Une bouffée d’air frais pour le maïs

Partager cet article facebook linkedin email

À Sancti Spiritus, la culture du maïs est répartie dans les huit municipalités de cette province, mais la zone nord représente environ 40 % de la production totaleEn 2020, les producteurs de la la Coopérative Juan Darias ont réussi à produire 15 000 quintaux de maïs hybride transgénique.

Photo : Avec l’aimable autorisation du CIGB de Sancti Spiritus

YAGUAJAY, Sancti Spiritus.— Le séchoir à grains moderne construit il y a quelques années dans la localité d’Iguara pourrait être oublié, un peu comme un navire échoué au milieu de l’Île, à en juger par le déclin que connaît depuis quelque temps la production de haricots dans l’un des pôles les plus importants du pays : la bande allant des communes Général Carrillo, à Villa Clara, à Florencia, à Ciego de Avila, qui comprend tout le sud de Yaguajay et la zone nord de Cabaiguan et Taguasco, dans la province de Sancti Spiritus.

Les vieux producteurs de la région affirment que les haricots y « poussent comme de la laitue », en grande partie grâce aux pluies tardives qui surviennent en hiver, – qui arrivent comme une bénédiction pour cette légumineuse, malgré l’existence ou non de l’irrigation artificielle.

Cependant, ce qui jusqu’à hier était considéré comme une véritable mine d’or pour les agriculteurs de Jarahueca, Itabo, Iguara, Venegas, Perea et Mayajigua Sud, est devenu aujourd’hui une épreuve redoutable avec le fléau du Thrips des fleurs de l’Est, un parasite aussi nuisible que le marabu lui-même (espèce exotique envahissante), qui, combiné au manque de produits chimiques pour le combattre, a mis en échec la production de haricots dans la région.

« C’est le maïs qui nous sauve », affirme Pablo Enrique Cabrera, directeur du séchoir d’Iguara, une fabrique prometteuse (en plus d’éliminer l’humidité, elle nettoie, assure la brillance du grain et le conditionne en différents dosages) ; la saison dernière elle a traité plus de 4 500 tonnes de cette céréale, en provenance notamment d’entreprises de la municipalité, mais aussi de Villa Clara, de Matanzas, y compris de la lointaine province de Mayabeque.

À Sancti Spiritus, la culture du maïs est répartie dans les huit municipalités de cette province, mais la zone nord assure environ 40% de la production totale, à laquelle s’ajoute une exclusivité dans la Coopérative de crédit et de services (ccs) Juan Darias, de Jarahueca : l’extension à grande échelle dans cette région du maïs dit hybride transgénique cubain (mhtc), une réalisation de la biotechnologie de l’Île appelée à révolutionner la production de cette graminée dans le pays.

AU POLYGÔNE DE JARAHUECA

De cette source inépuisable qu’est la sagesse paysanne, les Cubains ont répété, décennie après décennie, siècle après siècle, une sorte de proverbe à connotation météorologique selon lequel le changement climatique, malgré ses difficultés et ses aléas, pourrait modifier, voire faire disparaître du discours quotidien la phrase : « Plante le maïs d’avril et va dormir ; plante le maïs de mai et tu auras du fourrage pour ton cheval ».

Pedro Alvarez, un paysan astucieux et plein d’expérience, qui travaille la terre depuis des décennies et qui, dit-il, a même dû « apprivoiser la nature », ces dernières années en tant que président de la Coopérative de production agricole (cpa) 13 de Marzo, à Cabaiguan, plaisantait il y a quelque temps sur le manque de fiabilité du proverbe dans les circonstances actuelles : « Maintenant pour obtenir le maïs, il faut parfois le planter en juin ».

Par ailleurs, pour contrer les impondérables du climat, le Centre de génie génétique et de biotechnologie de La Havane a créé le prometteur mhtc, tolérant aux herbicides, avec un potentiel de rendement très élevé dans des conditions de culture idéales et aussi avec la vertu d’être très résistant à la teigne du maïs, le principal ravageur de ces cultures à Cuba.

Les paysans de Jarahueca, principale zone de culture transgénique de Cuba, sont très enthousiastes à propos de cette expérience. L’année dernière, quelque 350 hectares ont été ensemencés par 14 partenaires (en 2021, ils seront 21), et quelque 15 000 quintaux ont été récoltés, un chiffre sans précédent dans l’histoire de la région.

Reinel Tomé (Araña), Roberto Gonzalez Calzada, Renecito Aleman, William Leon et José Ramon Cuba, qui ont produit tous plus de dix hectares chacun durant la saison précédente et qui, à l’heure actuelle, préparent les conditions de la prochaine campagne, nous parlent du très bon accueil réservé à cette expérience :

– Y a-t-il un quelconque mécontentement concernant le prix d’achat aux producteurs ?, a demandé Granma au président de la ccs, Aldo Fortain, concernant la mise en œuvre de la Tâche de réorganisation dans le pays.

« Les insatisfactions ne portent pas sur le prix – 650 pesos par quintal – mais sur la valeur de certains intrants tels que les huiles, les carburants, les engrais et les pesticides. »

Lors d’une récente réunion avec les producteurs de la province pour « régler les derniers détails » de la Tâche de réorganisation, la ministre des Finances et des Prix, Meisi Bolaños Weiss, a transmis un message qui est certainement parvenu jusqu’aux champs de maïs de Jarahueca : « Nous ne voulons pas que quiconque produit essuie des pertes, parce que ce secteur (agricole) est le plus important dans la stratégie économique du pays et nous devons continuer à le soutenir afin de produire davantage. »

Avec des ventes totales l’année dernière qui se sont situées autour de 40 000 000 pesos, la Coopérative Juan Darias maintient son pari sur les céréales, et même au milieu de la débâcle des haricots, elle vise à fermer le cycle dans ses dépendances, où évoluent d’excellents éleveurs porcins qui, par exemple, l’année dernière ont généré des livraisons d’environ un millier de tonnes de viande.

« Nous sommes à même de fournir environ 14 000 porcs par an et nous pensons qu’avec le développement de la production de maïs et de soja que nous avons atteint ici, nous pourrions couvrir les deux cycles de reproduction en 12 mois, éviter les mouvements inutiles de ressources et gagner en efficacité », estime le président de la csc.

UNE PRODUCTION VULNÉRABLE

Le fait que les agriculteurs de Jarahueca et d’autres comme Félix Alvarez et Yoandy Rodriguez, à Cabaiguan, obtiennent de bons résultats avec le maïs transgénique cubain, tout en assurant un apprentissage continu dans la gestion de cette variété, ne signifie pas que les rendements de la culture au niveau provincial battent leur plein et que tout soit couleur de rose.

Pour Juan José Gonzalez Nazco, délégué de l’Agriculture à Sancti Spiritus, il est cependant très injuste de comparer les résultats obtenus par les producteurs qui ont expérimenté le maïs transgénique et les autres producteurs qui évoluent en dehors de la protection établie pour ce programme.

Tout d’abord, explique le délégué du Minag dans la province, « ici, 90% du maïs est cultivé sur terrains non irrigués, ce qui représente un premier désavantage, par exemple, par rapport aux producteurs de transgéniques de Batey Colorado, qui ont eu de l’eau et ont bénéficié du soutien d’un paquet technologique ».

En fait, bien qu’à Sancti Spiritus certains producteurs de maïs aient atteint et même dépassé les six tonnes par hectare avec le mhtc, le rendement moyen historique dans cette région avec les variétés traditionnelles n’atteint même pas une tonne par hectare.

Le territoire a réussi à produire jusqu’à 11 000 tonnes en un an – le plan pour l’année 2021 en cours est d’un peu plus de 5 000 – mais le maïs est classé comme une production oscillante, entre autres raisons, car il a la malchance de dépendre des nuages, du comportement des parasites et même du vent occasionnel.

Heureusement, le produit a été inclus dans la liste des produits agricoles qui seront subventionnés – prix d’achat fixé à plus de 14 000 pesos par tonne. Une décision qui représente sans aucun doute une bouffée d’air frais pour les cultures de maïs, surtout quand on sait que le pays a besoin de 900 000 tonnes en un an, et après avoir procédé à de nombreux calculs en 2020, le ministère de l’Agriculture a proposé de compléter les 100 000, un chiffre qui s’est également avéré trop ambitieux.