45 ans après l’assassinat de Victor Jara, neuf anciens militaires condamnés

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Posté par Michel Porcheron
Le 5 décembre 2009, une foule chilienne brandissait le portrait du chanteur Victor Jara lors de ses funérailles à Santiago. Sa famille avait organisé une cérémonie six mois après l’exhumation de sa dépouille, dans le cadre de l’enquête sur sa mort.

Le Chili continue de panser ses plaies laissées par 17 ans de dictature. Neuf anciens militaires viennent d’être condamnés pour l’assassinat du chanteur Victor Jara en 1973. Huit d’entre eux ont écopé d’une peine de 18 ans de détention, le dernier est condamné à cinq ans de prison pour complicité.

L’artiste, 40 ans, qui était un soutien actif du Président Salvador Allende et militant proche du PC chilien, a été arrêté en septembre 1973, le lendemain du coup d’Etat du général Pinochet. Il a été torturé et abattu de 44 balles, selon l’autopsie. Mais comme beaucoup d’exactions commises par les forces d’Augusto Pinochet, les auteurs sont longtemps restés impunis (RFI)

Le Chili condamne enfin les assassins du chanteur Víctor Jara

Par François-Xavier Gomez — Libération / posté par Michel Porcheron

Neuf militaires sont reconnus coupables d’avoir torturé et tué l’artiste au moment du coup d’Etat de Pinochet, en 1973. Reste un lieutenant réfugié aux Etats-Unis, dont la demande d’extradition traîne depuis 2014.

Cinq ans et demi après leur inculpation, neuf militaires chiliens ont été condamnés à Santiago pour la mort du chanteur Víctor Jara, le 16 septembre 1973, dans les jours qui suivirent le coup d’Etat du général Augusto Pinochet.

Huit écopent de 18 ans de détention, le dernier de 5 ans pour complicité. Il aura donc fallu 45 ans pour qu’aboutisse le procès de l’assassinat de celui qui fut, avec le président Salvador Allende, la victime la plus célèbre du putsch militaire. Les procédures judiciaires ne sont pas closes pour autant. Les condamnés peuvent faire appel, et le cas du dixième homme, celui qui a tiré le coup de grâce dans la nuque de Jara, reste en suspens : il a fui aux Etats-Unis en 1989, et le Chili le réclame depuis 2014.

Mains broyées

Proche du parti communiste et engagé aux côtés de l’Unité populaire, le rassemblement des gauches qui porta au pouvoir Salvador Allende, Víctor Jara, 40 ans, fut arrêté le jour même du coup d’Etat, le 11 septembre, alors qu’il donnait un cours de théâtre à l’université technique de Santiago.

Enfermé au stade Chile, il est supplicié plusieurs jours de suite. Les militaires lui broient les mains à coups de crosses pour lui faire passer l’envie de jouer de la guitare. Il est finalement abattu, et son corps abandonné dans un terrain vague, en compagnie de celui du directeur des prisons d’Allende, Littré Quiroga. Sa femme Joan Turner Jara, une Anglaise installée au Chili pour étudier les danses folkloriques, récupère le corps et l’enterre clandestinement.


En 2009, le corps est exhumé et enfin autopsié. Il a gardé les traces de 44 balles, dont le coup de grâce. Et son enterrement officiel peut enfin avoir lieu.

Te recuerdo Amanda, sa chanson la plus connue.

Dès qu’elle est connue, la mort de Víctor Jara devient le symbole de la sanglante répression de Pinochet contre son peuple. Dans les meetings de solidarité, on reprend sa chanson Te recuerdo Amanda (Je me souviens de toi, Amanda), histoire d’amour sur fond d’usine en grève.

Le nom de Víctor Jara est donné à des rues, à des centres culturels. Un biopic est tourné en Allemagne de l’Est, avec dans le rôle de Jara le mystérieux rockeur-espion américain Dean Reed. Bruce Springteen ou Bono, en concert au Chili, n’ont pas manqué de lui rendre hommage.

En France, Philippe Cohen-Solal, cofondateur de Gotan Project, lui a consacré un émouvant hommage : le titre 44 Tiros, rare exemple de rencontre entre l’électronique et de la chanson engagée.

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Planqué en Floride

Les neuf tortionnaires ont été condamnés pour les assassinats de Víctor Jara et de Littré, et devront verser 1,8 million d’euros aux familles des victimes.

Il manquait pourtant sur le banc des accusés l’homme considéré comme le chef du groupe. Le lieutenant Pedro Barrientos avait fui le Chili en 1989, un an avant que Pinochet ne quitte le pouvoir. Installé en Floride, il avait acquis la nationalité américaine par mariage. C’est à Deltona, où il est concessionnaire automobile, que le débusque une équipe de télévision chilienne en 2012. Il affirmait alors n’avoir jamais mis les pieds au stade Chile, ni avoir croisé Jara. Affirmations contredites par de nombreux témoins, dont des soldats qui torturaient sous ses ordres.

En 2014, la justice américaine est saisie d’une demande d’extradition du gouvernement chilien, sur laquelle elle n’a toujours pas statué. Et en juin 2016, un tribunal fédéral d’Orlando (Floride) le déclarait coupable de la mort du chanteur, le condamnant à payer 28 millions de dollars de dédommagement à la famille du défunt. Aujourd’hui l’ex-lieutenant est toujours en liberté. 

François-Xavier Gomez

Lire aussi :

http://www.rfi.fr/ameriques/20180705-chili-justice-assassinat-victor-jara-condamnation-militaires-dictature

en espagnol (cuba)

http://www.cubadebate.cu/?s=victor+jara+