Une Vierge latino-américaine à Notre-Dame

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Dans le panorama rempli d’informations visuelles que constitue la cathédrale Notre Dame de Paris, une chapelle, parmi les 37 existantes, retient l’attention, celle consacrée à la Vierge de Guadalupe, la seule dédiée à une divinité pour la dévotion des Latino-Américains. Quelles furent les raisons de la présence de cette chapelle dans la cathédrale ? Depuis quand est-elle là ?...

L’article qui suit est une production de la Casa Victor Hugo à La Havane, très active, et qui continue à se développer sur les réseaux sociaux. Sur la page Facebook de l’institution, les abonnés peuvent trouver chaque semaine des contenus actualisés sur la culture française et son influence dans le contexte cubain. Yenia González, spécialiste de la bibliothèque Cosette, présente tous les mardis d’importantes approches de la littérature française, tandis que le dimanche Deivy Colina organise diverses publications sur les villes de France, leur histoire et leurs éléments culturels et patrimoniaux.

La visite de la cathédrale gothique Notre-Dame de Paris, -qu’a sauvée Victor Hugo de la démolition-, pour avoir apprécier son architecture, ses trésors historiques et patrimoniaux, est une aventure unique. Des milliers de touristes et de dévots se rassemblent dans ses galeries, salles, couloirs, tours, après des heures de longues files d’attente.

C’est une expérience personnelle d’apprécier et de se souvenir de ce qui peut être vu, une opportunité exceptionnelle. Il faut visiter la galerie avec ses 28 rois de Judée, chacun de 3,5 mètres de haut, les rosaces de 10 et 13 mètres de diamètre, l’orgue construit par Aristide Cavaillé-Coll, les beaux vitraux, la sculpture de « La Piedad », de Nicolas Coustou qui représente la Vierge Marie avec le corps inerte de Jésus sur ses genoux.

Les immenses tableaux « La Descente de l’Esprit Saint », « Saint Pierre guérissant les malades avec son ombre », « La Conversation de Saint Paul », « Le Beau Dieu », connu comme « Les Grand Mays », furent une révélation pour moi.

Dans ce panorama rempli d’informations visuelles, une chapelle, parmi les 37 existantes, a retenu mon attention, celle consacrée à la Vierge de Guadalupe, la seule dédiée à une divinité pour la dévotion des Latino-Américains. Quelles furent les raisons de la présence de cette chapelle dans la cathédrale ? Depuis quand est-elle là ?

La chapelle de « La Morenita del Tepeyac » est la cinquième du côté nord de la nef. Elle représente une mosaïque d’or, offerte par le gouvernement mexicain et faite expressément par l’atelier de mosaïque du Vatican.

En 1938, l’épiscopat mexicain demanda au Pape Pie XII l’autorisation de couronner la Vierge de Guadalupe de la Cathédrale Notre-Dame. Le pontife accepta et commença les démarches auprès du clergé parisien, mais le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale a retardé le projet mexicain de dix ans.

Après la fin de la guerre, le 26 avril 1949 est choisi pour effectuer le couronnement de la Vierge mexicaine. La couronne, fabriquée à Paris, est en or 18 carats avec des ornements de perles et d’émeraudes. Sa fabrication fut confiée aux Mellerio, considérés comme les meilleurs bijoutiers de l’époque. (Mellerio, dits Meller, est une maison de joaillerie française, fondée en 1613, et toujours en activité aujourd’hui.)

La décision a été prise après qu’un événement sans précédent se soit produit dans la cathédrale. Le 11 février 1931, la mexicaine María Antonieta Valeria Rivas Mercado Castellanos (1900-1931) entra dans la cathédrale parisienne, s’assit devant le maître-autel et se tira une balle dans le cœur. Certaines personnes pensent que l’événement s’est produit avec le pistolet du politicien José Vasconcelos, alors qu’il l’attendait dans un café voisin.

Selon les biographes d’Antonieta, elle était une femme aux multiples facettes, intelligente et passionnée, qui a consacré de nombreuses années de sa vie à promouvoir l’éducation, l’art et la culture mexicains, à soutenir les femmes et les enfants. Elle parlait anglais, français, allemand, grec et italien.

Fille de l’architecte Antonio Rivas Mercado, elle a financé de nombreux projets culturels, promu des expositions et traduit des pièces de théâtre en espagnol. Elle a soutenu des écrivains comme Andrés Henestrosa, Xavier Villaurrutia, Salvador Novo et Gilberto Owen, et les peintres Roberto Montenegro, Julio Castellanos et Manuel Rodríguez Lozano, entre autres. Elle a également fondé le premier théâtre indépendant du pays, « Ulises », et elle a formé et financé le conseil d’administration de l’Orchestre Symphonique National sous la direction de Carlos Chávez.

En 1918, Antonieta épousa l’anglais Albert Edward Blair, qui avait des tendances conservatrices et avait participé à la Révolution mexicaine. Le couple a commencé à avoir des différent et Antonieta retourna à sa maison paternelle et plus tard ils se séparèrent. Albert désapprouvait l’amitié de sa femme avec le peintre Diego Rivera. Après le divorce, Antonieta a demandé la garde de son fils.

Lorsque l’écrivain José Vasconcelos (1882-1959) lance sa carrière présidentielle en 1929, elle se consacre à soutenir sa campagne. Ils connaissent une relation amoureuse. Après la défaite de Vasconcelos, Antonieta s’exile successivement à New York et plus tard à Paris, où elle a travaillé comme écrivain et journaliste.

Les échecs dans le processus légal pour la garde de son fils et dans la campagne de Vasconcelos dans laquelle elle avait engagé des ressources financières personnelles, l’ont plongée dans une dépression croissante. Sa mort tragique dans la cathédrale parisienne a inspiré un livre et le film « Antonieta » (1982), réalisé par l’espagnol Carlos Saura et interprété par la française Isabelle Adjani. Du même nom, Fabienne Bradu a intitulé son livre et Kathryn S. Blair a publié « A l’ombre de l’ange ».

Diverses sources affirment que ce fait a directement motivé la construction de la chapelle de la Vierge de Guadalupe, avec l’envoi de la Vierge par le gouvernement mexicain. Depuis 20 ans, chaque 12 décembre, des guitares et trompettes mexicaines résonnent à Notre-Dame à la messe de la « Morenita del Tepeyac » jusqu’au 15 avril 2019, jour où un grand incendie a détruit une partie de cette église qui a résisté à tant d’attaques, interventions architecturales et troubles politiques pendant plus de huit siècles. La chapelle n’a pas été endommagée.