Cuba : lutter contre la violence de genre

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Un article publié sur le site CCFD TERRE SOLIDAIRE. (Comité Catholique contre le Faim et pour le Développement - Terre Solidaire)

Depuis soixante ans, l’État cubain a mis en place des mesures visant à renforcer l’égalité de genre dans la société cubaine.

Le pays compte parmi les plus égalitaires au monde, occupant la 31e place en matière d’égalité femmes-hommes selon le Global Gender Gap Report de 2020. Mais le patriarcat résiste.

Cuba : lutter contre la violence de genre

’Stop au harcèlement et aux violences sexuelles’, campagne du Centre Oscar Arnulfo Romero, partenaire du CCFD-Terre Solidaire 

L’emploi d’État garanti, assorti de protections sociales en matière d’éducation, de santé, de logement, ont considérablement amélioré la condition féminine à Cuba. Malgré ces avancées, le patriarcat persiste notamment dans la sphère domestique qui maintient les femmes dans un seul rôle reproductif et familial. Et dans les foyers, la violence perdure. Selon l’enquête nationale sur l’égalité des sexes réalisée en 2016, 39,6 % des femmes interrogées ont subi des violences conjugales, tandis que 26,7 % ont déclaré avoir été victimes d’abus au cours des 12 derniers mois. Ces violences s’observent sous toutes ses formes, quels que soient le niveau social et économique, l’orientation et l’identité sexuelle.

Pour lutter contre ce machisme, le Centre Oscar Arnulfo Romero (OAR, partenaire du CCFD-Terre Solidaire), institution d’inspiration chrétienne, mène depuis 2004 une campagne annuelle contre les violences de genre qu’elle considère comme l’un des plus grands défis de justice sociale dans un pays en pleine mutation économique et sociale. Pour y faire face, le Centre privilégie le travail sur l’équité sociale, les masculinités, les spiritualités. De nombreuses communautés, organisations sociales et institutions universitaires y participent.

La prise de conscience est d’autant plus forte que ces violences révèlent aussi des inégalités structurelles que l’État n’est pas parvenu à éradiquer, 60 ans après la révolution.

Ces violences, qui jusque-là étaient ignorées ou peu documentées, deviennent visibles grâce à cette campagne. En 2019, pour la première fois, le rapport national sur le développement durable à l’horizon 2030 mentionnait les féminicides. La prise de conscience dans la société cubaine est d’autant plus forte que ces violences révèlent aussi des inégalités structurelles que l’État n’est pas parvenu à éradiquer, 60 ans après la révolution.

Déconstruire les normes de séduction hétéronormées et machistes

Aujourd’hui, la campagne d’OAR : Evoluciona (Évolue !) s’adresse principalement aux jeunes afin de transformer les représentations sociales. Diffusée sur les réseaux sociaux depuis l’instauration de la 3G à Cuba fin 2019, elle reprend les codes de communication de la jeunesse et déconstruit les normes de séduction hétéronormées et machistes. Par l’humour et l’inversion des rôles dans les espaces publics, Evoluciona veut démontrer aux jeunes hommes que « le harcèlement les renvoie à l’âge de pierre ». Les réseaux sociaux et la télévision, deux grands vecteurs de reproduction et de diffusion des stéréotypes de genre, constituent des moyens innovants pour s’adresser à une jeunesse en pleine mutation culturelle.

Les réseaux sociaux et la télévision, vecteurs de reproduction et de diffusion des stéréotypes de genre, sont des moyens innovants pour s’adresser à une jeunesse en pleine mutation culturelle.

Sur le plan local, OAR s’appuie également sur l’Articulation des jeunes pour l’équité, réseau de jeunes militants, pour œuvrer à la transformation des imaginaires sociaux. L’analyse du travail de l’association sur le terrain montre que pour changer les mentalités sexistes, il est primordial de travailler avec les hommes. OAR a ainsi constitué la plateforme des hommes cubains pour la non-violence, fer de lance de la réflexion sur les masculinités toxiques.

Depuis plusieurs années, le néofondamentalisme religieux à Cuba et son emprise sur les représentations sociales de la famille met en péril les avancées en matière d’équité de genre. Pour notre partenaire, il est essentiel de continuer à former les acteurs sociaux afin de les sensibiliser aux inégalités sociales. Surtout dans un contexte de renforcement du blocus commercial et financier américain contre Cuba qui creuse davantage ces inégalités.

Peu à peu, le travail d’OAR porte ses fruits et la visibilité des débats sur la violence de genre progresse dans l’espace public. Ainsi l’État a annoncé la volonté d’avancer dans la protection des victimes de violences sexistes en légiférant et en intégrant cette problématique dans toutes les institutions publiques.

Par Jules Girardet, chargé de mission Cuba, Haïti et République dominicaine et Amazonie brésilienne

Les violences domestiques en temps de confinement

Pendant le confinement strict dû à la pandémie de Covid-19, OAR a réorienté ses messages afin de lutter contre l’augmentation des violences domestiques. La campagne Evoluciona a été principalement diffusée en ligne, sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels, en intégrant le harcèlement digital. Dans un pays où l’accès à Internet reste limité, ce fut un défi pour l’association d’aider plus de 200 femmes victimes de violences domestiques.