Le logement à Cuba en 2018 : plus de questions que de réponses

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CUBA conclura l’année 2017 avec un parc immobilier de quelques 4 millions de logements, mais avec un déficit qui tourne autour d’un million . . .
Il s’agit de remplacer plusieurs centaines de milliers de logements irréparables et des centaines de milliers d’autres trop précaires. La restauration, par milliers encore, de logements en mauvais état est nécessaire sans compter ceux, aussi, que l’ouragan Irma a détruit en totalité ou en partie.

Que sera l’année 2018 ? Le programme national du logement exposé dans « Les Linéamientos » de la politique économique et sociale du PCC qui soulignent les priorités établies pour l’ensemble de la politique sera-t-il approuvé ? La constitution du Ministère du Logement et de l’Urbanisme sera-t-elle effective ?
C’est ainsi plus d’une dizaine de questions que pose l’auteur de cet article paru dans « Temas » le 9 janvier 2018.
Paula Lecomte.

CUBA conclura l’année 2017 avec un parc immobilier de quelques 4 millions de logements, mais avec un déficit qui tourne autour d’un million. [1]

La capitale connaît une situation encore plus difficile : sur un parc existant d’environ 700 000, on calcule un déficit qui dépasse déjà les 200 000. El les perspectives ne sont pas encourageantes : même s’il y a dix ans on construisait encore quelques 50 000 logements à l’année, le rythme est descendu peu à peu jusqu’à 20 000 environ actuellement (la moitié réalisés par l’état, et l’autre moitié par initiative personnelle..).

Comme si cela ne suffisait pas, la nature n’aide pas non plus : cette année, Irma a détruit quelques 30 000 logements, a emporté 25 000 toitures et affecté d’une façon ou d’une autre 160 000 logements environ.

Ce n’est pas que la Révolution n’ait pas fait un effort considérable étant donné que depuis 1959 on a dû construire plus de 2 millions d’unités. Mais c’est que les facteurs d’augmentation de la demande se sont peu à peu cumulés : la population est passée de 7 ,7 à 11.2 millions d’habitants, la taille des familles s’est réduite de presque 5 personnes à 2,8 lors du dernier recensement (ce qui fait que les familles sont passées de 1,6 à 3,9 millions ) l’entretien du parc immobilier a été minime et les mouvements migratoires internes ont été considérables ..

La politique du logement qui n’a pas seulement une dimension constructive mais aussi juridique, financière et sociale, a oscillé d’un extrême à l’autre.

D’un modèle où l’état s’attribuait presque exclusivement la responsabilité de la solution des problèmes d’habitat, la population étant majoritairement locataire, et ne disposant ni de terrain, ni de projet, ni de matériaux pour construire ou réparer à son propre compte et ne pouvant qu’échanger son logement, nous sommes passés à une situation où la population est en majorité propriétaire de son logement, qu’elle utilise non seulement comme résidence mais aussi comme source de revenus ou lieu de travail ; l’état construit seulement pour quelques groupes sociaux prioritaires ; il s’est ouvert un marché immobilier sélectif et dynamique, d’achat et de vente de logements et les familles ont à leur charge la construction de leur logement, à l’aide de crédits et subventions que l’état accorde aux plus nécessiteuses.

Cette nouvelle approche a résolu quelques problèmes et en a créé d’autres.

L’autorisation de l’achat et de la vente de logements assouplit évidemment le marché et permet une meilleure adéquation entre l’offre et la demande, mais il a été capté en partie par le capital étranger qui a fait monter anormalement les prix et a segmenté le marché sans que les supports juridiques et fiscaux qui le régulent soient des plus adéquats.

Par ailleurs, l’encouragement des familles à résoudre leurs problèmes de logement par l’autoconstruction, utilisant de ce fait des matériaux produits localement est sans doute une sorte de solution opportune, mais adaptée aux zones rurales et aux petits ensembles.

Penser que les 50 villes cubaines - et en particulier La Havane - qui représentent la moitié des logements du pays puissent résoudre leur problème de logement de leur propre initiative et avec des matériaux locaux est d’un optimisme sans fondement. D’après l’INV, (Institut National du Logement) en 2008, 85% des immeubles avec plus de 3 étages avaient besoin de réparations basiques.

Comment peut-on imaginer que des problèmes structuraux puissent se régler de cette façon ?

Cette conception pénalise particulièrement la capitale du pays qui non seulement bénéficie de 10% du programme national de construction de logements bien qu’elle abrite 20% de la population, mais empêche aussi de faire face efficacement aux carences accumulées en matière de réhabilitation et qui se manifeste tragiquement par de fréquents effondrements de bâtiments.

De surcroît, les ensembles communautaires que l’on construit sont souvent situés à la périphérie des villes et en raison de leurs faibles densités ils aggravent les problèmes de dispersion urbaine que les schémas directeurs essaient de contrôler.

Comme on peut le constater, les problèmes ne sont pas seulement dus à la faiblesse des moyens matériels, mais ils viennent aussi de conceptions excessivement rigides et schématiques.

Une politique de l’habitat doit aborder la dimension matérielle et technologique, mais aussi l’aspect financier, celui des ressources humaines et sa qualification et organisation, la structure institutionnelle, le cadre juridique et sa relation avec les autres composantes urbaines.

Les villes ne sont pas une simple addition de logements. Ceux-ci doivent être intégrés dans des structures plus complexes et c’est pourquoi il est impossible d’aborder l’habitat de façon séparée et sectorielle, ainsi que son infrastructure, les services, les grands ensembles, les espaces publics et la planification intégrale de l’habitat .

2018 sera-t-elle l’année où l’on approuvera le Programme National du Logement exposé dans les « Lineamientos » ? , comme une compilation et actualisation de la Loi et ses innombrables résolutions et règlements ?

Parviendrons-nous à ce que l’année 2018 soit celle de la constitution du Ministère du Logement et de l’Urbanisme pour dépasser l’actuelle fragmentation institutionnelle ?

Est-ce qu’on actualisera en 2018 les supports juridiques et fiscaux pour réussir à contrôler un marché immobilier exclusif ( discriminatoire) ?

Est-ce qu’on activera et simplifiera en 2018 les démarches pour le logement et en particulier celles concernant les crédits et les aides ?

Est- ce que l’on mettra en place en 2018 des entreprises - d’états, coopératives, ou privées - qui construisent des logements pour la location aux jeunes couples, ou groupes vulnérables qui ne peuvent accéder à la propriété au prix du marché ?

Permettra-t-on en 2018 le libre exercice de la profession d’architecte, qui permette d’assurer la qualité et la sécurité des constructions ?

Augmentera-t-on en 2018 l’offre de terrain viabilisé pour la construction ?

Approuvera-t-on enfin en 2018 le Plan Directeur de la ville de LA HAVANE ?

Reviendra-t-on à la pratique des appels d’offre pour la réalisation de projets architecturaux importants ?

Autorisera-t-on les coopératives de logements comme formule d’intégration des initiatives (efforts ) de construction de la population ?

Est- ce que l’on encouragera les brigades – d’état, coopératives, privées - de construction et réhabilitation des immeubles pour les principales villes du pays ?

Réussira-t-on à intégrer de nouveaux bâtiments dans la trame urbaine existante pour économiser le terrain, consolider et rendre efficace le fonctionnement des villes ?

Retrouvera-t-on en 2018 le caractère original du Programme de l’Architecte de la Communauté de sorte que la population puisse disposer d’une assistance technique opportune ?

Etendra-t-on en 2018 cette expérience positive des Ateliers de Transformation Intégrale de Quartier pour impliquer d’autres communautés dans l’amélioration de leur habitat ? Réussira-t-on en 2018 à dépasser les conceptions schématiques et à diversifier les types d’offre, en y intégrant de nouveaux agents productifs et en fomentant les différents types de propriété ?

Promulguera-t-on en 2018 les « Loi du sol et Loi Immobilière » rendues de plus en plus nécessaires ?

La liste des interrogations continue à s’allonger et le temps est court, mais étant donné que plusieurs de ces sujets ne dépendent pas de la quantité de moyens économiques, nous espérons ardemment qu’en 2018 il y ait plus de réponses positives que négatives à tant d’inconnus…

[1Il s’agit de remplacer 365 000 logements irréparables , 100 000 détruits par le cyclone, 135 000 nécessaires en raison de la promiscuité, 110 000 dans des installations précaires et pour des familles hébergées, ce à quoi s’ajoute la restauration nécessaire de 325 000 logements en mauvais état. (Information issue du « Profil de l’Habitat à Cuba » récemment publié par le défunt Institut National du Logement).