et compte plus de 1 200 brevets.

Un tissu de R&D de haut niveau, mais à bas coûts

Abivax, qui développe notamment deux vaccins en cours d’homologation – l’un contre l’hépatite B (qui pourrait être commercialisé d’ici à 2018), l’autre contre le sida –, a commencé…

« Cuba dispose d’un système de santé exceptionnel, rappelle M. Pouletty, le président d’Abivax. Il forme trois fois plus de médecins par habitant qu’en France. »

Promouvoir l’établissement d’une « Silicon Valley » des biotechnologies à Cuba ?

Abivax, qui développe notamment deux vaccins en cours d’homologation – l’un contre l’hépatite B (qui pourrait être commercialisé d’ici à 2018), l’autre contre le sida –, a commencé à s’intéresser à Cuba il y a quatre ans. « Nous étions à la recherche d’un antigène pour nos adjuvants que les gros laboratoires ne voulaient pas nous fournir, raconte Philippe Pouletty, le président d’Abivax et directeur du fonds d’investissement Truffle Capital. Cuba disposait de cet antigène. C’est à ce moment que nous avons découvert qu’il existait dans ce pays un tissu de recherche & développement [R&D] de très haut niveau. »

Ce fut le point de départ d’une collaboration, qui s’est concrétisée en 2013 avec la création de BioCubaFarma, un pôle qui regroupe trente-huit sociétés de biotechnologie, dont CIGB. En collaboration avec Abivax, la structure a commencé à travailler sur de nouveaux produits, notamment sur le traitement thérapeutique de l’hépatite B, qui concerne 350 millions de malades dans le monde.

Les Cubains apportent un outil de recherche de premier plan, mais à bas coûts, tandis que la société française facilite le développement des produits auprès des grandes agences internationales de régulation et celui des échanges à l’international.

« Au début, on nous a pris pour des fous, mais depuis que le processus de rapprochement avec les Etats-Unis s’est enclenché, on nous regarde différemment », souligne M. Pouletty, seul Français invité au « Cuba Opportunity Summit » de New York. « Il a fallu construire une relation de confiance, explique-t-il, car à Cuba, ce n’est pas en arrivant avec un gros chèque que les choses fonctionnent. Les chercheurs, bien qu’ils ne soient payés que 50 dollars par mois sont fiers de leur travail ; ils sont prêts à collaborer à partir du moment où l’on évite la condescendance. »

« Mondialisation de la santé »

Ces débuts prometteurs ont incité à créer le « SiliCuban Valley Advisory Board », qui comprend, outre M. Pouletty, le directeur général de l’Institut Pasteur, Christian Bréchot, le président du conseil scientifique de l’université de La Havane, Luis Montero-Cabrera, le directeur de la R&D du CIGB, Gerardo Guillen, et Paul Tomasic de la Royal Bank of Canada (RBC). Luc Teyton, du prestigieux centre de recherche Scripps de La Jolla (Californie), devrait bientôt intégrer cet aréopage.

L’objectif est de travailler sur des projets de sociétés communes avec l’étranger, de mettre en place des échanges de chercheurs, d’étudier de nouveaux modèles économiques dans le domaine de la santé. « Cuba dispose d’un système de santé exceptionnel, rappelle M. Pouletty. Il forme trois fois plus de médecins par habitant qu’en France. Dans un contexte de mondialisation de la santé, on peut penser à l’installation de cliniques privées, capables d’accueillir des malades qui ont de plus en plus de mal à se soigner du fait de l’explosion des coûts de la santé dans les pays développés. »

Quand on l’interroge sur les difficultés à travailler avec un système très administré, M. Pouletti ironise : « Quand je fais la comparaison avec certains fonctionnements du CNRS français [Centre national de la recherche scientifique], je ne me sens pas particulièrement dépaysé. »

Pour lui, la France, qui n’a pas de passé colonial avec Cuba, a une carte à jouer avec l’ouverture du pays. BioCubaFarma recevra d’ailleurs la visite de François Hollande, le 11 mai, lors du déplacement du chef de l’Etat sur l’île. Mais qu’en sera-t-il quand la digue de l’embargo américain rompra ? « Je ne crois pas à un raz-de-marée, dit M.Pouletty. Il y aura une concurrence accrue, mais je pense que les Cubains sauront se souvenir que nous étions là avant que Barack Obama et Raul Castro ne se parlent. »

"Nous travaillons depuis plusieurs années en partenariat avec le Centre cubain de Génie Génétique et de Biotechnologie (CIGB) afin de développer un vaccin thérapeutique innovant pour le traitement des patients atteints d’hépatite B chronique, sur la base de recherches initiées à Cuba.

Nous collaborons également sur plusieurs autres projets de biotechnologie avec divers instituts de recherche cubains."

Par Philippe Pouletty
Fondateur et Président d’Abivax