Choco avec la vie dans les oeuvres

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Choco est l’un des artistes plasticiens les plus importants de Cuba. Le critique d’art Toni Pinera évoque ici sa récente exposition au Musée des Beaux Arts de La Havane .

Henri Sierra

Choco, les pieds sur terre », c’est le nom de l’exposition de peintures à l’huile, de collographies, de sculptures collographiques sur bois, de linographies et d’installations qui sont exposées au Musée National des Beaux Arts. (Bâtiment de l’Art Cubain).

Dans ses œuvres sur la femme africaine la composition arrive plus synthétique, avec des figures qui avaient une valeur symbolique. Auteur : Juventud Rebelde Publié le 27/02/2019 | 09:22 pm

La gravure c’est le dessein en profondeur. Parce que avec elle il cherche le tréfonds, la zone cachée de l’image, celle que la ligne n’atteint pas. C’est pour cela que Eduardo Roca (Choco) dès qu’il l’a ressenti, cela a été comme un coup de foudre, qui l’accompagne dans toute son œuvre (peintures, desseins, objets sculpturaux...) et le talent, ont fait qu’il a remporté le Premier Prix National des Arts Plastiques en 2017.

Comme un écho de cette récompense si importante, le célèbre créateur expose ses travaux récents : des peintures à l’huile, des (collographies), des sculptures collagraphiques sur bois, des linographies et des installations, dans une des salles transitoires du Musée National des Beaux Arts (Bâtiment de l’Art Cubain), sous le titre : Choco, avec les pieds sur terre.

Les collographies font ressortir dans cette exposition, ces pièces qui sont une constante dans son œuvre, un procédé très lié aux peintres qui font aussi de l’art graphique parce qu’il est très pictural. Il offre une texture riche et il peut utiliser beaucoup de couleurs pour imprimer en même temps. Un univers intime habite en elles, peuplé d’ images énigmatiques arrivées de l’intérieur de la peau. L’être humain, les choses, les lieux et les faits du monde qui l’ entoure sont transmutés par son imagination dans un autre plan qui semble ne pas être réel. En plus de la propreté caractéristique de ses créations, la texture se remarque tels les nerfs d’un monde souterrain qui s’agrandit devant notre vue sur les superficies avec des tonalités surréalistes.

Le sujet est varié, depuis les murs, les nostalgies, les souvenirs, la quotidienneté et les conflits actuels sont dans ces œuvres, où se distingue l’énorme installation « Sin-fonia » (2018) dans laquelle il recrée les instruments de musique d’un orchestre (sculptures collographiques sur bois) qui sont aussi des fragments de rêves enregistrés de l’artiste, à cette occasion de la musique.

Nul doute que ce créateur illustre et chercheur depuis ses débuts dans ce chemin artistique du visuel, est une énigme pareille a ses gravures, desseins et peintures. C’est comme la graphique, un livre de surprises. Il a la capacité musicale de faire des variations d’un thème jusqu’à l’incroyable. Par conséquent, franchir le seuil de la salle, c’est pénétrer jusqu’au plus profond de l’âme de Choco, tel que ses amis l’ont toujours nommé avec amour et qui est devenu son nom d’artiste.

Le graveur, peintre et dessinateur (Santiago de Cuba, 1949) a puisé toujours la matière première de ses créations des textures des murs, dont il a l’ADN du temps et de la vie de l’homme à travers les siècles. Et la gravure, tout spécialement la collographie, par sa capacité de faire cadeau du volume et des surprises à la fin de l’équation artistique qui lui donne vie, ce qui est favorable à sa créativité.

La jeune commissaire de l’exposition, Laura Araño, a été capable de souligner dans chacune des œuvres cette forme dans laquelle Choco peut « découvrir vie propre et indépendante dans chacun de ses traits, dans ses peintures à l’huile ou dans ses collographies » tel qu’elle l’exprime dans les mots de introduction au catalogue de l’exposition.

Il y a beaucoup d’années, dans un entretien pour une revue, l’artiste a expliqué que les murs qu’on voit reflétés dans beaucoup de ses pièces « viennent de la réalité qui m’entoure dans le Taller Expérimental de la Plaza de la Catedral (ndt : Atelier Expérimental de la Place de la Cathédrale). C’est une zone entourée de murailles où cohabitent les bruns, les terres, les ocres, de ceux qui subjectivement rendent transparent la vie et le temps, tout cela est dans mon travail ». Dès le début des année 80 et après avoir passé par des séries comme « Macheteros » (dans laquelle il faisait une fusion avec les mambises) et celle de son étape en Angola (qui lui a permis de recréer dans ses œuvres la femme africaine et d’arriver a une composition plus synthétique, avec des figures d’une grande valeur symbolique) Choco a initié une étape qui se projette jusqu’à nos jours dans certains traits et dans laquelle il enrichit les éléments de la gravure et du dessein.

C’est précisément de ces femmes qui ont captivé son imagination dans le lointain continent africain qu’il y a des exemples dans cette exposition -Guinguindo, un polyptyque (linographie et encre de Chine)- qui arrivent avec de nouveaux coups de pinceau de couleur qui les rendent plus actuelles dans le temps, des vagues artistiques qui reviennent, pour se souvenir.

Il inclut aussi beaucoup de types de textures et de compositions abstraites dans lesquelles apparaissent de temps en temps des signes utilisés quelques fois quand il était étudiant. Quand il dessinait avec de l’encre de Chine dans les années 80, il s’est inventé un instrument (avec une brosse à dent) qui donnait la sensation des coups de spatule utilisés maintenant dans la collographie. Techniquement il n’y a pas eu de divorce avec les procédures, la manière de dire l’a changé en découvrant d’autres matériaux avec de nouveaux instruments de travail.

Mais les sujets ont été réactualisés. Cette exposition c’est une halte dans le chemin, pour se souvenir/réfléchir dès aujourd’hui. C’est un savant mélange des vécus/réalités imprégnés dans son labeur quotidien, dans lequel le folklore, les sentiments de l’homme ont leur place... on bouge les concepts et les symboles qui évoluent. Il y a aussi des signes d’abstraction, parce que même si son œuvre est figurative, la racine est abstraite. Et surtout, dans le mystère de la gravure il brasse sa mémoire, la recherche... en soulignant sa vie dans les œuvres les pieds sur terre.