Comment parvenir à ce que le Parlement ressemble au pays ?

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Le premier tour des élections municipales aura lieu le 26 novembre 2017. Suivront ensuite en début 2018 les élections provinciales et nationales. Elections, un domaine qui va faire couler beaucoup de salive et beaucoup d’encre, la plupart, malheureusement au vitriol, sans que leurs auteurs prennent le temps d’en analyser le fonctionnement réel.

Nous essayons depuis leur annonce en juin de cette année jusqu’à leurs résultats de vous apporter quelques éclaircissements sur leur existence (certains tentent de nous faire croire qu’il n’y en a pas !) leur signification et leur déroulement. Merci de prendre connaissance de ce long et explicatif article traduit par notre amie Nicole Bedez.
Paula Lecomte

Gisela María Duarte Vázquez, presidenta de la Comisión de Candidaturas Nacional. Foto : Ismael Francisco/ Cubadebate.

Gisela María Duarte Vázquez, présidente de la Commission nationale des candidatures. Photo : Ismael Francisco/ Cubadebate.

Depuis le 14 juin, Cuba est en période électorale, parce que l’acte civique d’élire les personnes qui représenteront et défendront les droits du peuple ne se limite pas à une seule journée mais s’étend sur de nombreuses journées.

Depuis la création des commissions des candidatures le 30 juin 2017, leurs membres vivent d’intenses journées de consultation avec les masses, lors des assemblées générales des organisations – lesquelles se sont achevées dimanche -, d’où ont émergé les viviers de pré-candidats, jusqu’au processus consécutif de mise en conformité avec les propositions de candidatures de délégués provinciaux et de députés qui doivent être approuvées par les assemblées municipales et, ensuite, légalisées par un vote populaire.

Afin de clarifier la fonction et les attributions de ces structures aux différents niveaux, Cubadebate a rencontré Gisela María Duarte Vázquez, présidente de la Commission nationale des candidatures.

Pourquoi une Commission des candidatures est-elle nécessaire dans notre processus électoral ?

Nous devons clarifier certains éléments qui caractérisent le système électoral cubain, lequel repose légalement sur la Constitution de la République et sur la Loi électorale n° 72 de 1992. Les partis politiques ne participent pas à notre système électoral. Le Parti communiste de Cuba ne propose, ni ne désigne, ni ne soutient aucun candidat. C’est le peuple qui a la faculté de proposer et de désigner les candidats.

Les commissions des candidatures sont indispensables de par leurs principales attributions dans le processus électoral car elles sont chargées d’élaborer et de présenter les projets de candidatures de délégués dans les assemblées provinciales et de députés à l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire (ANPP).

Par ailleurs, à chaque niveau, il leur revient d’élaborer et de faire les propositions pour pourvoir les fonctions de président et de vice-président des assemblées provinciales et municipales du Pouvoir populaire, et de proposer à l’élection, par les députés, de la direction de l’Assemblée nationale et du Conseil d’État, celui-ci étant composé de son président, d’un premier vice-président, de cinq vice-présidents, d’un secrétaire et de vingt-trois membres supplémentaires.

La consultation est la clé de tout

Qui pourrait fournir les meilleurs critères sinon la base elle-même ? Photo : Jorge Legañoa Alonso/ ACN

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Comment choisir les candidats dans l’énorme vivier que représentent les citoyens désignés par le peuple ? Quels sont les critères pris en compte pour constituer les listes de candidats aux assemblées provinciales et à l’ANPP ?

C’est une tâche extrêmement complexe et je vais expliquer pourquoi. Si nous partons du principe que les personnes proposées sont des hommes et des femmes qui se distinguent par leurs mérites, leur intelligence et leur engagement envers le peuple, ces qualités constituent un dénominateur commun pour l’ensemble d’entre eux. Cependant, il convient de continuer à approfondir et à prendre en compte d’autres éléments qui puissent assurer une représentativité spécifique, laquelle varie selon les caractéristiques de chaque municipalité ou province.

Cela inclut le nombre d’hommes et de femmes, de jeunes, d’étudiants, d’ouvriers, de paysans, de techniciens, de professionnels d’activités économiques particulièrement significatives, de travailleurs de l’État ou non, etc. Ces critères en rendraient la narration interminable ; ils requièrent une analyse casuistique dans chaque territoire, mais ils garantissent au bout du compte une composition représentative de la société cubaine et de ses meilleurs éléments.

D’autre part, la loi établit que jusqu’à 50 % des députés de l’ANPP proviennent de la base ; ils sont délégués de circonscription, font partie des assemblées municipales et 100 % des municipalités du pays sont représentés dans l’ANPP. Qui pourrait fournir les meilleurs critères sinon la base elle-même ? C’est ainsi que le rôle des organisations de masse dans les municipalités et celui des commissions des candidatures à ce niveau sont décisifs.

Ainsi, les commissions provinciales jouent un rôle très important dans la composition des assemblées provinciales et de l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire ; la consultation permanente et les relations avec le peuple sont des garanties indispensables pour gérer les « viviers ».

À partir des propositions émises lors des assemblées générales des organisations de masse nationales et provinciales sont également proposés comme candidats à la députation des camarades, hommes et femmes, qui ont des responsabilités au niveau national et provincial, dont la participation est importante dans les analyses, les évaluations et la prise de décision dans les plus hautes affaires du pays. Mais ils sont également choisis par le vote populaire d’un conseil municipal. Là aussi, les appréciations et évaluations des commissions des candidatures depuis la municipalité sont indispensables ainsi que l’approbation des membres des assemblées municipales du Pouvoir populaire.

En quoi consiste le processus de consultation ? Quelle valeur démocratique a-t-il ?

Être proposé dans n’importe quel secteur, que ce soit dans le quartier ou au sein des organisations de masse et des organisations étudiantes, cela constitue en soi le premier acte de consultation, car la collectivité n’accepterait en aucun cas la proposition d’une personne qui ne réunirait pas les qualités et mérites requis. De plus, et autant que possible, tous les avis utiles de l’ensemble des institutions, organisations et centres de travail sont consultés, ainsi que les appréciations des délégués dans les assemblées municipales du Pouvoir populaire. J’ose certifier que tout cela représente l’expression décisive d’une véritable démocratie. En ce qui concerne ce processus, le programme des consultations est prévu en décembre et janvier.

Comment sont élues les personnalités nationales qui intègrent le Parlement cubain ? Donnez-nous quelques explications sur les assemblées générales des organisations et sur leur fonction.

Selon ce que la Loi électorale a instauré et en accord avec notre population, 605 députés devront intégrer notre Assemblée nationale du Pouvoir populaire. Si la norme fixée établit que 50 % des membres proviennent de la base, il reste 50 % des sièges pour les représentants des niveaux provincial et national.

À ce dont nous avons parlé jusqu’à présent s’ajoutent le rôle des organisations de masse ainsi que leur intégration dans les commissions des candidatures aux différents niveaux. Il est important de souligner que l’immense majorité de notre peuple appartient aux organisations de masse. Les assemblées générales de celles-ci constituent un cadre où sont proposées les candidatures de camarades, hommes et femmes, qui exercent des fonctions au niveau national, provincial, ou à la base. À partir du résultat des assemblées générales territoriales et nationales des organisations de masse, on constitue un vivier de plus de 17 000 propositions.

Comme on peut s’y attendre, il faut effectuer ensuite un processus de filtrage pour déterminer quels sont les camarades dont les noms se retrouvent dans plusieurs assemblées générales d’organisations de masse, jusqu’à obtenir un vivier permettant de travailler sur la formulation d’une proposition apte à compléter l’autre partie de l’ANPP, avec des pré-candidats qui agissent au niveau provincial et national, de façon à ce que soient représentés tous les territoires, les secteurs, les branches économiques, de la production comme des services, de l’État ou non – au sens le plus large. Enfin, l’objectif de tout ce travail est de parvenir à ce que le pays soit représenté socialement et territorialement à l’ANPP.

Il est très difficile de comparer les mérites des uns et des autres. Comment fait-on cela ? En prenant en compte l’occasion qu’a eue chacun d’accumuler des mérites, comment sont départagés un pré-candidat de 20 ans et un de 55 ?

C’est justement grâce au caractère profondément démocratique de notre système électoral, dont l’objectif essentiel est que l’ensemble de la société cubaine soit représenté dans l’ANPP, qu’à mon avis les commissions des candidatures acquièrent une telle cohérence et une telle précision. Nous devons être capables d’approfondir la participation, la trajectoire et l’engagement de pré-candidats de 20 ans ou de 55 ans par rapport à l’époque et au nombre d’années qu’ils ont vécues, et évaluer ce qu’ils ont fait pour mériter que leurs camarades leur confient une telle reconnaissance, car c’est bien une haute reconnaissance que d’être pré-candidat à la députation.

Il ne nous est pas possible de comparer les deux trajectoires. Nous devons désigner chacun d’entre eux dans l’espace de représentativité que lui vaut sa trajectoire. Je vous assure que nous serons en mesure d’en trouver toute la justesse et, de toute façon, nous essaierons de proposer celui qui a le plus de mérites, de qualités et d’engagement envers la Révolution parmi ceux définis par le même métier, la même spécialité ou la même activité.

Rechercher et approfondir

Des électeurs consultent les biographies pour choisir pour qui voter. Photo : ACN/ Archivo.

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Qui met en forme les biographies, quelles règles applique-t-on pour qu’il n’y manque aucun renseignement important et pour que l’information qu’elles contiennent soit totalement véridique ?

Il est à noter qu’on a déjà acquis une certaine expérience depuis la mise en pratique de la Loi électorale de 1992. Avec celui en cours, 6 processus ont été réalisés. L’existence d’un modèle unique ne garantit pas la véracité de l’information qui s’y reflète. Je considère que le plus important, c’est le système mis en place et, encore une fois, le rôle des commissions des candidatures.

Il s’agit d’une affaire très délicate qui nous oblige à synthétiser ainsi qu’à un travail méticuleux avec chaque pré-candidat, avec les espaces de consultation que nous constituons autour de chacun d’entre eux et leur investissement au niveau collectif. Nous sommes conscients de la complexité de cette question et nous en faisons la première priorité de façon à ce qu’aucun détail important ne soit oublié ni aucun autre surévalué.

Par exemple, dans la biographie d’un étudiant nous devons faire ressortir sa cohérence et ce qui se détache de sa courte vie de façon à proposer, pour représenter les étudiants, ceux qui ont le plus de mérites et de qualités parmi les étudiants désignés. Par ailleurs, il nous appartient de les aider à rechercher les données et éléments qui, à cause de leur brève expérience ou leur modestie, n’auraient pas été mentionnés dans leur autobiographie. Les commissions servent aussi à cela, à rechercher, rencontrer, enquêter, approfondir. J’aimerais savoir dans quelle autre partie du monde on effectue un travail aussi méticuleux.

Pourquoi un candidat résidant à La Havane postule-t-il pour être député d’une petite municipalité où il n’est peut-être pas connu ? Quel travail effectuez-vous pour qu’il y soit connu et accrédité ?

Au niveau municipal il n’y a pas de difficultés majeures car les élus le sont par la circonscription à l’intérieur de la municipalité. Un véritable dilemme existe quand il s’agit de désigner les candidats d’origine provinciale et nationale car nombreux sont ceux qui résident dans les chefs-lieux ou dans la capitale du pays. En principe, la Commission des candidatures doit faire en sorte de les désigner dans leur municipalité de résidence ou de travail, ou bien là où ils ont un rapport avec la municipalité, s’ils y sont nés, ou s’ils y ont travaillé quelque temps ou en ont été proches. Mais cela était impossible parce que, naturellement, dans certaines régions du pays, on retrouve de nombreuses personnes qui ont toutes de grandes qualités et il n’y a pas assez d’endroits pour désigner tous ces candidats provinciaux et nationaux là où ils habitent ou travaillent.

Si l’on tient compte du fait que chaque municipalité a au moins deux députés, alors l’un pourrait en être originaire et l’autre d’origine provinciale ou nationale, et ainsi de suite, toujours selon des analyses très casuistiques. Il faut comprendre qu’il existe un groupe de camarades ayant des responsabilités, hommes et femmes, qui peuvent même être des jeunes avec une trajectoire brillante et résidant dans la capitale. Logiquement, tous ne peuvent être désignés par la capitale et, inévitablement, la Commission doit effectuer un remarquable travail pour les proposer dans les différentes municipalités du pays, sans violer ce que la loi a institué. J’insiste sur le fait que c’est une tâche ardue et complexe pour la Commission à qui il revient d’argumenter, d’expliquer, de convaincre du pourquoi, outre une plus grande représentativité.

En pratique, il est logique que ceci soit la cause d’appréciations et de préoccupations de nature très diverse, surtout en ce qui concerne ceux qui ne sont pas très connus. C’est ainsi que j’explique pourquoi un candidat habitant dans la capitale est proposé dans une municipalité où il peut être connu ou pas. Pour le reste, il s’agit de la personne, de ses liens avec cette municipalité, de ses actions en relation avec le travail qu’elle occupe et ses responsabilités.

L’esprit du système électoral cubain a pour objectif d’éviter tout type de rivalité et d’affrontement entre les candidats, et de rechercher une plus grande justesse et représentativité de toutes les municipalités du pays ; les mérites des personnes, les biographies des personnes, les qualités des personnes en constituent le facteur fondamental.

La liste des candidats comporte-t-elle le même nombre de noms qu’il y a de postes dans les assemblées provinciales et à l’ANPP ? Les candidatures sont-elles fermées ? Y a-t-il des noms supplémentaires ?

L’article 92 de la Loi électorale établit que les candidats à la délégation dans les assemblées provinciales et à la députation à l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire sont désignés par les assemblées municipales du Pouvoir populaire. Celles-ci ont le pouvoir d’accepter ou de rejeter un candidat ou l’ensemble des pré-candidats ; dans ce cas, les commissions des candidatures devront présenter un ou plusieurs autres pré-candidats à l’approbation de l’assemblée municipale du Pouvoir populaire correspondante. Chaque assemblée municipale désigne le même nombre de candidats à la délégation à l’Assemblée provinciale et à la députation à l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire que celui qu’elle doit élire dans la municipalité.

Comment obtient-on la représentativité qui doit exister dans notre Parlement ? Quel pourcentage de celui-ci est composé de délégués de base ?

Notre système électoral repose sur un esprit largement démocratique, avec la possibilité de participation de l’ensemble de la population et des organisations de masse, et qui inclut les étudiants. Le travail des commissions des candidatures a pour objectif de parvenir, parmi les propositions qu’elles font, à la meilleure représentativité de notre société dans les assemblées provinciales et à l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire, avec des hommes et des femmes qui se distinguent par leurs mérites, leur intelligence et leur engagement auprès du peuple. Je répète que dans notre ANPP, environ 50 % des membres sont des délégués de base, le reste étant composé de camarades, hommes et femmes, d’origine provinciale et nationale.

Le rôle de proposition du peuple est-il limité aux délégués de circonscription ?

Absolument pas. En plus de cet important cadre de propositions, il y a les assemblées générales des organisations de masse, lesquelles incluent les organisations d’étudiants, au niveau des municipalités, des provinces et de la nation, comme représentation naturelle de la société civile de notre pays.

Enfin, je souhaite souligner que le système électoral cubain facilite la mobilisation, la connaissance et la participation active de chacune des composantes de la société cubaine (ouvriers, paysans, femmes, jeunes) et de la population en général dans le processus de désignation et d’élection des candidats, en insistant sur la continuité du processus social socialiste cubain qui se fonde sur le concept de Révolution que Fidel nous a légué. Cette transmission est issue de l’œuvre et des idées de la Révolution et nous devons les perpétuer et les défendre comme le fruit de toute l’œuvre humaine.

Notre système bannit tout type d’espace de rivalité, de querelle et de politicaillerie, et il met en avant les mérites, l’intelligence et l’engagement envers le peuple comme éléments fondamentaux pris en compte pour constituer les candidatures des délégués provinciaux et des députés à l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire, lesquels seront désignés par les délégués municipaux nouvellement choisis et élus par le peuple.

En conclusion, l’expression naturelle de la démocratie s’exprime par le processus des organisations de masse qui inclut les étudiants, propose des ouvriers, des dirigeants, des ménagères, des femmes, des jeunes, des personnalités provenant de la municipalité jusqu’au niveau national comme point de départ pour constituer des viviers de pré-candidats à la délégation dans les assemblées provinciales et à la députation à l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire représentatifs des valeurs les plus authentiques de la société cubaine.