Où va Cuba ?
Cuba est en train de renforcer la démocratie socialiste, ce qui se traduit par ce processus de réforme constitutionnelle. Au cours de cette dernière période, la proposition a été présentée et approuvée par l’Assemblée Nationale puis soumise à une consultation populaire pendant trois mois.
Elle revient maintenant devant l’Assemblée comme un nouveau document enrichi par la participation populaire qui sera soumis à référendum le 24 février. Je pense que cela a été l’un des meilleurs exercices démocratiques qui s’est fait dans le monde pour définir une constitution.
C’est le peuple qui l’a conçue et c’est lui qui va voter sur le document final. Les différentes formes de discrimination contre lesquelles nous devons travailler et que la Constitution n’approuve pas ont été développées de manière plus claire et plus spécifique, sans laisser de place à la libre interprétation subjective.
Mais à Cuba, il n’y a pas de partis politiques, qu’est-ce que le multipartisme pour vous ?
J’aime parler de ça. La social-démocratie a inventé le multipartisme pour faire croire que tout change et finalement rien ne change, car le pouvoir reste entre les mains des classes privilégiées et qui veut changer le système est considéré comme un terroriste.
Lorsque le peuple fait une révolution anti-système et prend le pouvoir, il lui faut un parti qui réponde à ses intérêts et le défend contre toutes sortes de circonstances et de contradictions, qui existeront toujours dans tous les groupes sociaux.
Le peuple a pris le pouvoir, il a choisi et construit un parti d’union nationale où toutes les forces de gauche sont unies autour d’un projet d’émancipation, de transition socialiste, qui place l’être humain au centre de ses objectifs et non pas les entreprises et les banques. Par conséquent, le peuple n’a pas besoin d’un autre parti qui ne soit celui-là. Les tentatives qui ont été financées par les États-Unis pour susciter une opposition visant à faire croire à Cuba à la nécessité du multipartisme n’ont pas abouti. Le peuple a la conscience, les connaissances, il connaît l’histoire, il est attentif à tout ce qui se passe dans le monde et sait en tirer les conclusions.
Le nouveau texte constitutionnel reconnaît la propriété privée. Est-ce que cela comporte des risques ?
C’est un risque, certainement. Mais le socialisme ne se fait pas en 60 ans. Parfois, nous devons reculer dans les mécanismes pour pouvoir maintenir la base économique garantissant la poursuite de la stratégie de développement socialiste.
Nous devons l’articuler de manière à ce que les personnes qui effectuent ce type de travail continuent à être considérées socialement comme des travailleurs qui contribuent également à la richesse du pays, aux services du pays et apportent leur appui au développement.
Mais veillez avec les règlements qu’ils ne deviennent pas une classe sociale antagoniste.
C’est un nouveau mécanisme de fonctionnement de la société, qui requiert de l’expérimentation, de l’étude et de l’analyse. Tous les changements sont en train de se faire sous la surveillance populaire et avec une observation critique.
À Cuba, une partie importante de la population est contre le travail indépendant parce qu’elle considère que c’est un pas en arrière vers le capitalisme, mais une autre partie le considère comme nécessaire. L’État à lui seul ne peut garantir la production de biens et services immédiats.
Tant que nous subirons le blocus des États-Unis, l’économie cubaine et sa stratégie de développement vont être très limitées. Ils le font avec la ferme intention que nous nous désespérions et commencions à quitter le pays et que nous accusions la Révolution de ces désagréments.
Un autre changement substantiel est l’ouverture à Internet …
Comme les nouvelles technologies sont utilisées avec un intérêt de domination, pour manipuler et induire des modèles d’opinion qui vous font croire que c’est ce dont vous avez besoin, l’État cubain s’était protégé en ce sens.
Mais dans les discussions, le consensus s’est fait autour de l’idée d’introduire les nouvelles technologies et de les utiliser à nos fins idéologiques. Un pays où la grande majorité de la population s’identifie à un projet révolutionnaire défendra ce projet avec les nouvelles technologies.
Tout ce que l’ennemi crée doit être utilisé à des fins révolutionnaires.
Des premiers discours tintés d’homophobie de Fidel Castro au Cuba d’aujourd’hui, sur le point d’approuver le mariage homosexuel, comment cette transformation est-elle réalisée ?
Les organisations internationales de défense des droits des LGBTI reconnaissent que c’est Cuba qui a le plus progressé au niveau politique en matière de reconnaissance des droits.
Nous travaillons d’abord avec une volonté politique, en dialoguant avec la population, pour avancer en changeant les consciences, de sorte que lorsque les décisions législatives seront prises, il y aura une plus grande prise de conscience et un plus grand consensus.
C’est la voie que nous avons empruntée, contrairement à d’autres pays, où ils ont légiféré, mais les consciences n’étaient pas prêtes et il existe de nombreux crimes de haine homophobes ou dirigés contre les femmes, les immigrants …
Des groupes d’intégristes religieux tentent de faire chanter le gouvernement cubain en prétendant qu’ils ne voteront pas en faveur de la Constitution si l’article sur le mariage entre deux personnes de même sexe est conservé. Eh bien, qu’ils votent contre, une autre partie votera pour, ils ne nous font pas peur.
L’État est tenu de garantir les droits de l’homme, ce qui inclut la non-discrimination, que cela soit ou non approuvé par la majorité, en raison de ses préjugés, de ses intérêts ou de quoi que ce soit.
Le président élu du Brésil, Jair Bolsonaro, a accusé Cuba d’exploiter les médecins cubains déployés dans différentes missions. Cuba a répondu en retirant sa mission du Brésil. Que s’est-il passé ?
Bolsonaro est un homme ignorant, violent, misogyne, c’est le plus attardé qui ait pu arriver en Amérique latine. C’est l’expression du retour sournois des dictatures militaires en Amérique latine déguisées en social-démocratie.
En répondant aux intérêts de la mafia cubano-américaine qui s’est emparée de la politique américaine, il a pris cette décision grossière pour ignorer la qualité professionnelle des médecins cubains et pour utiliser ces arguments absurdes et mensongers.
Les médecins cubains signent un accord pour contribuer au développement économique de Cuba.
Ils acceptent ce contrat dans lequel ils conservent la totalité de leur salaire à Cuba, et leur travail pendant leur séjour dans le pays dans lequel ils ont leur poste de travail.
Ils reçoivent également un autre salaire pour leur séjour dans ce pays.
Ils acceptent le pourcentage qu’ils reçoivent parce qu’ils savent que le reste contribuera à l’économie du pays et à la durabilité de la santé publique cubaine.
C’est un accord, ils ne sont pas trompés.
La plupart sont revenus, mais certains sont restés ...
Oui, mais dans les chiffres de ceux qui sont restés, il ne faut pas oublier que beaucoup se sont mariés (ndt dans le pays où ils sont allés travailler). Ils ne sont pas restés pour le projet de Bolsonaro, mais parce qu’ils ont fondé une famille. Ce n’est pas qu’ils ont trahi le projet. Nous devons respecter que dans les relations humaines surgissent tous ces types de liens.
Bolsonaro leur a offert certaines opportunités qui ne sont pas très bonnes et ils se plaignent déjà parce qu’ils se sont sentis trompés par l’offre que leur a faite Bolsonaro.
Je suis sûre que beaucoup d’entre eux rentreront à Cuba comme ce fut le cas ailleurs lorsque les États-Unis ont créé le projet Parole. (ndt le projet parole est un programme crée par les Etats unis permettant aux Cubains de bénéficier de dispositions spéciales pour séjourner aux Etats unis).
Comme nous l’avons toujours fait, des médecins et des personnels de santé sont constamment formés à Cuba. Certains resteront en chemin, mais d’autres suivront.
Quels facteurs ont été propices pour que quelqu’un comme Bolsonaro soit arrivé au pouvoir ?
Premièrement les faiblesses des forces de gauche. Puis les problèmes de corruption et les échecs de certains groupes de gauche placent les gens sur le point de ne pas savoir qui choisir. Un autre facteur a été l’utilisation des technologies. Cette situation doit nous faire penser à toutes les forces de gauche comment nous devrions agir face à ces nouvelles circonstances qui nous placent dans un nouveau terrain de lutte.
L’influence politique des églises évangélistes augmente. On estime qu’à Cuba, elle pourrait atteindre 30% de la population.
Les églises ont toujours été utilisées comme un exercice de contrôle social et de pouvoir, en particulier l’Église catholique, mais aussi les évangéliques et les protestantes. Les églises qui agissent actuellement en Amérique latine, comme le fit avec la même force l’Église catholique à son époque, répondent au même projet de domination. Mieux que ça.
Comment Cuba fait-elle face à l’ère Trump ?
Cuba continuera de renforcer son système de légitime défense, sa souveraineté et son socialisme. Ce qui s’est passé au Brésil, a été aussi la protection de nos médecins.
Nous avons dû les rappeler car nous n’allons pas les exposer aux menaces d’un irresponsable. Il y a une forte répression en Amérique latine, ils persécutent les militants, judiciarisent les dirigeants politiques, comme ils l’ont fait avec Dilma Rousseff, Lula, Rafael Correa, Fernando Lugo.
Cela a fonctionné pour eux et maintenant ils veulent s’en prendre à Cuba, mais ils n’ont pas encore appris comment réagit le peuple lorsqu’ils nous agressent.
Qu’ils n’oublient pas Playa Giron la première déroute de l’impérialisme en Amérique.
mariela-castro-todo-lo-creado-por-el-enemigo-hay-que-usarlo-con-fines-revolucionarios-