Les lieux de travail cubains ouvrent la porte à l’égalité des genres

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La révolution cubaine reconnaît depuis le début l’égalité des droits entre hommes et femmes. Mais de nombreuses inégalités ainsi que des clichés sexistes subsistent, notamment dans le domaine du travail. Un programme est en cours au niveau national pour améliorer cette situation.
Danielle Bergeron.

Mariela Castro : " La Constitution va inclure les mêmes droits pour tous, sans exclusion"
Photo/logo prise à la Fête de l’Humanité en septembre 2016, dans le stand de Cuba Coopération, où Mariéla Castro participait à une rencontre débat sur ce thème.

Les lieux de travail cubains ouvrent la porte à l’égalité des genres

Un couple d’ agents sanitaires distribuent des préservatifs à un groupe d’adolescents à l’entrée d’un concert dans le quartier du Vedado à La Havane. Photos de Jorge Luis Baños/IPS

La Havane-19 septembre (IPS) - Une grande maison ancienne, aux vastes pièces ornées de colonnes avec des sols bien astiqués, abrite le centre Prosalud (Prosanté) géré par l’Etat, qui tend vers un but encore inhabituel à Cuba : changer son organisation du travail pour instaurer à l’intérieur de l’institution l’égalité des genres.

« Ce n’est pas quelque chose que nous avons introduit maintenant que nous sommes entrain d’implanter un modèle d’égalité... Bon nombre de bonnes pratiques était déjà habituelles parce que nous travaillons depuis des années en fonction du genre dans le domaine de la promotion de la santé » a expliqué à IPS, lors d’une interview, Miriam Valdés, directrice de Prosalud (Unité de Promocion de la Santé et de Prévention des Maladies)

Prosalud, dont le siège se trouve dans le quartier havanais du Vedado, vient en tête, avec son réseau national d’agents bénévoles de la mise en oeuvre du programme L’Egalité des Genres, c’est la Santé (IGES) au sein des institutions de ce secteur, après avoir atteint en mars le premier des quatre niveaux permettant d’obtenir la certification de la Fédération des Femmes Cubaines, organisme para-étatique.

Tout a commencé en 2014, quand l’Unité a commencé à appliquer un modèle soutenu avec succès depuis 2009 en Amérique Latine par le
Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), destiné à promouvoir des environnements de travail inclusifs où s’applique l’équité entre hommes et femmes.

C’est ainsi que Cuba vient se joindre à des expériences visant à la transformation d’institutions publiques et privées dans de nombreux pays : Argentine, Brésil, Chili, Costa Rica, Colombie, Salvador, Honduras,, Mexique, Nicaragua, Panama, République Dominicaine et Uruguay.

Sous des noms différents, les projets mis en oeuvre dans les espaces de travail latino-américains incluent la pratique commune du Label Egalité des Genres qui défend l’idée de créer un label de qualité concernant cet objectif à atteindre par les lieux d’activités professionnels quels qu’ils soient.

Dans ce pays insulaire des Antilles, ce mouvement n’a pour l’instant touché que les secteurs de la santé et de l’agriculture, dans des organismes d’Etat ou des coopératives, qui révolutionnent ainsi le monde du travail dans un contexte de changement dû à la décentralisation de l’économie qui a débuté en 2008.

On compte déjà 13 établissement agricoles, parmi lesquels des coopératives et des entreprises, ayant atteint l’un des niveaux du label Egalité des Genres pour la Gestion Qualitative de la Sécurité Alimentaire.

Dans le domaine sanitaire qui, à Cuba, est entièrement public, ce sont l’Ecole Nationale de Santé Publique et la Direction Provinciale de l’Hygiène et de l’Epidémiologie de la province orientale de Mazagran qui se sont engagées en plus de Prosalud.

« Il s’agit d’un processus d’amélioration constante, qui commence par un diagnostic et des formations au sein de l’institution » a expliqué Valdés concernant l’impact sur le collectif de 74 travailleurs, dont 41 sont des femmes. « Le plus important, c’est que les gens sachent ce qu’ils s’engagent à changer dans l’organisation. » a-t-elle précisé.

Au centre, la directrice de l’Unité de Promotion de la Santé et de Prévention des Maladies (Prosalud), entourée de Caridad Soler, chef du Département du Capital Humain et du psychologue Yandis Alberto Betancourt, dans l’un des espaces du centre étatique, à La Havane.

Les réformes économiques et sociales entreprises sous la présidence de Raul Castro (2008-avril 2018) et qu’a l’intention de poursuivre l’actuel mandataire, Miguel Díaz-Canel, ont transformé le panorama du travail avec des restructurations dans le secteur d’Etat, l’ouverture au travail privé, davantage de possibilités pour les coopératives et les investissement étrangers.

Dans ce pays de 11,2 millions d’habitants, hommes et femmes ont légalement le même salaire depuis 1959, début de la Révolution qui s’est déclarée socialiste en 1961.

Les femmes sont très nombreuses à travailler puisqu’elles représentent 67,2% des techniciens et cadres et 49% de la force de travail dans le secteur d’Etat civil.

Elles forment aussi 64,2% du personnel envoyé à l’étranger pour des services de coopération, principalement dans le domaine de la santé et représentent le premier poste de revenus de l’île antillaise.

Mais les spécialistes observent des écarts de genre dans l’emploi en général tels que la persistance de stéréotypes, l’accès aux postes de décision et les mieux rémunérés, l’utilisation d’un langage sexiste et l’absence de stratégies permettant de concilier vie privée et vie professionnelle, tandis que par ailleurs, dans le secteur privé, les discriminations sont devenues plus évidentes.

« Avec IGES, ce sont des changements au niveau personnel qui se produisent, parce qu’on forme même les employés de ménage et on renforce la culture de non-stigmatisation et de non-discrimination dans le collectif de travail. L’ambiance et l’organisation du travail s’en trouvent améliorées. » a indiqué Valdés.

IGES définit six aspects à améliorer au sein de l’organisation du travail : la sélection et l’embauche du personnel, le développement technico-professionnel, la conciliation entre vie privée et vie professionnelle et la co-responsabilité, l’environnement de travail et la santé, la communication inclusive et l’image non-sexiste, ainsi que la prévention et l’attention portée à la violence de genre.

Extérieur du « Chariot pour la vie », véhicule utilisé pour des campagnes sanitaires, près de l’Unité de Promocion de la Santé et de Prévention des Maladies (Prosalud), à La Havane.

C’est pour cela que Valdés et d’autres travailleurs de Prosalud ont affirmé à IPS que, pour l’essentiel, le modèle peut être reproduit par des collectifs de toutes les branches de l’économie cubaines.

« Il s’agit d’un sujet primordial... il serait vraiment souhaitable que toutes les instances, les décideurs, les administrations... toutes les personnes concernées par n’importe quel genre de gestion, qu’elle soit étatique, privée ou coopérative, aient les éléments de bases de ce qui est nécessaire pour qu’il y ait égalité des genres », a affirmé avec force la directrice.

Le psychologue Yandis Betancourt a estimé que « le modèle établit des indicateurs qui, pour être atteints, exigent que l’établissement de travail ait un plan d’activités. »

« Il est important et valable de l’amplifier, surtout maintenant, alors qu’il y a des résistances à comprendre la nécessité de la parité s’agissant du genre, de la couleur de la peau et de tout groupe vulnérable. » , a-t-il déclaré.

Riche d’une longue trajectoire dans la prévention des maladies sexuellement transmissibles et du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), cause du sida, Betancourt a coordonné le diagnostic effectué en interne pour mettre en oeuvre l’IGES.

Le spécialiste a signalé que l’étude, réalisée entre 2014 et 2015 , avait permis de déterminer qu’il persistait entre autres, au sein du collectif, des stéréotypes sexistes, tant chez les hommes que chez les femmes ; des préjugés concernant la diversité sexuelle, des déséquilibres dans la composition de certains départements et dans l’accès des femmes aux postes de décision.

Bon nombre des ces survivances ont surpris l’équipe de Prosalud qui a été en 2014 le produit de la fusion du Centre de Promotion de la Santé et du Centre National de Prévention des Maladies Sexuellement Transmissibles du VIH/Sida, lequel depuis 30 ans inclut la considération des droits de la personne humaine et du genre dans la réponse à la maladie.

« Le facteur humain est l’un des principaux éléments auxquels doivent s’attacher les institutions du pays, qu’il s’agisse d’une entreprise de l’agro-alimentaire ou d’un établissement de santé. Les collectifs doivent être paritaires parce que les inégalités entre hommes et femmes ont de graves conséquences » a déclaré Caridad Soler, chef du Département du Capital Humain de l’institution.

Soler a précisé que, grâce au modèle, le style des appels à candidatures aux postes vacants a changé, qu’on a encouragé l’affectation d’hommes et de femmes à des emplois non traditionnels : réceptionnistes hommes, femmes à des postes de direction, sans laisser de côté les compétences requises pour occuper tel ou tel poste.

De plus, la perspective de genre se renforce au sein du réseau d’agents volontaires de Prosalud, qui rassemble 12 591 personnes dans tout le pays.

« IGES a d’abord touché le réseau des bénévoles à travers des ateliers puis par des transformations favorables. On a ouvert le Site Accueillant (Sitio Amigable) , où on peut s’occuper des gens de façon plus intime et le Chariot pour la vie, avec lequel nous faisons de la prévention dans la rue, a été repensé. » a dit Ramon Luis Alaya, agent sanitaire depuis 10 ans.

Edition : Estrella Gutiérrez

http://www.ipsnoticias.net/2018/09/centros-laborales-cubanos-abren-la-puerta-la-igualdad-genero

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