Chronique Culturelle

Tomas Terry : une vie, de Cuba à Chenonceaux

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L’ami Georges, qui se partage depuis trente ans entre Marseille et Cuba, me parlait récemment de Tomas Terry. Je lui proposais de partager son intérêt pour ce personnage étonnant avec nos lecteurs. Voilà c’est fait. Ph Mano

Lorsque l’on visite Cienfuegos pour la première fois on ne peut manquer d’aller voir le Théâtre Tomas Terry sans savoir qui se cache derrière le nom de son généreux mécène.

Théâtre Terry à Cienfuegos (photo Agnes Le Gouze)

Il pose le pied à Santiago en 1830, accompagné de son frère Antonio, fuyant le Venezuela où sa famille a tout perdu, victime d’un tremblement de terre qui a ravagé la ville de Caracas. Il a 22 ans, un maigre pécule réuni par sa famille et de solides recommandations auprès de familles d’origine françaises établies à Cienfuegos, nouvellement construite.

En fonction de ses moyens il va créer une petite affaire de transport, acheter quelques mulets et assurer l’acheminement, et surtout la protection, de marchandises et de personnes entre Cienfuegos et la ville de Santa Clara. Mais en 1837, il épouse Teresa Dortico, fille du gouverneur et l’un des fondateurs de la ville et cette union va changer sa position. Il va avoir accès à ce qui fait la richesse de l’île : la production de sucre. Intelligent et travailleur il va très vite prospérer et se retrouver quelques décennies plus tard à la tête d’un véritable empire comprenant des milliers d’hectares de plantations et de plusieurs raffineries, employant des milliers d’esclaves. A ce sujet il faut mentionner l’excellent livre de Miguel Barnet « Les Mémoires d’un Esclave » qui révèle que face à des propriétaires espagnols féroces, « le français » était aimé, il était l’ami des nègres Congo et les aidait, maigre compensation mais qu’il fallait citer. La plus importante de ses propriétés se nommait Caracas en souvenir de ses parents morts quelques années avant au Venezuela. Par ailleurs il fut le premier à amener l’’électricité sur l’île.

Tomas Terry à Paris

A la tête d’une famille composée de 12 enfants, il eut l’intelligence d’en envoyer certains aux États-Unis pour s’intéresser et investir dans des nouvelles technologies telles que le téléphone, l’électricité, et d’en envoyer d’autres en Europe pour investir dans l’immobilier. Cela lui vaudra le surnom de « Crésus Cubain ». Il laissera à sa mort une fortune de 50 millions de dollars, faisant de lui une des plus grandes fortunes mondiales.

Voyant les troubles survenant à Cuba et l’abolition de l’esclavage qui allait compromettre le fonctionnement de ses propriétés, il place à leurs têtes un de ses fils et, à l’âge de 74 ans, il se retire en France, avec son épouse. Il fait l’acquisition d’un somptueux hôtel particulier sur les Champs-Élysées et achète comme résidence secondaire… le château de Chenonceaux (dont peu de gens savent qu’il a appartenu à un Cubain ! )

Château de Chenonceaux

Il possédait tout mais lui manquait la considération et il s’efforça de marier ses filles avec des familles aristocratiques, Grands d’Espagne ou Prince Ruspoli en Italie et en France le Prince de Faucigny Lucinge, faisant d’Anémone Giscard d’Estaing la descendante directe de Tomas Terry...! Il eut aussi comme descendant Emilio Terry célèbre architecte-décorateur.

Tomas Terry meurt à Paris en 1886 et sera enterré au Père Lachaise, suivi par son épouse et certains de ses enfants.

Tombeau de la famille au Père Lachaise (photo Georges Bornand)