Écotourisme et tourisme solidaire à Cuba, une réalité ?

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Cuba, qui a inscrit l’écologie dans sa constitution, a créé des Parcs nationaux dans lesquels les visiteurs, par leur nombre restreint, ne nuisent pas à la protection des espèces végétales ou animales ayant justifié leur instauration.

Cette article apporte une série d’informations sur l’organisation du tourisme à Cuba et en particulier de l’éco tourisme.
Une observation tout de même : S’il est vrai que les bénéfices récoltés par les hôtels et les maisons particulières ne vont pas directement dans la poche de l’ensemble des cubains, ces fonds sont bien redistribués à tous via les services gratuits auxquels ils ont droit. Sinon comment comprendre le niveau particulièrement élevé des services de santé, d’éducation, de culture, de sports...
RG

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Écomobilité pour écotouristes à Cuba – photo Corinne Bazin

Ce pays possède bien des particularités propres, dues à son système politique unique, avec pour principales conséquences :

– Une organisation étatique du secteur touristique,

– Un système de double monnaie difficile à comprendre pour un étranger.

Comment dans ces conditions est-il possible de participer à une certaine redistribution des revenus touristiques vers les Cubains eux-mêmes ? Et faire en sorte que l’État ne perçoive pas la totalité des devises provenant du secteur ? Le tout en parfaite légalité au sein du pays.

Que se passe-t-il la plupart du temps, voire toujours ?

1er cas de figure : un opérateur de voyages achète un package touristique organisé par une agence cubaine.

Et ce, que le circuit se réclame d’un tourisme conventionnel ou d’« aventure ».

Les prestations sont alors toutes fournies par des structures étatiques, même, lorsque certaines nuitées s’effectuent dans des casas particulares (une possibilité très récente, car il y a peu, seuls les voyageurs individuels y avaient accès).

2e cas de figure : des personnes n’utilisant pas les services d’une agence louent un véhicule, réservent des hôtels, dorment en chambre d’hôte, mangent dans des restaurants d’État ou des paladars (privés).

Considérant que :

Les deux seules compagnies de location de voitures (trois avec Gaviota) appartiennent à l’État ;

Les hôtels sont soit propriété de l’État, soit des joint-ventures avec au moins 51 % des parts qui restent cubaines. Leur gestion est confiée à des chaînes hôtelières étatiques ;

Les Maisons d’hôtes et paladars affichent leurs prix en devises ; c’est-à-dire qu’ils facturent leurs prestations à des tarifs très largement supérieurs à ce que payerait un Cubain en monnaie nationale pour des repas et prestations identiques.

Ces maisons d’hôtes et paladars appartiennent à des personnes qui ont pu mettre leur demeure au niveau d’un confort exigé par la clientèle internationale, donc aux habitants les plus aisés.

Par conséquent, on voit bien que l’argent dépensé par les visiteurs arrive le plus souvent soit dans les caisses de l’État, soit dans les poches de la frange la plus riche des Cubains.

Alors direz-vous ; nous sommes bien loin des concepts régissant, ailleurs, la notion de tourisme responsable.

Oui et non, à la fois.

Non parce que l’État cubain réinvestit massivement cet argent dans ses services publics de haut niveau, améliore ses réseaux d’adduction d’eau potable et d’assainissement, a réorganisé ses centrales électriques, ses hôpitaux, la téléphonie mobile et Internet, dont l’ensemble profite aux habitants. Les transports publics sont en voie d’amélioration en dépit de manques encore importants.

Oui, parce que la plupart des Cubains ne profitent pas de la manne touristique par le fait qu’eux vivent majoritairement et principalement avec leur monnaie nationale et n’ont pas un accès direct aux devises dépensées par les touristes.

Par conséquent pour que l’argent de ceux-ci profite aux Cubains les plus modestes, il conviendrait que les étrangers achètent leurs fruits, cafés, et denrées de base, en pesos cubains, ce qui est tout à fait possible et légal, contrairement à une idée largement et faussement répandue par la presse touristique, guides de voyage en tête !

Les CADECA ont même été créées dès 1994 pour réaliser les opérations de change entre les deux monnaies.

Cependant, en raison de cette information déficiente, voyager de manière responsable à Cuba n’est pas si simple, et est très peu développé.

Ce qui est certain, c’est que les agences de voyages, n’apportent aucune plus-value à la vie locale, hors casas particulares et paladars privés.

Et que très peu de voyageurs participent à élever directement le niveau de vie des Cubains par leurs voyages, sauf à enrichir un peu plus la frange la plus aisée de la société.

Cuba : centre d’écotourisme construit en 1960 – photo Jean-Pierre Lamic

Heureusement, il existe une exception : Elle est représentée par les sites que l’État a confiés, pour leur gestion, à des communautés, dans des zones d’écotourisme reconnues, comme Las Terrazas ou la Caverne de Santo Tomas… Là, les populations locales en profitent réellement !

Voici encore un particularisme de Cuba : in fine, c’est l’État cubain lui-même, qui applique le mieux les principes de l’écotourisme !

Depuis 1994, le tourisme a été totalement réorganisé dans l’île, et si l’on parle généralement du tourisme de masse développé pour la survie du pays dans des zones restreintes et isolées, on oublie de saluer le travail d’Ecotur.

Cette structure, en collaboration avec Gaviota, organise des séjours et visites dans les espaces protégés, nombreux dans tout le pays. Et en ces zones, il n’existe pas de sur-fréquentations !

Tout est fait pour que le territoire ne reçoive pas plus de visiteurs qu’il ne peut en tolérer.

Cuba est en effet l’un des très rares pays au monde où la capacité de charge ou d’accueil d’un Parc national ne peut être dépassée, et où les constructions, intégrées au paysage, sont conçues pour ne pas recevoir un nombre de personnes supérieur à ce qui a été défini au préalable par des scientifiques.

Urubu à tête rouge – Cuba – photo Corinne Bazin

En résumé, Cuba, qui a inscrit l’écologie dans sa constitution, a créé des Parcs nationaux dans lesquels les visiteurs, par leur nombre restreint, ne nuisent pas à la protection des espèces végétales ou animales ayant justifié leur instauration.

Dans ces Parcs, des guides bien formés à l’écologie, et diplômés, œuvrent à l’information du public, dans un rôle de médiateur indispensable à la compréhension des espaces visités.

Il existe donc un écotourisme bien organisé à Cuba ! Il permet au voyageur curieux, prenant le temps de s’immerger dans l’île, de découvrir un environnement bien préservé, unique et original.

Quant au tourisme solidaire, il est lié à ces espaces protégés où des communautés œuvrent à leur entretien, leur gestion, la protection de la faune et de la flore, et à la mise en tourisme de ces territoires.

Ce n’est pas l’image qui est généralement donnée au tourisme dans ce pays !


Jean-Pierre Lamic.
Auteur de Écotourisme et tourisme solidaire : 35 ans à la rencontre de l’Autre, Éditions Kalo Taxidi – mai 2018 ; président de l’Association des Voyageurs et Voyagistes Éco-responsables et organisateur du Salon de l’écotourisme, du voyage solidaire et participatif – Grenoble 30 novembre – 2 décembre 2018.