Affiches cubaines. Révolution et Cinéma

du 31 octobre au 2 février 2020 au Musée des Arts Décoratifs

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Avec quelques trois-cents pièces, l’exposition "Affiches cubaines. Révolution et Cinéma" propose une plongée dans le design graphique cubain. Entre propagande et liberté, de 1959 à 1980 (et au-delà)... Le MAD (Musée des Arts Décoratifs) Paris dévoile un pan méconnu de la vitalité graphique cubaine.

MAD (MUSÉE DES ARTS DÉCORATIFS)

SNIKO (ANTONIO PEREZ GONZALEZ)ANTONIO FERNANDEZ REBOIROOLIVIO MARTINEZDIMAS (JORGE DIMAS GONZALES LINARES)PAUL RENÉ AZCUY CARDENASEDUARDO MUÑOZ BACHSALFREDO JUAN GONZALEZ ROSTGAARD

Avec quelques trois-cents affiches d’exposées, le MAD Paris (Musée des Arts Décoratifs) va offrir à ses publics un voyage dans le temps, à Cuba. Sa nouvelle exposition « Affiches cubaines. Révolution et Cinéma » marque ainsi les soixante ans de la Révolution, en présentant un corpus graphique encore méconnu. Dans un contexte de blocus et d’isolement, le design graphique cubain des années 1960 et 1970 est longtemps resté confidentiel. Tout en étant très dynamique. Puisant en grande partie dans ses propres collections, le MAD propose une plongée inédite ; un périple qui entrelace histoire du graphisme de la seconde moitié du XXe siècle et histoire sociopolitique de Cuba. Pays révolutionnaire hautement conscient de l’importance des productions visuelles (entre culte, culture, propagande et hégémonie), le Cuba du Che et de Fidel aura su se composer une image. Et la transformer en capital (économique, symbolique). Un trésor à découvrir au MAD.

« Affiches cubaines. Révolution et Cinéma » : trois-cents affiches à découvrir au MAD

En tant que ministre cubain de l’Industrie, en 1961 Che Guevara fait interdire la production de publicités commerciales. Laissant ainsi le champ libre à une autre utilisation de cet espace d’expression qu’est l’affiche. À la même époque, l’Union Soviétique veille à l’homogénéité graphique de son image en imposant le style connu sous l’appellation de Réalisme socialiste. Pays communiste affilié à l’URSS (Union des républiques socialistes soviétiques), le Cuba de Fidel Castro (au pouvoir de 1959 à 2008) s’écarte néanmoins de cette règle. Fidel Castro voyant dans l’affiche un espace d’expression culturelle à laisser libre : les designers graphiques peuvent ainsi s’emparer du medium pour faire le lien entre peuple et politique. Si les habitants ne vont pas au musée, la culture visuelle vient à eux sous forme d’affiches. Entre isolement et émulation, une école graphique singulière émerge à Cuba. À l’écart de (ou entre) l’influence stylistique des rêves soviétique et américain.

Entre culture, propagande culte, hégémonies et design graphique : l’affiche

Avec deux grandes tendances, l’affiche cubaine oscille entre affiche politique et affiche culturelle. Les affiches politiques mettent des images sur les évènements historiques de la Révolution. Deux organismes principaux gèrent cette production graphique : L’OSPAAL (Organisation de Solidarité avec les peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine) et la DOR (Direction Orientation Révolutionnaire). Visuellement, les figures héroïques dominent (Fidel Castro, Che Guevara, Camillo Cienfuegos…). Les graphistes Felix Beltran et Alfredo Rostgaard sont particulièrement actifs dans cette production. Du côté des affiches culturelles, le cinéma culmine. De Sergueï Eisenstein à Hollywood en passant par le Charlie Chaplin de Walter Benjamin… Pour une « invention sans avenir », le cinéma n’en façonne pas moins le présent. À Cuba aussi qui, en 1943, ne compte pas moins de quatre-cents-vingt-deux salles. Outil d’éducation culturelle, le cinéma prend l’affiche à son service et l’ICAIC (Institut Cubain d’Art et d’Industrie Cinématographique) devient le plus important commanditaire d’affiches.

L’affiche culturelle des années 1960-1970 à Cuba ? Plein feu sur le cinéma

Fondée dès 1959, l’ICAIC impose rapidement son style. Faisant ainsi école. Une école qui se fait connaître sur la scène internationale à travers des créations de René Azcuy Cardenas, Niko, Eduardo Munoz Bachs ou encore Antonio Reboiro. Coloré, simple, percutant, le style graphique de l’ICAIC prend le contre-pied des codes graphiques jusqu’à alors imposés par les agences de communication américaines installées sur l’île. Mais comme le village global n’est pas si grand, et comme il s’agit aussi de se faire comprendre, les affiches culturelles cubaines se teintent d’influences issues du Pop Art, du Psychédélisme, ou de l’Art cinétique. Mettant en sourdine la figure du leader pour remettre en lumière celle des petites mains, des producteurs, l’exposition « Affiches cubaines. Révolution et Cinéma » présente des créations de (outre les personnes déjà citées) Olivio Martinez, Dimas… Ainsi que des œuvres issues de la collection privée de Luigi Bardellotto, inédites en France.

L’image de Cuba : une histoire de liberté et de publicité, soixante ans après la Révolution

Parcours chronologique, monographique, aussi visuel qu’instructif, les trois-cents pièces de l’exposition « Affiches cubaines. Révolution et Cinéma » dessinent une autre géographie du design graphiques des années 1960 et au-delà. Une expérience à mettre en regard, pour les flâneurs des quais de Seine, avec l’exposition de plein air « Habana’s Old Cars », de la photographe Véronique Fel, le long du quai Aimé-Césaire, à deux pas du MAD.