Culture et Révolution ...

Par Abel PRIETO

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Ci-après la traduction de l’article d’Abel Prieto, paru le 4 décembre dans le quotidien Granma. Merci à Gloria Gonzales Justo.
Un texte écrit à la lumière des dernières tentatives de déstabilisations organisées par un groupuscule de contre-révolutionnaires, financés par les États-Unis, auxquels se sont joints dans un premier temps de jeunes artistes mécontents de leurs conditions.

C u l t u r e

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R é v o l u t i o n

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Beaucoup (la plupart) de ceux qui se sont rassemblés le 27 novembre devant les portes du ministère de la Culture ont été influencés par l’atmosphère créée sur les réseaux. Peu de gens savaient ce qui s’était réellement passé à San Isidro et ses protagonistes. Peut-être que certains d’entre eux ont eu une mauvaise expérience ou une autre et se sont sentis blessés.

Photo : Le blason, œuvre d’Alexis Leyva Machado (Kcho) - Archives de Granma

Ce n’est pas un hasard si le 20 octobre a été choisi comme Journée de la culture cubaine. Je me souviens de la fierté d’Armando Hart lorsqu’il rappelait la transcendance du fait que la date à laquelle l’hymne de Bayamo avait été chanté pour la première fois avait été choisie pour rendre hommage aux hommes et aux femmes qui sont les acteurs de la vie culturelle du pays. C’est ainsi – disait Hart – qu’avait été synthétisée, de la meilleure manière qui soit, l’identification organique entre nos créateurs et les idéaux patriotiques, anti-esclavagistes et anticoloniaux de 1868, enrichis plus tard par Marti, Mella, Guiteras et Fidel.

La Révolution triomphante de 1959 a reçu un soutien enthousiaste de l’écrasante majorité des artistes et des écrivains cubains. Beaucoup, y compris ceux qui vivaient à l’étranger, sont revenus sur l’Île pour participer à la construction d’un monde nouveau.

Malgré l’agressivité des États-Unis qui a débuté très tôt, à travers des pressions et des menaces, des attaques, des bombes, le financement de bandes armées et une campagne médiatique féroce, le gouvernement révolutionnaire n’a pas négligé la promotion de la culture : il a fondé l’Icaic, la Casa de las Américas, l’Imprimerie nationale et la première école d’instructeurs d’art et mené la Campagne d’alphabétisation.

Selon Alejo Carpentier, le temps de la solitude s’était achevé pour l’écrivain cubain pour laisser place au temps de la solidarité. Il faut savoir que La Révolution a formé un public de masse, avide d’arts et de lettres. De plus, elle a donné un espace aux expressions les plus authentiques et les plus discriminées des traditions populaires et aux recherches les plus audacieuses dans les différents genres artistiques.

Incapables de percevoir les liens d’une telle profondeur entre culture et Révolution, les Yankees se sont obstinés à organiser des groupes de « dissidents »dans les milieux intellectuels, mais ils ont échoué maintes et maintes fois.

Le cas d’Armando Valladares est le fruit de cette exaspération : ils l’ont exhibé face au monde comme un poète infirme prisonnier de conscience. Ils ont même publié un livre de poèmes à grand renfort de publicité avec un titre dramatique : Desde mi silla de ruedas (Depuis mon fauteuil roulant). Or, ce n’était ni un poète ni un paralytique (il a monté alertement les escaliers de l’avion lorsqu’il a été gracié). Il avait, par contre, un passé trouble de policier de la tyrannie de Batista et avait été sanctionné pour des activités terroristes.

Aujourd’hui, bien des années plus tard, ils présentent un soi-disant « mouvement »(San Isidro), un soi-disant rappeur poursuivi pour outrage et une soi-disant grève de la faim d’une douzaine de soi-disant « jeunes artistes ». Ils ont été soutenus par une forte campagne dans la presse étrangère, dans les médias numériques payés pour la subversion, et pour agir sur les réseaux sociaux. Immédiatement, ils ont eu le soutien de Pompeo, Marco Rubio, Almagro et d’autres personnages.

Un étrange climat a été créé sur les réseaux sociaux, avec une charge émotionnelle intense visant à provoquer des expressions de soutien et d’appui moral face à une hypothétique injustice.

Comme l’ont étudié de nombreux analystes, faire appel aux émotions sur les réseaux entraîne les gens dans des communautés sentimentales transitoires et paralyse la capacité à raisonner, à juger et à vérifier où se situent les limites entre la réalité et la fiction.

Nombre de ceux – la plupart – qui se sont rassemblés le 27 novembre devant les portes du ministère de la Culture étaient sous l’influence de l’atmosphère créée sur les réseaux sociaux. Peu d’entre eux savaient ce qu’il s’était réellement passé à San Isidro et en connaissaient les protagonistes. Certains avaient peut-être vécu quelque mauvaise expérience et éprouvaient du ressentiment. Il me semble qu’ils voulaient dialoguer honnêtement avec l’institution.

D’autres – une minorité – participaient en toute conscience à un plan contre la Révolution. Ils ont utilisé les réseaux sociaux pour amplifier ce qui s’y passait et l’ont diffusé en altérant la réalité. Ils ont lancé de fausses nouvelles sur une répression imaginaire avec des gaz lacrymogènes, du gaz poivré et de prétendues embuscades contre les participants. Ils savaient qu’ils contribuaient par des mensonges à justifier la politique de Trump contre leur pays. Ils ne s’intéressaient au « dialogue » que pour en faire un scoop, un spectacle, et s’en attribuer la victoire. Certains devaient justifier l’argent qu’ils reçoivent.

Cependant, il convient de séparer clairement la bande dessinée des marginaux de San Isidro de ce qu’il s’est passé au ministère de la Culture. Dans le second cas, il y a des jeunes plein de valeur qui doivent être entendus.

La politique culturelle de la Révolution a ouvert un vaste espace sans préjugés aux créateurs afin qu’ils puissent réaliser leur œuvre en toute liberté. Il est vrai qu’il y a eu des erreurs, des malentendus et des maladresses, mais le processus révolutionnaire lui-même s’est chargé de les rectifier.

Les institutions, avec l’Uneac et l’association Hermanos Saíz, restent ouvertes à un débat franc avec les artistes et les écrivains. Si, pour une raison quelconque, le dialogue s’interrompt, il existe des canaux de communication appropriés pour le reprendre.

Il est tout à fait légitime de dialoguer sur la manière de consolider les liens entre les créateurs et les institutions, sur certaines manifestations expérimentales de l’art qui n’ont pas encore été suffisamment comprises, sur la fonction critique indispensable de la création artistique, sur le « tout est bon » de la vision post-moderne, sur la liberté d’expression et sur bien d’autres thèmes.

Ce qui n’est pas légitime, c’est le non-respect de la Loi, la prétention d’utiliser le chantage contre les institutions, d’outrager les symboles de la Patrie, de chercher la notoriété par la provocation, de participer à des actions payées par les ennemis de la nation, de collaborer avec ceux qui travaillent à la détruire, de mentir pour s’associer au chœur anticubain sur les réseaux, d’attiser la haine.

En pleine crise mondiale causée par la pandémie et le néolibéralisme global, Cuba subit en même temps un harcèlement sans précédent de la part des États-Unis. C’est la raison pour laquelle ce moment a été choisi pour financer des spectacles qui offrent une image défigurée du pays.

Tout créateur, ayant des objectifs légitimes, qui s’adressera aux institutions trouvera des interlocuteurs disposés à l’écouter et à le soutenir. Il ne saurait y avoir de dialogue possible avec les charlatans.