Enghien veut renforcer ses liens avec Cuba

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Vous pourrez lire à la suite de cet article publié dans le quotidien LE PARISIEN, un très bel hommage rendu à Juan Formell, dans la revue numérique cubaine CUBARTE.

L’ambassade musicale de Cuba en France

La ville d’Enghien est à l’affiche à Cuba, à l’occasion du festival du nouveau cinéma latino-américain qui se tient jusqu’au 13 décembre à La Havane. Dominique Roland, le directeur du centre des arts (CDA), une salle de spectacle de la commune, y présente « Havana Formell », documentaire qu’il a lui-même réalisé et qui sort ce vendredi dans l’île des Caraïbes.

Ce film de 52 minutes, disponible en France depuis cette semaine*, retrace la vie de Juan Luis Formell, légende de la musique cubaine décédée l’an dernier, un mois avant le concert anniversaire de son groupe Los Van Van programmé sur la scène flottante du lac. Un film coproduit par le centre des arts (avec les studios Abdala de La Havane), comme l’avaient été auparavant ceux sur les concerts à Enghien du Cafe Vista Alegre et d’Ivette Cepeda, ou encore le documentaire « Une Cubaine à Paris » évoquant le séjour de cette dernière, restée plusieurs semaines en résidence au CDA.

L’idée de ce film est d’ailleurs née à Cuba, lors d’une discussion entre Dominique Roland et Juan Formell en 2013. Le directeur du CDA, grand spécialiste du son cubain, avait ensuite réussi à convaincre l’artiste de venir célébrer les 45 ans de son groupe à Enghien et de participer à l’élaboration du film consacré à sa carrière. Les deux projets ont survécu au décès du chanteur. Mieux : ils se sont transformés en un émouvant hommage au leader des « Rolling Stones de la salsa ».

Enghien-les-Bains, le 29 novembre. Dominique Roland, directeur du centre des arts, a réalisé un film documentaire sur Juan Luis Formell, fondateur du groupe Los Van Van décédé en 2014, avec l’aide de son fils Samuel Formell (à gauche). (LP/E.D.)

« Havana Formell » a été présenté, en avant-première, à Enghien, le week-end dernier. L’occasion, pour le maire (LR) de la ville Philippe Sueur, de réaffirmer son « attachement » à l’île, proclamant le CDA comme la « première salle en France de programmation de musique cubaine ». Depuis le pianiste Harold Lopez-Nussa en 2004, Chucho Valdés, la Familia Miranda, Adalberto Álvarez y su Son, Los Van Van (déjà), Cafe Vista Alegre, Ela Calvo, Ivette Cepeda et d’autres se sont succédé à Enghien.

« Le centre des arts est, en quelque sorte, l’ambassade musicale de Cuba en France », commente fièrement Philippe Sueur, qui compte bien développer encore ces liens. A entendre le vice-ministre de la culture de Cuba Abel Acosta, de passage pour la projection, l’attrait est réciproque. « Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre un maire intelligent, cultivé et sympathique », glisse-t-il à propos de Philippe Sueur…

Le maire et conseiller départemental d’Enghien-les-Bains a déjà lancé une coopération universitaire avec Cuba lorsqu’il était doyen de la faculté de droit de Paris XIII-Villetaneuse. Président, depuis cette année, du comité d’expansion économique du Val-d’Oise (Ceevo), il voit désormais plus loin : « dans le Val-d’Oise, nous sommes prêts à engager les partenariats les plus amicaux et fructueux », indique-t-il. L’organisme, qui dépend du conseil départemental, a d’ailleurs programmé un voyage de chefs d’entreprises du Val-d’Oise à Cuba en 2016, pour tenter de décrocher des marchés. « Il y a beaucoup de choses à faire et c’est le moment d’y aller » appuie Jean-François Benon, directeur du Ceevo.

* « Los Van Van 45, hommage à Juan Formell », double DVD, concert sur le lac d’Enghien et documentaire « Havana Formell » de Dominique Roland. En vente au centre des arts à Enghien (tél. 01.30.10.85.59) ou sur www.cda.fr. Tarif : 22 €.


Le 4 décembre, une fête de la cubanité

Par Guillermo Vilar Alvarez CUBARTE 04.12.2015

Peut-être, un des métiers où le merveilleux nous surprend tous les jours est celui de jardinier. Combien de fois avons-nous ralenti le pas matin en nous rendant à nos obligations pour contempler les reflets d’une attention particulière quant à la recherche de la beauté d’un jardin

. Avec connaissances et dévouement, le jardinier nous transmet sa conviction de l’importance d’un chemin essentiel à parcourir pour faire son travail : le chemin de l’amour. C’est seulement la profondeur et l’étendue de ces sentiments qui est la réponse logique devant une telle perfection sortie des mains d’un être humain qui, se soutenant sur la sublime expressivité de la nature, nous offre de beaux paysages et nous voudrions que ceux-ci inondent la ville.

Le 4 décembre 1969, quand Juan Formell a fondé l’orchestre Los Van Van, il l’a fait avec une passion identique à celle des meilleurs artisans du jardin, convoquant les coordonnées avec un total fondement pour combiner tout ce qui est utile à son orchestre au cours des années.

Pareillement au jardin qui nous a ému un jour et que nous voudrions voir devant notre maison, nous voudrions voir l’essence de l’œuvre de Los Van Van se dupliquer dans d’autres domaines du vaste panorama de la musique cubaine contemporaine, mais nous évoquons un phénomène franchement unique.

Quel que soit l’analyse musicologique de ses disques et même de ses concerts mémorables, l’empreinte de cette grande œuvre a débordé les paramètres dans lesquels on affirme que les manifestations artistiques tendent à être assumées par les respectifs points de vue prédominant dans chaque époque.

Mais dans le cas de Los Van Van, étonnamment, les générations de cubains et cubaines, au-dessus des modes et des façons de faire de chaque époque, ont suivi sa musique comme si elles étaient fascinées par le charme du joueur de flûte de Hamelin.

Dans l’approche du legs de Los Van Van, il est inutile d’aborder le sujet depuis la perspective d’une liste de succès où chaque groupe occupe des positions différentes selon sa popularité et encore moins en essayant de trouver une relève possible car, tout simplement, il s’agit de l’orchestre dirigé par le génie de quelqu’un comme Juan Formell.

Le fait inhabituel d’avoir captivé le peuple cubain grâce à une œuvre enrichissante et vibrante durant des décennies a déterminé la formation progressive d’une base solide avec les multiples strates stylistiques correspondant à chaque étape de l’orchestre, dont l’effet est présent en nous avec un profond sentiment d’appartenance.

Quand on parle de Los Van Van, il n’est pas nécessaire de se référer à un album en particulier, ni à un morceau spécifique. Il suffit juste de mentionner le nom de l’orchestre pour nous voir enveloppé dans un sentiment d’une saine fierté patriotique pour être les possesseurs d’un si puissant talisman. C’est faire l’expérience de première main, la signification de partager la grandeur d’une légende vivante entre tous. C’est assumer du plus profond de nos âmes un événement culturel si imbriqué dans la trame de l’identité cubaine, qui s’échappe de l’univers musical auquel il appartient pour se placer parmi les faits les plus saillants de notre histoire.

En ce sens, il y a de nombreux outils et mécanismes dans les mains des critiques et des spécialistes pour aborder le phénomène de Los Van Van au cours de sa carrière, mais il y aura toujours des espaces immergés dans le mystère. Et une de ces zones est la présence d’une sorte de point G que possède cette musique et que seulement les Cubains peuvent localiser immédiatement sans difficulté.

C’est le ton juste, c’est la mesure essentielle, c’est la valeur immatérielle de l’intuition qui permet à un créateur de la hauteur de Juan Formell de savoir où et comment on doit l’appliquer afin que, dans le même temps, le récepteur passionné créole puisse déchiffrer la clé musicale de ce code reçu au milieu de la plus grande jouissance que lui permet son information génétique, un code ancestral impliqué directement dans l’origine des racines de la nation cubaine.

Pour toutes ces raisons, et beaucoup d’autres, chaque 4 décembre doit non seulement être célébré comme l’anniversaire de la naissance de l’un de nos illustres orchestres, mais que cette date est appelée à se convertir en une grande fête de la cubanité pour la présence de l’empreinte de Los Van Van dans nos vies.