La langue française à Cuba : raisons d’espérer

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Quelqu’un a dit que le pays qui a le plus influencé l’histoire de Cuba et sa culture, après l’Espagne, fut la France. C’est une affirmation réelle à travers les cinq siècles écoulés depuis l’arrivée des Européens en 1492.

La langue française à Cuba : raisons d’espérer

 

L’empreinte de la présence française à Cuba est évidente. L’Île a été une terre d’asile pour les Français à partir du XVIIIe siècle, notamment après les évènements de la révolution haïtienne. Ils se sont établis à travers tout le pays à partir de 1791 ; ils ont transformé Santiago de Cuba, ils ont planté des caféiers dans les montagnes de la région orientale et, dans leur expansion, ils se sont enracinés en différents endroits de l’Île, d’une beauté exceptionnelle. De plus, ils ont fondé la ville de Cienfuegos dans la région méridionale du centre du pays. Ils ont développé le commerce dans la ville de Matanzas et ont fait bâtir des villas splendides dans les plantations de café des régions de La Havane et de la Sierra del Rosario, à Pinar del Río, à l’extrémité ouest.

Ils se sont implantés dans les montagnes environnantes de Santiago de Cuba, ont construit des plantations, des villas, des aqueducs ingénieux et des chemins carrossables. Ils ont fondé leur propre quartier à Santiago de Cuba, le Tivoli. Les esclaves noirs qui vinrent avec leurs maîtres apportèrent leur musique, leurs chants, leurs danses et ils ont créé les « tumbas » françaises où ils dansaient en imitant les dames et les messieurs français mais au son des instruments à percussion. C’est devenu Patrimoine immatériel de l’Humanité par l’UNESCO.

La bourgeoisie cubaine avait une prédilection marquée par le raffinement français, mobilier et ornements dans les superbes demeures de La Havane et les villes principales, ils voulaient vivre « à la française ».

Les élites de l’époque apprenaient le français car cette langue était une marque de distinction.

Déjà au XIXe siècle et sous la République, le français s’étudiait avec l’anglais, qui gagnait progressivement du terrain à cause notamment de la présence étasunienne dans tous les domaines de la vie du pays. La création de l’Alliance Française en 1952 à La Havane a été fondamentale pour maintenir l’influence du français dans le pays.

L’anglais s’est imposé comme première langue étrangère mais le français était aussi une option dans certaines carrières universitaires et était enseigné même dans les filières d’humanités au niveau du baccalauréat.

En 1959 le triomphe de la révolution entraîne un énorme essor culturel dans le pays où le fléau de l’analphabétisme a été éliminé et on a connu un boom de l’apprentissage des langues étrangères dont le français, toujours après l’anglais.

Dans les années soixante du siècle dernier le français a cédé sa place à l’étude du russe dans le système éducatif, fondamentalement au niveau du pré-universitaire. Par contre, le français gardait une place de choix dans les académies de langues du Ministère de l’Éducation ainsi que dans les écoles d’art, et dans certaines filières universitaires : facultés de biologie, de droit, etc.

La langue russe a disparu de l’enseignement secondaire au début des années 90, mais la crise économique profonde que traversait le pays n’a pas permis la relance en force du français dans l’enseignement général. Malgré cela, la langue française est redevenue, de fait, la deuxième langue étrangère. Plusieurs facultés universitaires ont inclus le français dans leurs cursus ; la Faculté des Langues étrangères de l’Université de La Havane forme des spécialistes en français, de même que l’Université pédagogique E.J.Varona et plus de six universités dans le pays forment des professeurs de français, avec l’Alliance Française de Cuba et ses 4 sièges (3 à La Havane et 1 à Santiago de Cuba), le réseau des académies de langues du Ministère de l’Éducation et certains instituts supérieurs (Relations internationales, Arts, etc, ) sont autant d’institutions où le français est enseigné avec succès.

Cuba est un pays largement scolarisé, avec l’éducation obligatoire jusqu’au niveau secondaire. Il existe une volonté politique pour le développement du français comme deuxième langue étrangère, mais la formation de professeurs n’est pas suffisante et les moyens techniques font défaut.

Depuis quelques années, la France a établi un projet FSPI solidaire ayant pour but de contribuer au développement du français dans le supérieur, avec l’appui de l’ambassade de France à Cuba, de l’Alliance Française de Cuba et avec la participation des partenaires cubains du Ministère de l’Éducation supérieure et du ministère de l’Éducation. Ce projet prévoit l’introduction du français progressivement au niveau du préuniversitaire et la formation de professeurs au niveau universitaire. Pour ce faire, des fonds importants ont été alloués pour l’achat de manuels et d’autres moyens techniques ainsi que pour l’organisation de stages de formation de professeurs en France et à Cuba.

Notre Association des professeurs de français (GELFRA-Cuba) bénéficie de subventions des services culturels de l’ambassade de France pour aider à organiser des colloques annuels réunissant à chaque occasion environ 200 professeurs de l’Île appartenant à toutes les institutions où le français est enseigné.

La parenthèse obligatoire imposée par la pandémie du Covid-19 nous a obligés à concevoir des stages régionaux de formation à distance ainsi que des cours en ligne pour des dizaines de professeurs et des centaines d’élèves désireux de faire avancer la langue française dans le pays.

Notre Association a signé un accord de Collaboration avec Cuba Coopération France. Les professeurs cubains de français sont reconnaissants de l’aide solidaire que Cuba Coopération nous apporte. Elle est devenue aussi l’un de nos partenaires privilégiés.

 

Felino Martinez

Président GELFRA-CUBA

Grupo de Especialistas en Lengua Francesa de Cuba. Membre de l’Association des Linguistes de Cuba.

Membre actif de la FIPF