« La nation et sa culture n’ont jamais été autant en danger que maintenant »

Entretien avec Eduardo Torres Cuevas, Historien et pédagogue

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EDUARDO TORRES CUEVAS, Directeur du Programme Martiano, Membre du Conseil d’Etat, Député et Vice-Président du Groupe d’amitié Cuba-France, Président du Conseil d’Administration de l’Alliance Française à Cuba, reprend dans cette interview une de ses interventions lors de la VIIème séance plénière de l’Union des journalistes de Cuba où il relate la discussion entre Saco et El Lugareño (en 1838) sur ce que l’on pourrait globaliser par "identité culturelle de la nation". On pourra s’y reporter en suivant le lien
https://www.diariocolatino.com/queremos-una-cuba-cubana-no-anglosajona-iii/).

RAFAEL HERNANDEZ : Eduardo, lorsqu’on parle du rôle de la culture dans la défense de la nation, que signifient « la culture » et « la défense de la nation », quel est le sens de cette défense dans le domaine de la culture.

EDUARDO TORRES CUEVAS : Avant tout, il faut préciser les concepts. Celui de culture a été utilisé dans des sens très divers et il y a de nombreuses façons de le percevoir. Pour moi, la culture dépend de la façon d’être et de faire d’un peuple, ceci est la base de tout processus culturel. Cela peut s’exprimer dans les rues, dans la façon de penser, d’agir, de dire ce qui amène ensuite à l’élaboration de cette culture dans ses formes intellectuelles, artistiques, musicales.

Si l’on prend toute l’évolution historique de Cuba, on peut remarquer comment des sphères se créent, naissant du propre processus interne de l’île. Elles arrivent de beaucoup d’endroits dans le monde – Espagne, Afrique, d’autres pays d’Europe et d’Asie dans les diverses étapes du processus historique – de groupes, d’ethnies, de nationalités, de types très divers et qui convergent dans le processus que j’appelle « la créolisation ».

Créole veut dire élevé à la maison ; pas être né mais élevé, qui peut avoir une quelconque origine mais qui est finalement né ici. Cela amène à un processus d’abord de création de culture, de traditions, de coutumes de toute sorte – alimentaire, vestimentaire, différentes façons de parler. Chaque ville, chaque peuple, chaque région crée ses propres traditions et à partir de là naît une tradition plus nationale sans que pour autant la nation existe. La culture précède la nation qui sera le résultat d’un processus culturel.

Fernando Ortiz a une phrase que j’ai toujours aimée : « qu’est-ce qui est cubain ? c’est un « ajiaco » (N.d.t. : Un des plats les plus typiques de Cuba. Il s’agit d’une soupe faite avec des pommes de terre, du maïs, de la viande et des oignons.) dit-il, avec beaucoup d’ingrédients et au final, il a ses propres caractéristiques, différentes de celles des éléments qui le composent à l’origine ». Et il ajoute : « Notre culture c’est la qualité de ce qui est cubain ». On parle alors d’une qualité propre, des qualités de ce peuple.

Ce mélange d’éléments, à mesure qu’on les identifie et qu’ils créent ce créole et cet agglomérat, ce n’est plus un mélange mais une combinaison qui crée une expression spécifique comme caractéristique finale des nations. On peut voir, par exemple, que quatre-vingt-cinq ethnies sont venues d’Afrique, beaucoup d’entre elles étant des rivales là-bas.

RAFAEL HERNANDEZ : Quatre-vingt-cinq ethnies africaines ?

EDUARDO TORRES CUEVAS : Ces quatre-vingt-cinq ethnies ont été identifiées ici sur un seul critère : c’étaient des noirs. Mais en Afrique, comme ils étaient tous noirs, ce facteur d’identification n’existait pas. C’est pareil en Espagne où cela s’est fait en même temps que dans l’Amérique espagnole. Au XVIème siècle, ce que tu vas trouver c’est une union de royaumes et de dynasties où convergeaient les titres de rois d’Aragon, de Castille, du Léon. L’Espagne est un concept qui a émergé plus tard, lorsqu’il y eut une vision de l’hispanité de même qu’émerge l’américanité dans ce même processus à partir des XVIème, XVIIème et XVIIIème siècles.

Notre culture nous identifie par ses qualités de la façon d’être, de faire, de dire, des traditions, des us et coutumes qui ont été générées pendant ces trois premiers siècles, mais surtout après le XIXème qui est celui qui introduit de la rationalité à ce processus. Auparavant, on parlait plus de sentiments, ce qui ne pouvait pas toujours être décrit ou narré ; alors qu’au XIXème siècle, avec la prédominance de l’ère de la raison et des sciences modernes et à la fin du XVIIIème, d’une philosophie née dans les Encyclopédies française et anglaise, on peut lui donner une structuration rationnelle.

RAFAEL HERNANDEZ Quand on parle de défense de la nation, on pense surtout à la confrontation avec des facteurs hostiles, négatifs, aliénants, qui viennent de l’extérieur, en particulier des Etats-Unis. C’est dans ce contexte que l’on utilise généralement cette phrase.

Bon ! Quand on parle de défense de la nation, non pas sur le terrain militaire, économique, politico-diplomatique mais sur celui de la culture, ce qui implique que nous défendons une culture avec des ingrédients qui proviennent du Nord. Comment cette relation culturelle affecte la défense de la nation ?

EDUARDO TORRES CUEVAS : Quand je te disais que la cubanité ce sont tous ces ingrédients transculturels, j’incluse aussi le facteur nord-américain. Au XVIIIème et au XIXème siècles, mais aussi au XXème surtout avec un caractère politique, la relation Cuba-Etats-Unis fut étroite, tant sur le plan commercial que culturel, dans tous les domaines.

Quand Marti dit que nous sommes dans la ligne de ce qu’est l’Amérique, que l’indépendance de Cuba était une lutte pour l’équilibre du monde, il tenait surtout compte du facteur nord-américain parce que cette immense Amérique Latine, cette américanité dont je te parlais au début, dépendait des caractéristiques de l’empire espagnol. Mais tout le XIXème siècle est un lien constant entre New-York et la Nouvelle-Orléans avec La Havane. Cette dernière n’est pas sur la côte sud, ce n’est pas une cité caribéenne. C’est une cité qui s’ouvre sur l’Atlantique nord, face à la Floride, toute proche du port de la Nouvelle-Orléans où se trouvent des créoles français et espagnols. C’est pour cela que lorsque Napoléon vend la Louisiane aux Etats-Unis, beaucoup de ces créoles viennent ici et deviennent les grands caféiers de la zone occidentale ; d’autres arrivent lors de la Révolution à Haïti mais ils s’installent plutôt dans la zone orientale et dans des villes comme Cienfuegos, fondée par Louis de Clouet, un créole français.

Maintenant, ce lien avec les Etats-Unis a permis beaucoup de choses à Cuba par sa proximité avec les processus de développement qui avaient lieu non seulement en Europe mais aussi dans l’Amérique anglo-saxonne. Ceci, aussi, crée le mouvement annexionniste et la discussion entre Saco et El Lugareño est la même qu’aujourd’hui, il n’y a aucune différence.
El Lugareño lui dit : « Cuba annexée, cela signifie que cins cent mille yankees, diables et démons mais diables et démons blancs avec du capital qui ferait avancer l’île. Qu’attends-tu de l’Espagne ? Qu’elle introduise cinq cent mille noirs ? » Et Saco lui répond : « Je comprends, c’est vrai que nous aurions tous ces bienfaits mais il me reste une petite contradiction (et il le dit avec ironie) avec cette idée, c’est la perte de la nationalité cubaine ». Il est certain que Saco la perçoit comme nationalité blanche, mais dans le même temps, il pointait le fait que ce pays s’était formé dans la religion catholique ( et quand je dis religion ce concept reste le moins important), avec tous l’élément culturel, éthique y compris artistique qu’impliquait la vision catholique du monde dans une origine. C’est une base très importante. En face, il y a le blanc anglo-saxon et protestant. C’est pour cela qu’il parle de « la perte de ma nationalité ». Et il ajoute : « Si j’ai pu vivre en tant qu’étranger dans un pays étranger, je ne pourrais pas vivre en tant qu’étranger dans ma propre patrie, je ne courberai jamais la tête devant les rutilantes étoiles du drapeau nord-américain ». Ce qu’il dit en fait, c’est qu’il ne peut permettre de perdre sa culture. Tout l’effort économique doit donc préserver l »indépendance et la nation cubaine.
C’est pourquoi lorsque nous parlons de nation, ce n’est pas seulement un problème politique mais quelque chose de plus profond. On parle de qui nous sommes et si nous pouvons cesser d’être c que nous sommes et c’est là où se situe le nœud du facteur culturel.

R.H . : Le présent est aussi histoire et tous ces antécédents que tu mentionnes sont des clés pour le comprendre. Mais si nous regardons la Révolution confrontée aux Etats-Unis, revendiquant la culture nationale et la nation comme faisant partie de son projet, tu dirais que ce moment que nous vivons est le plus provocateur, menaçant pour la défense de la nation par rapport à ce qu’elle fut dans les années 60 ? ou cette nation et sa culture n’ont pas été agressées, harcelées dès le début de la Révolution ? Si nous somme d’accord que c’est comme çà, qu’y a-t-il de différent actuellement ?

EDUARDO TORRES CUEVAS : La réponse est très vaste mais oui, je te dirais que jamais la nation et sa culture n’ont été autant en danger. Je vais te citer quelqu’un qui n’est pas précisément un sympathisant de la Révolution cubaine, Mario Vargas Llosa et son excellent livre, La civilisation du spectacle. Cela s’associe aussi à ce qu’a signifié la postmodernité comme démontage de tous les projets rationalistes de la modernité et parmi eux, le propre concept de nation, celui de patrie, le sens du devoir du citoyen. Jusqu’à ces trente dernières années, il existait un débat rationnel, avec des arguments qui incluaient ceux utilisés par la réaction dans son discours politique, de sorte que l’on pouvait discuter sur la base d’une rationalité du discours. Actuellement, cette rationalité du discours n’est pas nécessaire parce que les éléments que la postmodernité pondère sont autres, sur l’éthique et l’esthétique, ce qui n’affecte pas seulement l’éthique révolutionnaire mais aussi la propre éthique religieuse, disons catholique. Le phénomène est beaucoup plus vaste et global, il ne se limite pas à une région déterminée, pas même Cuba, on parle de quelque chose d’universel.

D’un autre côté, dans les années 60, les moyens de communication étaient, vus d’aujourd’hui, primitifs : la radio, la télévision, la presse écrite et les missives que l’on envoyait d’une agence à l’autre. Aujourd’hui, on peut envoyer d’un téléphone portable un message au niveau mondial. Il y a des exemples sur ce que l’on a appelé la guerre de quatrième génération, comme ce fut le cas lors du Printemps arabe, au terme duquel nous avons vu des effets très différents de ce qu’attendaient beaucoup parmi les millions ceux qui sont sortis dans les rues.

D’autre part, les concepts ont changé ou ont acquis des contenus différents. Aujourd’hui, tout le monde parle de démocratie mais la question est de savoir de laquelle on parle et jusqu’où fonctionne cette démocratie, quels sont ses mécanismes et groupes de pouvoir et dans quelle mesure ils ont existé. Toutefois, le contrôle des moyens de communication est absolu, c’est dire que dans les années 50, il y avait onze journaux nationaux à La Havane. On y trouvait aussi bien le journal Hoy, d’expression communiste, que le Diario de la Marina, situés aux deux extrêmes. Il y avait El Crisol, Prensa Libre, El Pais et il y avait débat où l’on gagnait ou perdait du terrain jour après jour. Aujourd’hui, le niveau de prédominance des secteurs plus à droite, ou à droite ou du centre ont beaucoup plus de force dans les medias que ceux des gauches pour une questio y compris économique. Dans ce contexte, cela n’a rien à voir avec la lutte des années 60, la discussion était toute autre ainsi que la façon de discuter et la raison pour laquelle on discutait. Il y avait de multiples options mais toujours en recherchant le meilleur. Aujourd’hui, même le pire peut te servir en tant que « meilleur », cela dépend uniquement du discours, de ta capacité à convaincre. D’un autre côté, les discours les plus convaincants sont les plus simples alors que les plus théoriques soient moins compréhensibles par les grandes masses. Le discours des leaders néofascistes ou d’extrême droite etc… sont des prières, des phrases même sans verbe c’est-à-dire des affirmations et les gens acceptent… mais le fait de dire choses absolument fausses repose sur le vieux principe de mentir, mentir, mentir il en restera quelque chose. Puis quand tu veux te défendre, tu arrives trop tard. Tous ces facteurs rendent notre époque très compliquée.

Bon, le mouvement de gauche dans le monde a vécu une période de confusion dans ses critères, la gauche a attaqué la gauche à partir de la crise du camp socialiste, de l’Union Soviétique, etc… ; je ne vais encenser les partis communistes mais leur influence a énormément diminué après cela et les partis socialistes qui pensaient en profiter pour accroître la leur – c’est ce qui est arrivé au début – se trouvent aujourd’hui eux aussi en perte de vitesse. Le discours qui domine a abattu certains des partis traditionnels forts en Amérique Latine. C’est ce qui arrive au Costa Rica, au Pérou, des partis qui étaient historiquement de gauche ou du centre y compris de droite se trouvent maintenant face à une telle crise qu’ils n’ont pas de programme stratégique. Quel est l’unique programme stratégique qui est sur la table ? Le néolibéral, le néoconservateur qui sont les deux forces qui débattent, la gauche quant à elle a un discours de réponse.

RAFAEL HERNANDEZ : Défensif.

EDUARDO TORRES CUEVAS : Oui, tant qu’il y a une proposition, j’apporte une réponse. Il nous manque alors en ce moment un discours de gauche cohérent, capable de dire les choses de manière simple, qui atteigne chacun mais basé sur une pensée théorique solidement élaborée.

RAFAEL HERNANDEZ : Cette position défensive ou cette émission d’un message défensif, c’est ce que nous vivons nous aussi ?

EDUARDO TORRES CUEVAS : Bien sûr que oui. Une des questions les plus intéressantes c’est que nous ne sommes pas totalement au niveau de la proposition que nous devons faire. Nous sommes excellents dans les réponses que nous apportons, qu’elles soient plus ou moins élaborées. Il suffit de nous piquer pour que nous répondions, que ce soit en rappelant notre pensée génitrice ou avec un discours élaboré, etc… Selon moi, notre problème est que nous générons en ce moment une nouvelle proposition mais elle n’est pas encore articulée bi testée. La dynamique interne du processus peut y parvenir.

Maintenant, autre chose par rapport à ta question. Le niveau de l’offensive que la pensée a aujourd’hui n’est pas néolibéral mais néoconservateur ; j’y vois une différence. Obama peut être l’expression du néolibéralisme, Trump est celui du néoconservatisme le plus dur qui attaque aussi des aspects du néolibéralisme. Cette offensive du néoconservatisme est comme une réponse de l’extrême droite, historiquement, dans les moments de crise de la pensée de gauche et d’agessivité quant aux mouvements économiques ; autrement dit, il progresse chaque fois qu’il ya une crise et la nécessité d’organiser les processus d’avancée du grand capital.
RAFAEL HERNANDEZ : Si on parle de défendre la nation dans le champ de la culture et de défendre la culture qui nous représente, cette nation est aujourd’hui plus extraterritoriale qu’à d’autres périodes car ce n’est pas la première fois. Des cubains se trouvaient ailleurs dans le monde pendant les guerres d’indépendance etc… Ces autres cubains qui sont à l’extérieur et qui font partie de la nation, qui ne sont pas des ennemis, qui ne se comportent pas comme tels et qui ne collaborent pas avec l’ennemi, d’un point de vue stratégique, que suppose une politique culturelle ou une pensée de défense de la nation dans le domaine culturel si on les inclut ?
EDUARDO TORRES CUEVAS : Être cubain ne détermine pas dans quelle partie du monde tu te trouves, au Pôle Nord ou à Hawaii ou au Burkina Faso et quelque chose qui est très importante, je reviens à Fernando Ortiz, aujourd’hui je suis….
RAFAEL HERNANDEZ : "Orticien".

EDUARDO TORRES CUEVAS : Oui, Fernando Ortiz disait : » qu’est-ce être cubain ? » c’est-à-dire la conscience et la volonté de l’être ; on choisit si l’on veut être ou non cubain mais cela implique une définition culturelle, pas une politique, bien qu’il ait derrière une conscience politique. Avant tout, je veux être comme l’autre, non comme je suis, je veux m’acculturer mais dans l’émigration cubaine – nous connaissons tous les deux des personnes comme cela – il y en a beaucoup qui se découvrent face à ce qui est différent c’est-à-dire je me rends compte que je suis cubain parce que j’agis, je pense différemment à celui-là et peut-être que je doive manger mes haricots noirs en cachette mais c’est çà ce que je veux manger, du riz aux haricots. Comme la musique cubaine qui te lève immédiatement et tu dis « cette musique ! » . La culture nous fait rester cubains où que l’on soit.

RAFAEL HERNANDEZ : Si la défense de la nation inclut non seulement ceux qui vivent à l’intérieur mais aussi ceux de l’extérieur et si la c’est la culture qui nous unit, quelles recommandations ferais-tu pour une stratégie culturelle de défense de la nation qui ne tombe pas ou soit sous l’emprise de populisme, de folklorisme, de chauvinisme villageois que Marti critiquait ? Comment se préserver de ces dangers ?

EDUARDO TORRES CUEVAS : le problème aussi est complexe. On y trouve ce que l’on ne pourrait pas rationnaliser et ce qu’irrationnellement est à l’intérieur des concepts et des actes qui sont induits. Il faut avant tout identifier ces valeurs où qu’elles soient et les placer à la place où elles doivent être. Maintenant bien ! cela signifie que tu dois tenir tous les moyens de publication et sensibiliser les sphères, qu’elles soient politiques, sociales ou économiques.

C’est une façon de nous identifier avec ce sentiment et cette pensée qui ont un rapport avec l’évolution de ce qui est cubain, qui a évolué et évoluera parce que c sera toujours dans une période historique différente. Marti a écrit nombre de ses meilleurs travaux aux Etats-Unis – la plus grosse partie de sa production – indépendemment de tout ce qui précède.

La solution c’est comprendre que ces espaces qui s’ouvriront continueront de créer ou de grandir dans la mesure ou nous serons capables de les élargir. C’est un travail intelligent, lent dont on ne peut espérer des résultats en un seul jour. Partout, il y a beaucoup de personnes, beaucoup de cubains qui peuvent contribuer à cela. Nous en connaissons qui sont aux Etats-Unis, y compris depuis l’époque des Peter pan et ils sont d’excellents producteurs d’une pensée d’intégration, comme producteurs de la culture cubaine hors des frontières de Cuba et on ne peut ignorer, ce serait absurde mais il faut que ce soit connu comme eux doivent connaître beaucoup de choses.

RAFAEL HERNANDEZ : Ma dernière question, qui a un lien avec la précédente. A l’heure du contact avec l’extérieur, comment défendre la culture et la nation en renforçant les moyens de la culture qui peuvent y parvenir et en évitant de tomber dans une guerre de tranchée ou qui laisserait penser que nous avons peur, comment développer cette défense en renforçant l’échange et non pas nous fermer à lui et comment nous renforçons une conscience culturelle plus sûre d’elle-même par ce moyen ?

EDUARDO TORRES CUEVAS : Ta dernière phrase est importante. Le problème réside dans l’assurance que nous avons de notre conscience et ce ne sont pas des tranchées de pierre car c’est comme cela que tu n’avances pas et que tu ne défends pas réellement ce que tu dois défendre. Les idées n’ont pas de frontières. La culture n’a pas de frontières. Notre culture est à nous mais elle est aussi universelle car c’est un composant de plus, pas une culture de village. Si la culture cubaine a quelque chose qui la rend si riche – c’est peut-être pour cela que tu me questionnais tout à l’heure à propos de sa situation géographique proche des Etats-Unis, plus proche de l’Europe que d’autres lieux, la mer comme moyen de liaison et non pas comme élément qui isole. Il est plus difficile de parvenir au centre de l’Amérique à cheval qu’en bateau en Europe – c’est cette caractéristique que la culture cubaine a toujours possédé. Si tu ne lui donne pas ce souffle, cette ambiance, elle s’appauvrit et par conséquent tu te vois devenir plus susceptible, perdre des espaces et au final te trouver dans une triste situation.

Le dialogue, l’espace, comprendre tout ce que le monde a fait, élaboré, est nécessaire. Dans d’autres pays, les cubains occupent les premières places car ils ont eu une formation avec tout ce qui arrivait du monde plus développé. Et même si tu dis « je ne veux pas que cela m’arrive », - si l’on en n’a pas une politique claire sur ce qui est valable et ce qui ne l’est pas, cela arrivera par tout moyen même sans le savoir parce que le monde d’aujourd’hui, en ce sens, n’a pas de frontières. Il faut élargir le dialogue pour que ce qui est valable entre, car si tu n’ouvres pas ces espaces, tu es condamné à mourir.

Par Rafael Hernandez 05 Mars 2020
Source : Temas