« L’ ELAM : la véritable ONU »

Partager cet article facebook linkedin email

Il y a longtemps que le mot Cuba n’est plus étranger à l’oreille de Quantamie Wilson, de l’île de Sainte-Lucie. « Depuis de nombreuses années, Cuba accorde des bourses à des étudiants des Caraïbes, et c’est comme un rêve pour de nombreux enfants de grandir et de vouloir se former comme médecin dans ce pays. De nombreux docteurs de Sainte-Lucie y ont étudié, comme mon cousin, puis ma sœur, qui est aujourd’hui infirmière », me confie cette jeune fille, qui est en 2e année à l’École latino-américaine de médecine (ELAM) et pour qui c’est l’occasion rêvée d’obtenir son diplôme dans la Grande Île des Antilles.

Regards sur l’École latino-américaine de médecine (ELAM) à Cuba

Quand on demande au jeune Ougandais Bwambale Hagai ce que cela représente d’être à ELAM, il répond dans un espagnol presque parfait : « Nous ne pouvons que remercier le gouvernement cubain de nous permettre de suivre la formation de nos rêves. Nous ne sommes pas ici par erreur, mais pour atteindre cet objectif important ici à Cuba. »

Hagai, qui est également étudiant en 2e année et vice-président du Comité exécutif étudiant de cette Faculté de médecine, parle avec une affection particulière des « profs » qui les accompagnent chaque jour. « Ce ne sont pas seulement des médecins qui en savent long en médecine. J’ai appris beaucoup de choses ici grâce à mes professeurs. La plupart des médecins qui obtiennent leur diplôme à Cuba sont des médecins à part entière, des médecins intégraux, parce nous sommes formés dans ce but », souligne le futur médecin.

L’ELAM, dit-il, nous donne aussi l’occasion de développer d’autres talents. « Nous ne sommes pas seulement dans les salles de classe pour étudier la médecine, mais nous découvrons les compétences de chaque étudiant et nous profitons du multiculturalisme qui existe dans cette école, où plus d’une centaine de pays sont représentés. Nous apprenons aussi comment vivent et se comportent les Cubains. Je pense qu’à la fin de nos études, nous sommes des Cubains, mais nés dans d’autres pays », explique le jeune homme.

Quantamie Wilson s’étonne encore de voir autant de « cultures différentes, de personnes différentes coexister dans un même espace ». Et d’ajouter : « Se faire des amis venus du monde entier est une expérience unique, et je peux affirmer avec fierté que j’étudie avec des jeunes du monde entier. »

LA SANTÉ QUI NOUS UNIT

Il y a un sentiment qui est partagé par les étudiants de l’ELAM, une institution fondée par le commandant en chef Fidel Castro Ruz et qui, le 15 novembre prochain, fêtera ses deux décennies d’existence : plus qu’une institution éducative, beaucoup voient dans ce centre un lieu où règnent le respect et l’amour de l’humanité.

En tant que membres du Comité exécutif étudiant, Quantamie et Bwambale affirment avoir un espace dans les décisions qui sont prises dans l’École concernant les étudiants, afin d’être attentifs à tous leurs intérêts, la planification des matières scolaires, les différentes tâches, les horaires...

« Nous avons le privilège d’aller dans n’importe quel Département de l’école et écoutés en recevant une accolade de père ou de mère, car c’est ici notre maison », signale le jeune Ougandais, qui décrit les uns après les autres les nombreux projets lancés par les 15 secrétariats de l’exécutif, et qui visent à « transformer nos vies pour faire de nous des médecins, mais des médecins intégraux ».

« Nous ne pouvons pas oublier le lien entre la médecine communautaire et la médecine moderne. Ce que nous faisons ici, c’est étudier la médecine générale intégrale. Nous apprenons comment offrir nos services aux personnes qui n’ont pas accès aux soins de santé, qui ont un faible niveau de vie, c’est-à-dire aux pauvres. Lorsque nous obtenons notre diplôme de médecin, nous savons déjà où travailler », poursuit Bwambale.

Quantamie trouve unique l’occasion de travailler directement avec les patients dès les premières années d’études, d’apprendre sur le terrain. « Maintenant, nous pouvons aller n’importe où dans le monde et nous n’avons pas besoin de matériel très sophistiqué pour faire notre travail, parce qu’ici on nous apprend à le faire avec et sans matériel de pointe », dit-elle non sans fierté.

Quelques minutes avant la conversation, Quantamie nous a accompagnés à l’amphithéâtre, où la professeure « Lili » donne une conférence. Au fur et à mesure que nous avançons, on entend des bribes de phrases : artères et tension artérielle, dommages vasculaires... dans une salle pleine de visages bigarrés et attentifs. Lorsque je l’interroge sur l’enseignement, la jeune femme, le regard plongé dans le lointain, affirme : « L’enseignement est magnifique ; quand je vois ma prof Lili, je me dis que j’aimerais être comme elle. Nos enseignants nous inspirent à être des professeurs d’autres médecins, c’est une expérience qui nous rend plus humains et qui contribue à façonner notre caractère », indique-t-elle.

UNE MÉDECINE D’EXCELLENCE

Environ 1 100 étudiants de 90 pays sont inscrits cette année à l’ELAM. En septembre dernier, cette institution que Ban Ki-moon, l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, a qualifiée d’ « école de médecine la plus avancée du monde », a achevé le processus d’évaluation externe en vue de la réaccréditation de la formation de médecine – après avoir été accréditée en 2014 –, une étape clé dans l’effort vers l’excellence.

Les 23 et 27 septembre, la commission en charge a analysé la réalisation des indicateurs de qualité prévus pour cinq ans dans la poursuite du perfectionnement des processus substantiels.

Parmi ces démarches, Orietta Martinez Chacon, présidente du Comité technique d’évaluation et d’accréditation des formations du Bureau national d’accréditation du ministère de l’Enseignement supérieur (MES), mentionne la pertinence et l’impact social de cette formation, le corps enseignant et sa préparation scientifique, pédagogique et politique et idéologique, les étudiants et leur maîtrise des modalités d’action ; ainsi que d’évaluer leur participation aux processus de formation et leur implication dans les problèmes de santé de leur pays et de Cuba, l’infrastructure et l’infrastructure matérielle pour assurer un enseignement avec la qualité requise, ainsi que le programme.

Pour la spécialiste, ce processus de certification vise à reconnaître la qualité des processus de l’enseignement supérieur cubain, son perfectionnement, le développement atteint, et à rendre compte à la société de leur évolution, de leurs forces et faiblesses, ce qui permet aux universités d’élaborer des plans d’action pour le perfectionnement continue de l’enseignement supérieur.

« Ceci a un impact significatif dans une formation comme la médecine, parce que nous sommes en train d’évaluer comment cette amélioration s’est faite, mais aussi l’impact qu’elle a sur la communauté pour la promotion de la santé et la prévention des maladies », explique Martinez Chacon.

Les étudiants, signale-t-elle, ont exprimé avec leurs propres mots ce que représentent pour eux cette école et cette formation.

« Pour eux, l’ELAM représente la véritable ONU, parce qu’ils coexistent ici, bien qu’ils aient des nationalités différentes, et ils coopèrent entre eux en harmonie »,ajoute-t-elle.

Elle précise que la formation du médecin est fondamentale et qu’il est essentiel de certifier la qualité de cette formation, car elle se répercute sur les processus de soins. En ce sens, Martinez Chacon met l’accent sur le rôle de l’éducation sur le lieu de travail, qui est la forme d’étude qui permet aux jeunes d’accéder aux trois niveaux de soins de santé dès la phase de formation.

Parfois, ils se présentent pour la première fois dans un hôpital avec la crainte d’être rejetés, et ce sont les patients eux-mêmes qui leur disent : « Ne suivez-vous pas des études ? Ne vous préparez-vous pas pour vos pays ? Eh bien, allez-y, vous pouvez nous soigner sans aucun problème », conclut-elle.

Pour la Dr Reina Iris Lores Lores Estrada, coordinatrice de la formation à l’ELAM, le monde d’aujourd’hui a besoin d’une université d’excellence. « Si nous formons ce genre de médecin, à l’approche intégrale, qui offrira des solutions aux pays dans le domaine de la santé, mais aussi un médecin qui devra faire face à un monde globalisé, il doit être très bien formé. »

C’est pourquoi l’accréditation est très importante pour nous, parce que nous perfectionnons nos processus, en traçant des

stratégies pour obtenir de bons résultats en termes de production intellectuelle, de formation de futurs spécialistes, voire de formation de leaders, qui peuvent relever le défi de changer les politiques sanitaires de leur pays, affirme la professeure.

« Nous disposons d’un corps enseignant d’excellence, et la plupart des enseignants ont déjà une catégorie principale supérieure, et bien sûr, ces mêmes professeurs dirigent les processus de formation. L’école a un plan de doctorat et le nombre de docteurs en sciences est en hausse », ajoute Lores Estrada.

L’accréditation, souligne-t-elle, est un processus opportun, non seulement pour l’obtention de la reconnaissance, mais aussi pour la reconnaissance des étudiants eux-mêmes et pour la vision internationale selon laquelle de bons médecins sont formés à Cuba. « Ceci, bien sûr, contraste avec les campagnes orchestrées contre les processus de formation dans notre pays, qui visent à dénigrer le personnel médical en formation à Cuba. »

Cependant, ajoute la coordinatrice : « il faut voir l’impact de l’ELAM, il faut les entendre parler, comment ils ont mené différents processus dans leurs communautés. Depuis ceux qui ont dirigé de grands projets, occupant des postes dans les portefeuilles de la santé de leur pays, jusqu’à ce simple médecin qui enfile sa blouse et part travailler, et qui doit faire face à de nombreuses difficultés pour rejoindre ses populations.

« Voilà la formation que nous proposons ici. Une formation dans laquelle le travail méthodologique émerge comme un système, où la participation des étudiants est essentielle dans tous les processus qui sont menés. Ils prennent des décisions, partagent, planifient avec nous, organisent, exécutent et contrôlent. »

Leur relation avec les domaines de la santé et de l’éducation sur le lieu de travail a été très importante et c’est quelque chose qui a excellé dans leur formation, parce que dans leur pays, il n’y a pas une telle relation, fait-elle remarquer.

Pour le Dr Antonio Lopez Gutiérrez, recteur de l’ELAM, ce processus élève le développement de cette faculté de médecine à un niveau supérieur. « C’est le résultat de 20 ans de travail, et la meilleure preuve en est qu’en ces jours d’évaluation, les étudiants ont montré le sentiment de gratitude, l’humilité, la reconnaissance et la gratitude envers Cuba. »