Les muses du Terry

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Par Laura Brito Alsina, historienne et journaliste à Fernandina Radio, la Voix du bureau du Conservateur de la Ville de Cienfuegos.

Nous reprenons aujourd’hui un article sur les travaux qui ont rendu la vie aux trois mosaïques qui ornent la façade de l’immeuble et publié dans l’Hebdomadaire 5 de septembre 2018 et dans Bitácora de Jagua année 5 N°5. Nous en remercions Cuba Coopération France, c’est un exemple de la crédibilité de la collaboration internationale en tant que pilier pour avancer dans nos objectifs.

Février est bien connu pour être le mois de l’amour et de l’amitié mais si tu es de Cienfuegos, il est certain qu’en février tu te souviens de notre colisée. Le Théâtre Tomás Terry fêtera en ce mois de février son 131ème anniversaire, encore plongé dans un difficile et rigoureux processus de restauration qui a duré plusieurs années.

Le Théâtre Tomás Terry est, par excellence, un des joyaux de la culture de Cienfuegos et le plus caractéristique de l’architecture du XIXème siècle dans la ville. Il exhibe sur son tympan des mosaïques de tesselles (NdT : petites pièces qui composent les mosaïques) qui représentent trois des neuf muses de la mythologie grecque : Melpomène, Euterpe et Thalie. Placées dans cet ordre, elles symbolisent respectivement la Tragédie, la Musique et la Comédie.

Mais le génie de ses créateurs se trouve dans les éléments qui composent cette image : les pièces, petits fragments de matériaux nobles comme le marbre et le calcaire, très utilisés dans l’antiquité par les grecs et d’autres civilisations. Son évolution fut marquée à partir de l’époque romaine deux siècles avant J.C. avec la nécessité de nouvelles couleurs pour les composer.

La difficulté était de trouver à l’état naturel des tons comme le bleu, le vert intense et le jaune. Ce furent les phéniciens qui avancèrent dans l’obtention du bleu et qui introduirent le verre pour élaborer les petits carrés.

Cienfuegos, toujours à l’avant-garde des nouvelles tendances s’enorgueillit de posséder ses propres exemplaires de ces cultures. Vu leur importante dégradation, les muses du « Terry », il y a quatre ans, ont retenu l’attention des autorités culturelles et politiques du territoire. Avec Bernard Montagne, représentant de Cuba Coopération France à Cienfuegos, on élabora le projet qui, en ce moment, redonne une nouvelle vie aux mosaïques vénitiennes du Théâtre.

Pour en savoir un peu plus sur le sujet, j’ai parlé avec Verdiano Marzi, artiste franco-italien qui dirige un groupe de restaurateurs et d’étudiants de l’Ecole des Métiers pour la Restauration Joseph Tantete, à propos du travail sur ces fresques.

Selon cet expert, « il est connu que ce type de mosaïque était utilisée uniquement dans des lieux sacrés. Ce théâtre est un symbole de la ville de Cienfuegos car très important pour elle ». C’est pour cela que « sa présence sur la façade de ce lieu, avec vue sur la place centrale, constitue la présence culturelle face à l’enclave politique qu’est le Gouvernement et à côté de l’élément religieux, la Cathédrale. C’est aussi la culture qui se trouve à l’opposé de la place avec l’Arc des Ouvriers, un symbole de la République. Une union sociale qui est très nécessaire ».

Né dans la cité historique de Ravena où l’empreinte artistique est très forte, Marzi commenta que « ce qui est intéressant c’est qu’une œuvre d’art comme celle-ci se révèle importante pour toute l’humanité. Je me souviens de la phrase d’un ministre communiste qui disait « qu’un peuple qui n’a pas de mémoire est un peuple qui ne sait pas où il va ». C’est peut-être pour cela qu’il n’hésita pas à venir dans ce coin de l’île pour rendre sa beauté à notre colisée. Et il poursuivit : « S’il a fallu quatre années depuis le premier contact avec les mosaïques de Cienfuegos, ce fut précisément pour parvenir à obtenir tout ce qui nous était nécessaire. Et vraiment, les lauriers reviennent à Cuba Coopération France. Ce fut dès le début une idée de collaboration avec les jeunes cubains ».

«  La qualité de ces jeunes est très grande et leur appétit pour apprendre est très attrayant. Pour réaliser un travail de restauration, il faut de l’exigence. C’est cela, mon rôle. Je ne le dis pas pour moi-même sinon que ce sont des règles universelles qui fomentent une meilleure attention et une meilleure connaissance. Et ce qui est important dans cette coopération c’est que dans le futur vous saurez vous-mêmes réaliser ce type d’intervention.
En ce moment, nous commençons à placer les premières tesselles restaurées. Nous travaillons de concert sur les trois mosaïques en même temps et nous espérons les terminer bientôt. Pour moi, c’est une leçon de vie ».

Conservateur Millán Cuétara :
Excellent et très juste article qui valide pour toujours l’excellent sauvetage des exceptionnelles mosaïques vénitiennes et qui ont tant de valeur. Cette action fut un miracle parrainé et accompagné tout du long par notre chère Association Cuba Coopération France, remarquable restauration dirigée par le fameux artiste et professeur Verdiano Marzi. C’est un privilège pour Cienfuegos de pouvoir matérialiser ce rêve avec ses jeunes de l’Ecole des Métiers du Bureau du Conservateur. Eternelle gratitude à Cuba Coopération, aux jeunes de l’Ecole, à la Direction de la Culture, au Théâtre Tomás Terry. A tous, Cienfuegos vous est reconnaissante.

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