CADTM - Histoire critique du FMI et de la Banque mondiale

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Deux institutions phares de la mondialisation néolibérale

Le 22 juillet 1944, 44 pays décident à Bretton Woods (Etats-Unis) de créer le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Pour éviter une nouvelle crise comme celle de 1929, les puissances occidentales mettent sur pied ces deux puissants outils de contrôle.

Selon leurs fondateurs, le FMI doit garantir la stabilité des monnaies en établissant « l’étalon or » (contre lequel toutes les devises peuvent être échangées) et en plaçant le dollar au cœur du système monétaire international, il doit également contrôler les mouvements de capitaux ; la Banque mondiale doit œuvrer à la reconstruction et au développement des pays du tiers-monde.

Tout bascule le 15 août 1971 : 53 milliards de dollars circulent dans le monde, soit cinq fois plus que les stocks d’or du pays. La confiance dans le billet vert s’effrite. Le président américain Richard Nixon met alors fin à la « libre convertibilité du dollar en or », ce qui débouche sur la variation des monnaies les unes par rapport aux autres. Le FMI perd de sa superbe…

1979 marque un tournant dans l’avènement du néolibéralisme : soucieux de mettre un coup d’arrêt à l’inflation (qui grignote les patrimoines), le président de la banque centrale des Etats-Unis (la Reserve fédérale) Paul Volcker accroît brusquement les taux d’intérêts américains. La dette des pays du tiers-monde y étant indexée, la mesure provoque une grave crise. En 1982, le Mexique se trouve au bord du défaut de paiement.

Le FMI revient alors sur le devant de la scène pour « venir aux aides » aux pays endettés. En échange, il leur impose des « plans d’ajustement structurel » : privatisations massives, dévaluations, promotion des exportations au détriment des besoins locaux, coupes budgétaires, etc. Sur le plan social, le résultat s’avère dramatique.

Contestées au Sud, les recettes du FMI trouvent une nouvelle vie au Nord, dans la foulée de la crise financière de 2007-2008.

En Europe, il s’allie avec la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE) pour former une « troïka » qui impose l’austérité aux pays en difficulté (Grèce, Irlande, Portugal, Chypre, Espagne…).

Même si elle veut se présenter sous un jour plus humain, la Banque mondiale fonctionne selon des principes comparables. Dès sa création, elle finance des puissances coloniales comme la France ou les Pays-Bas, alors en guerre contre des peuples en lutte pour leur émancipation.

Lors des indépendances, elle organise le transfert de la dette de certaines métropoles vers leurs anciennes colonies. La dette contractée par la Belgique auprès de la Banque mondiale pour renforcer la colonisation du Congo belge est mise à charge du Congo indépendant (de même avec plusieurs ex-colonies françaises et britanniques en Afrique).

Les nouveaux pays indépendants naissent donc parfois avec une dette odieuse. Sous la présidence de l’américain Robert McNamara, à partir de 1968, elle participe à l’explosion de l’endettement des pays du Sud en finançant les alliés du bloc occidental (même s’ils sont corrompus et piétinent les droits de l’homme, comme Mobutu au Zaïre de Mobutu ou Suharto en Indonésie) et en fermant le robinet du crédit à des régimes progressistes voulant rester maîtres de leur développement (le Brésil présidé par Joao Goulart en 1961-1964, le Chili de Salvador Allende en 1970-1973, le Nicaragua sandiniste dans les années 1980).

Ces deux institutions phares de la mondialisation néolibérale ont toujours été dirigées par des ressortissants des Etats-Unis ou d’Europe. Les Etats-Unis y exercent un droit de véto car ils détiennent plus de 15% des voix alors la majorité requise est de 85%. Cette situation provoque le mécontentement des Etats du sud et en particulier des BRICs sans que cela débouche sur de véritables changements.

Pour en savoir plus lire
 :

  • La thèse de doctorat en sciences politiques présentée par Eric Toussaint en 2004 aux universités de Liège et de Paris VIII. Titre : Enjeux politiques de l’action de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international envers le tiers-monde. Téléchargeable gratuitement : http://www.cadtm.org/Enjeux-politiq...
  • Eric Toussaint , Damien Millet, 65 questions 65 réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, septembre 2012 Téléchargeable gratuitement : http://www.cadtm.org/65-questions-6...
  • Eric Toussaint, Banque mondiale : le coup d’Etat permanent. L’agenda caché du Consensus de Washington, 2006. Le livre est épuisé mais il est téléchargeable gratuitement : http://www.cadtm.org/Banque-mondial...

docteur en sciences politiques des universités de Liège et de Paris VIII, est porte-parole du CADTM international et est membre du Conseil scientifique d’ATTAC France. Il est auteur des livres Bancocratie, ADEN, Bruxelles, 2014, Procès d’un homme exemplaire, Editions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet du livre AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège Dernier livre : Bancocratie ADEN, Brussels, 2014. Il a coordonné les travaux de la Commission pour la Vérité sur la dette publique de la Grèce créée le 4 avril 2015 créée par la la présidente du Parlement grec. Cette commission a fonctionné sous les auspices du parlement entre avril et octobre 2015. Suite à sa dissolution annoncée le 12 novembre 2015 par le nouveau président du parlement grec, l’ex-Commission a poursuivi ses travaux et s’est dotée d’un statut légal d’association sans but lucratif.