Les 70 ans de Juan Formell : toute une vie de musique

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JUAN Formell, le directeur du groupe de salsa Los Van Van vient d’avoir 70 ans. Ce jour-là, il n’y eut ni fête ni cérémonie ; il est resté en famille, tout simplement. Par contre, quelques jours plus tard, il a fêté son anniversaire en musique avec un grand concert à la Tribune anti-impérialiste, dans le cadre du Carnaval de La Havane.

L’occasion était parfaite pour faire le bilan de la vie de Juan Formell et de Los Van Van, de revenir sur les moments les plus importants de sa vie musicale.

Commençons par la famille Formell...

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Mon père, Francisco Formell Madariaga, est né en 1904 et il est décédé en 1964, juste au moment où je commençais ma carrière artistique. Il était instrumentiste, orchestrateur, compositeur, directeur d’orchestre et pianiste. Comme vous voyez, la musique coule dans mes veines.

Ma mère s’appelait Maria Magda Cortina. Elle est décédée en 1995. C’était ma conseillère ; c’est elle qui m’a acheté ma première guitare. À sa mort, j’ai ressenti un grand vide, car elle me comprenait parfaitement. Ensemble, nous sommes passés par des moments difficiles. Elle faisait des travaux de couture.

Dans quelle ambiance musicale avez-vous grandi ?

J’ai passé une partie de ma jeunesse à Cayo Hueso, dans Centro Habana, un quartier très musical, entouré de la musique inoubliable de Benny Moré, de l’orchestre Aragon, de Chapottin, des chansons du mouvement feeling, et des influences étrangères du rock and roll avec Elvis Presley, Bill Haley et ses Comètes.

Ensuite vous avez vécu à La Lisa, aux environs de Playa de Marianao, dans une zone également très musicale.

J’y ai fait mes premiers pas dans la musique, dans des bars et des petits cabarets de Playa de Marianao. Avec ma basse sur l’épaule, je me suis lancé dans la vie nocturne. C’était la zone la plus authentique de la musique où l’on pouvait croiser le joueur de bongo El Chori, que Marlon Brando venait écouter. C’est à cette époque que j’ai appris la clave du son que m’a tant aidée par la suite.

En ce temps-là, les conservatoires de musique n’existaient pas...

C’est pour cela que j’ai dû apprendre avec plusieurs professeurs, dans des cours spéciaux avec des musiciens de haut niveau comme Idilio Urfé, Félix Guerrero, Rafael Somavilla, Tony Taño, mais tout ce qu’on peut apprendre dans la rue. Une vraie école de musique !

Vos débuts dans les boîtes de nuit ?

J’ai débuté en 1964 avec Pedro Justiz « Peruchin » et Gonzalo Rubalcaba au club Barbaram.

Puis vient un moment très important dans un orchestre de jazz au cabaret Caribe de l’Hôtel Havana Libre

En 1966, dans le show de l’Hôtel Havana Libre, je joue de la contrebasse avec le guitariste, compositeur et orchestrateur Juanito Marquez, et avec le pianiste Carlos Faxas.

C’est à cette époque que vous commencez à composer.

J’ai fait la connaissance d’Elena Burke au cabaret Caribe, et je lui ai offert mes ballades. Puis elle a enregistré un disque avec plusieurs de mes chansons : Ya lo sé, De mis recuerdos, Pero a mi manera, Lo material.

Comment avez-vous connu Elio Revé ?

Il m’a entendu jouer dans ce cabaret ; plus tard quand mon contrat s’est terminé, il m’a engagé dans sa charanga (ensemble de 8 musiciens), qui n’était pas ce que je préférais, mais un musicien ne sait jamais où il va terminer, s’il va réussir ou échouer.

Cette époque marque un tournant pour vous.

Avec l’orchestre Revé, en 1967, j’ai commencé mes expériences avec la charanga et la musique cubaine, en fusionnant les musiques à la mode de l’époque : le pop espagnol (le shake, le yéyé, le go-go dancing). Ce fut une véritable explosion.

Décider de quitter la Revé en pleine gloire a dû être très difficile…

En effet, mais j’ai eu le soutien de Julio Bidopia qui était directeur musical du Conseil national de la Culture. On a eu bien du mal à se procurer les instruments, au moment où ce n’était pas simple de trouver des instruments électroniques. Nous avons fait notre première tournée au Japon, et c’est là que tout a commencé…

Quand a eu lieu la première présentation du groupe ?

Los Van Van en 1970

Le 4 décembre 1969. On avait enregistré quelques chansons à la Direction de la musique. On les a diffusées au Pavillon Cuba, qui était un endroit à la mode, et le public a cru que c’était un groupe étranger.

Où faisiez-vous vos concerts ?

On a joué dans des plantations de cannes à sucre, dans des fêtes, des carnavals, des théâtres, des festivals, des universités. Notre persévérance nous a permis de voyager dans le monde entier. Nous avons des milliers d’heures de vol à notre actif.

Dans un orchestre, il y a souvent des problèmes.

Je venais d’une génération très disciplinée. C’était ma nature et cela me convenait très bien. Nous sommes passés par des périodes de succès et d’échecs. Nous avons dû prendre des décisions difficiles, mais nous avions envie d’avoir du succès, de laisser une trace dans l’histoire de la musique cubaine, qui est déjà très riche.

Citez-nous quelques-uns des grands succès de Los Van Van ?

La barbacoa, La Habana no aguanta mas, El buey cansao, Eso que anda, Te traigo, Sandunguera, Se enciende la candela, Anda ven y muévete.

La première tournée aux États-Unis ?

Depuis 1989, nous avions envie d’aller à New York, une des Mecque de la musique. Nous voulions démontrer que Cuba avait une nouvelle musique et très développée. En 1996-1997, enfin, nous y sommes allés, et nous avons provoqué une véritable sensation. « La salsa vient de Cuba, et c’est moi qui l’apporte », disait un de mes refrains.

Après ce succès musical international, les Van Van ont organisé une tournée dans le monde qui est arrivée jusqu’en Terre Sainte…

C’était le début de la grande époque de Los Van Van. En 1998, nous avons conquis le Sud.

Dans un moment de grande incompréhension, vous avez gagné le prix Grammy…

En 1999, alors que le 20e siècle s’achevait, le boom de la salsa ou de la timba cubaine était à son apogée. Dans une certaine mesure, nous avons brisé le blocus musical des transnationales de la musique et du disque contre la musique cubaine. Los Van Van a gagné le Grammy avec le disque Llegó Van Van. Ce fut une victoire de la musique populaire dansante qui s’est produit après le triomphe de la Révolution.

Une chanson qui symbolise Los Van Van ?

Peut-être El tren