SALUT L’ARTISTE !!!!

ON PENSE À TOI, JEAN FERRAT !!!!

Partager cet article facebook linkedin email

Article proposé par Maïté CHAUVETON :
COLLECTIF MEMOIRE DES RELATIONS FRANCO-CUBAINES.

Il y a dix ans un Grand de la chanson française nous quittait : JEAN FERRAT, qui est venu à Cuba en 1967.

Il m’a semblé intéressant de rechercher comment les Cubains l’ont reçu et ce qu’il a représenté pour eux.

C’est grâce à FREDERIC MASSAGA de GRANMA INTERNATIONAL qui a recopié à la main, puis à l’ordinateur, les archives de deux articles du journal GRANMA parus à cette occasion, que nous avons pu satisfaire notre curiosité et vous en faire profiter. Bonne lecture !

(Maïté)

Article 1 : Jean Ferrat - UN ARTISTE QUI DOMINE LA SCENE :

(Par Omar Vasquez du journal Granma, La Havane, 25 MAI 1967 - Traduction Maïté)

Grand, costume noir, chemise bleue, une voix magnifique, occupant toute la scène, c’est Jean Ferrat, un chanteur français qui se présente au théâtre « Amadeo Roldan ». Les vingt chansons qu’il va interpréter pendant une heure de récital, sont belles. Le choix ne pouvait pas être meilleur : les paroles sont celles des poètes ARAGON, COULANGES, MASSOULIER et SENLIS, et de lui-même JEAN FERRAT.

Le succès de cette première, qui va d’ailleurs l’accompagner pendant toute sa tournée parmi nous, est la preuve que JEAN FERRAT a conquis le cœur des Cubains, qui ont vibré avec la chanson « 400 enfants noirs » et « un enfant quitte Paris ».

Pendant une heure, Jean Ferrat a interprété des chansons qui ne sont pas faites « pour passer le temps », mais pour chanter l’amour, les luttes et l’espoir de l’homme. Il s’est mis le public dans sa poche. Avec son style sobre, sa belle voix et ses chansons qui disent toujours quelque chose, ...... quelque chose qui donne de la joie ou nous invite à penser.

C’est bien de la « chanson engagée », qui, en plus dans le cas de Jean Ferrat, est authentique et en plus, avec un accompagnement musical adapté. Aucune de ses interprétations ne laisse indifférent.

JEAN FERRAT est un de ceux qui pensent que la musique est plus qu’un simple passe-temps. Et il l’a exprimé avec un grand talent musical. La beauté de ses chansons, de la mélodie est de notre temps. Dans le vieux théâtre de Calzada y B, dans le Vedado, c’est encore une grande présentation de Jean Ferrat, récital d’un grand interprète, doté d’un indubitable bon goût.

Article 2 : A TREIZE MILLE PIEDS D’ALTITUDE, JEAN FERRAT NOUS PARLE :

(De Omar Vasquez, Cuba le 1er JUIN 1967 - Traduction Maïté)

De La Havane à Santiago, le ciel est clair, bleuté. Pendant deux heures, l’avion se déplace tout au-long de l’île. En dessous, entre les nuages, le vert intense de nos champs, sur le côté la mer. Le soleil qui filtre par les hublots illumine la haute silhouette de JEAN FERRAT. Nous bavardons avec lui :

« Les motifs qui m’ont poussé à voyager à Cuba, dit-il, c’est voir votre Révolution socialiste et l’intérêt pour connaître la première révolution socialiste en Amérique.

Je dois signaler que Cuba est le premier pays socialiste que je visite. Avant de venir à Cuba, j’avais l’impression que, du fait de la nature des Cubains, tout allait bien marcher. Et que tout cela me donnerait l’opportunité de voir la véritable réalité de ce qu’est le socialisme.

À Cuba, j’ai trouvé tout ce que j’espérais, la chaleur humaine et une grande générosité et partant de là, j’ai pu me rendre compte que les gens sont vraiment heureux. À première vue, ils doivent lutter pour quelque chose et ça transmet de l’enthousiasme. Durant mon court séjour ici, c’est ce qui m’a le plus impressionné ».

Nous regardons Jean Ferrat se déplacer dans l’avion. Grand, brun, mince, absorbé cherchant à localiser à travers le hublot le paysage de Playa Giron.

« Le contenu des chansons que j’interprète, poursuit-il, est en premier lieu un moyen d’expression de lutte. Je pense à toutes les choses de notre vie actuelle et pour cela je chante pour exprimer les bonnes choses et les mauvaises qu’il y a en elle. À travers du message de mes chansons, je donne aux gens ce que je peux leur donner ».

Les montagnes de l’Escambray se profilent par les hublots.

« L’histoire de la vieille dame indigne est extraordinaire : c’est une femme qui se marie tôt à vingt ans et n’attend pas des années avant d’avoir trois ou quatre enfants qui vous occupent vos journées, entre les courses et la vaisselle, entre ménage et déjeuner, le monde peut battre de l’aile, on n’a pas le temps d’y penser. Quand toute une vie se résume en millions de pas insignifiants, faut-il pleurer, faut-il en rire ? ».

Maria Luisa, la charmante hôtesse de l’air, vient nous aviser de l’approche de turbulences, nous obligeant à attacher nos ceintures. Rien de grave, le voyage se poursuit.

« Tout le monde dénonce la guerre que fait le gouvernement nord-américain au Vietnam. En tant que membre actif du COMITE FRANCAIS CONTRE LA GUERRE DU VIETNAM, je lutte avec tous les moyens que je peux pour que cette guerre injuste prenne fin. Tout comme cela s’est passé lors de la guerre d’il y a quinze ans avec les forces colonialistes françaises au Vietnam, les agresseurs nord-américains seront aussi déroutés par le courageux peuple vietnamien.

Les artistes qui m’intéressent sont Amalia Rodrigues, Ella Fitzgerald, Harry Belafonte, Isabelle Aubret, Alfred Dellier, et d’autres artistes étrangers. Et j’aime aussi tous ceux qui sont les héritiers de l’esprit de la chanson française, Brel, Montand, Ferré, Brassens et d’autres. J’apprécie ces compositeurs interprètes parce qu’ils sont les continuateurs du chant de la vie des paysans, des ouvriers, de la Révolution française. Dans mon pays il y a un proverbe qui résume toutes ces idées : En France tout se termine par des chansons ».

CHRISTINE SEVRES, l’épouse de JEAN FERRAT, rejoint notre groupe.

« Je considère Christine comme la meilleure interprète que j’ai connue en raison de sa personnalité. Ses chansons sont très difficiles, si elle ne s’est pas présentée à Cuba, c’est parce qu’elle n’a pas apporté son répertoire ».

On commence à longer la Sierra Maestra.

« J’ai lu sur la Révolution cubaine, les récits des évènements de la Moncada, de Granma, de la Sierra Maestra, jusqu’à l’époque actuelle. La personnalité et l’histoire du commandant FIDEL CASTRO est quelque chose d’exceptionnel. C’est quelqu’un qui a toujours eu foi dans la lutte et les idéaux auxquels il a cru ».

Nous descendons. La baie de Santiago inonde le paysage. Quand l’avion se pose sur la piste de l’aéroport ANTONIO MACEO, JEAN FERRAT conclut son interview :

« LA CHALEUR DU CLIMAT DE CUBA, N’EST RIEN DEVANT LA CHALEUR DE SON PEUPLE ».

Mémoire des relations franco-cubaines vous propose ci-dessous 3 photos prises pendant son voyage, ainsi que les paroles des 3 chansons que Jean FERRAT a composées sur Cuba.

Cuba si

Paroles d’Henri Gougaud Musique de JEAN FERRAT

La nuit quand je m’en vais à rêve découvert
Quand j’ouvre mon écluse à toutes les dérives
Cuba dans un remous de crocodile vert
Cuba c’est chez toi que j’arrive

Je rencontre un vieux nègre aux yeux de bois brûlant
Assis devant la mer grain de café torride
Le front dans le soleil il me montre en riant
Là-bas, les côtes de Floride

[Refrain]

Cuba, Cuba, Cuba si
Cuba, Cuba si
Cuba, Cuba, Cuba si
Cuba, Cuba si

Il dit j’ai vu Harlem il dit j’ai vu New-York
Et noir j’avais si peur devant les chiens à nègres
Que j’aurais préféré la peau rose d’un porc
Collée sur ma poitrine maigre

Et maintenant Cubain pauvre comme Cuba
Je suis libre et ma femme à la couleur du sable
S’il n’y a rien à manger on danse la conga
Mais les chiens restent sous la table

[Refrain]

Adieu Cuba adieu mon rêve à la peau brune
Mes éperons d’argent sonnent sur tes galets
Et mon cheval rêvé qui renifle la lune
Piétine déjà l’eau salée

Que je devienne un jour un vieux singe ridé
Que le ciel de Cuba se brise comme verre
Je sais que l’on peut vivre ici pour une idée
Mais ceci est une autre affaire

[Refrain]


Paroles de Les Guérilleros

Jean Ferrat

Avec leurs barbes noires
Leurs fusils démodés (bis)
Leurs treillis délavés
Comme drapeau l’espoir(bis)

Ils ont pris le parti
De vivre pour demain
Ils ont pris le parti
Des armes à la main
Les guérilleros

S’ils sont une poignée
Qui suivent leur chemin (bis)
Avant qu’il soit demain
Ils seront des milliers (bis)
Il y a peu de temps
Que le nom des sierras
De tout un continent
Rime avec Guevara
Les guérilleros

Ce qu’ils ont dans le cœur
S’exprime simplement (bis)
Deux mots pleins de douceur
Deux mots rouges de sang (bis)
Cent millions de métis
Savent de quel côté
Se trouve la justice
Comme la dignité
Les guérilleros

Deux petits mots bien lisses
Qui valent une armée (bis)

Et toutes vos polices
N’y pourront rien changer (bis)

Mes frères qui savez
Que les plus belles fleurs
Poussent sur le fumier
Voici que sonne l’heure
Des guérilleros


Paroles de À Santiago de Cuba

Jean Ferrat

À Santiago de Cuba
À Santiago de Cuba

Le carnaval nous entraîne
Quatre nuits sans perdre haleine

 

L’orgue oriental se déchaîne
Et moi qui danse comme un troène

À Santiago de Cuba

Le rhum qui coule du tonnerre
La serviette en bandoulière
J’avais l’air de quoi ma mère
Moi, moi qui danse comme une soupière

C’était dur
À Santiago de Cuba

Un sombrero fantastique
Un cigare astronomique
La musique, la musique
Et moi qui danse comme une barrique

C’était très dur
À Santiago de Cuba

Les petits seins des métisses
Du miel et du pain d’épice
Je côtoie des précipices
Et moi qui danse comme une saucisse

Allez mon vieux, faut tenir, hein
À Santiago de Cuba.


Portfolio