Derrière la façade

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Derrière la façade

De Graziella Pogolotti

27 avril 2020

Opinion, politique, société.

Giaveno, aujourd’hui banlieue de Turin –capitale du Piémont, là où se trouvent nos médecins- montre ses rues goudronnées et ses immeubles d’habitation. C’est de là, qu’à la fin du XIX ème siècle, est parti mon grand-père pour tenter sa chance, pour « faire fortune en Amérique » comme on disait à l’époque. De cette famille nombreuse vit encore sur les lieux la dernière descendante qui se consacre à la gestion de ses propriétés. Elle en avait loué une, située sur la place principale, à un argentin d’origine italienne. C’était le retour des enfants des anciens émigrés dans une Europe qui affichait une qualité de vie merveilleuse. Devenu gérant d’un café, il se plaignait des difficultés économiques. « On ne peut rien faire », disait – il, « parce que nous vivons dans une bulle prête à éclater à tout moment d’une piqûre d’épingle ».

La pandémie du coronavirus m’a rappelé cette conversation. Nous sommes devant un mal invisible et d’origine inconnue. Le sujet{{}}submerge les espaces d’information. Nous attendons avec anxiété chaque matin le dernier rapport sur les chiffres. On remarque les symptômes d’une crise économique d’ampleur imprévisible. En coulisses les forces qui luttent pour dominer le monde déplacent les pions pour assurer l’échec et mat du lendemain. Alors que les scientifiques cherchent ardemment la solution à l’énigme, il est impératif de surmonter l’angoisse quotidienne afin de mener à la réflexion nécessaire, parce que le débat se fait aussi sur le plan de la pensée.

La contribution de Charles Darwin au développement de la connaissance a une valeur inestimable. Il a décrit l’évolution des espèces, processus millénaire au cours duquel les plus acclimatés et ceux qui ont fait preuve d’une meilleure capacité adaptation ont survécu. Les recherches ultérieures ont confirmé la thèse évolutionniste avec les restes –fossiles preuves des{{}}maillons qui ont conduit à l’apparition du bipède pensant formé à maitriser les lois générales d’une si longue histoire pour ne pas succomber face au destin prédéterminé et pour devenir l’acteur de son avenir. Il a recherché le bonheur dans l’accumulation des biens matériels jusqu’à une agression irréversible de la nature. Tout comme dans la fable traditionnelle, en l’absence du sorcier, l’apprenti en a fait à sa guise et a déclenché une violente explosion que seul le retour du maitre a pu contrôler, c’est-à-dire, de la véritable sagesse.

L’extrapolation des idées de Darwin au domaine des sciences sociales a engendré une idéologie pervertie. La lutte pour la survie du mieux adapté, la détermination à tirer la meilleure part du gâteau ont exacerbé l’individualisme ; l’affrontement de tous contre tous. Il a servi de fondement au{{}}fascisme dans sa défense de la suprématie raciale, l’effondrement des principes éthiques fondamentaux et l’exécution d’un génocide systématique.

Personne n’est à l’abri de contracter la maladie. C’est arrivé au premier Ministre et au Prince héritier en Grande Bretagne, ainsi qu’au Prince de Monaco. Mais, dans les énormes brèches qui séparent les pays riches des pauvres, les privilégiés du Premier Monde des ghettos de misère, des camps où s’entassent des réfugiés de tous âges, des sans-papiers qui dissimulent leur identité, tous privés d’accès aux soins, aux médicaments et aux tests diagnostiques, dans la pratique la pandémie se traduit par{{}}un darwinisme social, par un génocide ethnique. Les grands perdants, matériel jetable, n’apparaitrons pas dans les statistiques.

Sans revenir à l’origine des évènements, il est intéressant de rappeler quelques faits récents. Fidel a valorisé la pensée et le développement de la science{{}}en tant que parties intégrantes de la souveraineté nationale. Dans les années 80 il a appelé à de nombreuses reprises des économistes et des dirigeants sociaux à faire face à la menace que représentait déjà à cette époque la dette impossible à rembourser. C’était un nœud coulant qui condamnait nos peuples à la servitude, réduits à se priver des bénéfices sociaux les plus élémentaires pour livrer aux banques le fruit de leur travail et l’espérance d’un avenir meilleur.

Dans les années 90 il a placé au premier plan l’urgence de sauver l’espèce. Face à l’anémie et la subordination des Etats, la spéculation financière s’est poursuivie. La crise a éclaté en 2008. Des milliers de gens endettés ont été expulsés. Sans abri, beaucoup se sont réfugiés n’importe où. Beaucoup ont eu recours au suicide comme unique alternative possible. Mais on a investi l’argent des contribuables pour sauver les banques de la faillite.

Pendant que les humains restent confinés, les tigres dorment paisiblement sur les routes d’Afrique du Sud. C’est un avertissement. Nous arrivons à un point de non-retour. Il est temps d’écouter les appels de la nature, de débarrasser le monde de la domination néolibérale du capitalisme spéculatif, de produire pour assouvir la faim de tous, d’éliminer le cafouillage de l’apprenti et d’accueillir la sagesse du sorcier, de partager les résultats de la recherche scientifique, d’annuler la dette contactée impossible à rembourser, de mettre en pratique une véritable solidarité.