Colette Magny, elle chantait aussi Cuba

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« Sois rebelle et ne te tais pas » pourrait être la devise de cette chanteuse.

« Mauvais timing que de mourir la même année que Barbara. Le 20e anniversaire de la disparition de Colette Magny est passé à la trappe l’an dernier, mais la sortie d’un double album, A cœur et à cris, ainsi qu’une anthologie (10 CD + un livret) de cette chanteuse révoltée, intransigeante, poétique et expérimentale, souvent victime de la censure, permet de se rattraper. (Voir en fin de page l’article de Patrice Demailly, 11 mai 2018, next.liberation.fr)

Au point de ne plus l’appeler « cette grande oubliée de la chanson » ?

Nous reproduisons à cette occasion l’article de Michel Porcheron, alors journaliste à la Rédaction en chef de l’AFP, publié sur les fils de l’Agence en septembre 1988. Quelques jours avant un récital de Colette Magny (1926- 1997) au Théâtre Dejazet, à Paris, la chanteuse avait reçu le journaliste à son domicile parisien, dans le 19 e .

Colette Magny magnifique

Par Michel Porcheron (septembre 1988) ’

« Melocoton » : ce blues lui colle à la peau depuis 26 ans. Comme si Colette Magny n’avait rien fait depuis ce 14 .juillet 1962, autour de minuit, où à la Contrescarpe, elle auditionne en interprétant ce même jour « Viva Cuba », alors qu’au café d’en face les barbouzes de l’ OAS cherchent le moindre prétexte de provocation.

Blues en pleine période « yé-yé », engagement politique, Colette Magny sera étiquetée chanteuse militante, gauchiste, insupportable. Dénigrée, vouée à la détestation, absente ou presque de toutes les antennes où elle reste brimée (sauf sur France-Inter au Pop-Club de José Artur), réputée emmerdeuse, l’ancienne dactylo bilingue de l’OCDE a sorti contre vents et marées 12 albums (notamment « Visages-Villages » « Je veux chanter », « Répression » « Bluesy bluesy » ou « Chansons pour Titine ») depuis son célèbre passage à l’Olympia en avril 1963, orchestre New-Orléans, trac panique, trois chansons américaines et bien sur « Melocoton » en première partie de Sylvie Vartan et Johnny Hallyday. Curieuse rencontre chez Bruno Coquatrix. C’est aussi l’année de sa rupture avec le show-business. « Chant du Monde » l’accueille.

Pourtant » elle prétend « ne pas avoir de message ». Quant au blues, elle est agacée quand on la catalogue « Ella Fitzgerald blanche » ou « Bessie Smith française ». Elle dit ne pas avoir les origines du blues. « Je n’ai pas la raucité des voix noires »

Toujours est-il que Colette Magny n’a pas attendu la récupération médiatique systématique des grandes causes humanitaires, contre l’apartheid ou pour l’Ethiopie, pour lutter- avec la force de sa voix de mezzo-contralto et ses textes remplis de colères et de cris- contre toutes les formes de répression, contre les injustices et pour la dignité de l’homme.

Toujours aux avant-postes de la chanson, elle a chanté le Vietnam, Cuba, les combats des mineurs du Nord, Mai-68, le refus des essais nucléaires dans le Pacifique, les Black Panthers (avant une traversée du désert de 1978 â 1981) mais aussi, comme elle le fera au Dejazet pour son retour sur une scène parisienne, des textes d’Antonin Artaud, des poèmes chantés d’Aragon, de Louise Labbé, une étude « révolutionnaire » de Chopin, une pièce pour piano en hommage à Marilyn Monroe et Billie Holiday.

Elle a beau dire, sa voix est celle du blues. « A force de m’entendre dire que j’avais une belle voix, un jour j’ai tout lâché et j’ai commencé à chanter ». Toujours à la recherche de sa propre musique, elle a puisé ses racines dans le blues, évoluant du free jazz à la musique contemporaine, tout en gardant pleinement sa personnalité. Elle a travaillé en particulier avec le Free Jazz Workshop de Lyon, Texier, Barthélémy, Vander, Caratini, Lubat et le très regretté Beb Guérin.

Plus familière des foyers de jeunes travailleurs que des grandes salles, Magny chante au Dejazet associée, au piano, à Anne-Marie Fijal qui a composé des musiques pour Patrice Chéreau, Jean-Louis Barrault et Carolyn Carlson.

Emmerdeuse la Colette ? « Finalement, on me trouve plutôt charmante. C’est ce que m’a dit Ferré « dis donc t’es plutôt sympa comme nana, je croyais que t’étais une panthère aux poches bourrées de pétitions ».


Depuis un certain mois de 1981, elle a estimé qu’un gouvernement de gauche lui permettait pour un temps de mettre en jachère ses « urgences politiques ». Assagie pour autant ? « La colère est là tout le temps, sinon je commencerais à mourir ». La vie de Colette Magny n’est pas en danger.

MP/AFP, septembre 1988

VOIR ses You Tube et
entre tant d’autres :

http://colette-magny.over-blog.com/2018/02/la-date-anniversaire-des-vingt-ans-de-la-disparition-de-colette-magny-est-passee-inapercue.html

http://colette-magny.over-blog.com/article-colette-magny-au-dejazet-la-ella-fitzger-39948009.html

https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/reedition-de-la-biographie-de-colette-magny-citoyenne-blues

(mp)


Je me permets d’ajouter à ces deux articles un lien pour l’écoute d’un poème de Victor Hugo mis en musique et chanté par Colette Magny :https://www.youtube.com/watch?v=0cWUrbxL54w&start_radio=1&list=RD0cWUrbxL54w

PDF - 204.5 kio
colette_magny___porte-voix_-_culture___next.pdf