Wifredo Lam au Centre de l’art cubain

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30 ans ont passé depuis le décès à Paris, le 11 septembre 1982, du peintre le plus prestigieux de l’histoire de l’art cubain et un des plus connus de l’art du 20e siècle, Wifredo Lam.

Son œuvre, qui a été étudiée avec soin par des historiens et des critiques d’art contemporain, a fait date dans la production artistique du Tiers monde.

Le plus prestigieux des peintres cubains du 20ème siècle !

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Lam a intégré le savoir occidental de la modernité dont il s’est nourri à Paris pour produire un art assumant l’immense pluralité des cultures africaines, des mythes syncrétiques qui ont vivifié les cultures caribéennes, notamment de la mythologie yorouba, en même temps qu’il exprime, à travers ses symboles, une métamorphose permanente, de façon ouverte, tellurique, dialogique et polymorphe.

Une œuvre qui s’approprie les croisements vivaces, multiples et variés de différentes origines qui ont conflué vers la Caraïbe. Multiplicité de signes, de métaphores et de symboles synthétisés par son talent et sa technique assurée, qui ont fait de Lam un des créateurs majeurs de l’art cubain.

« Comme tout mythe, le sien se propose de transformer le chaos en ordre, en un cosmos… Un monde où un démiurge, si tant est qu’il existe, a créé des dieux, des hommes, des animaux, et des plantes d’une même matière, avec le même souffle de vie, le même jour

 », nous dit dans un essai d’anthologie Desiderio Navarro (Lire Lam. Exercices du critère. La Havane. Édition Union. 1988).

Lam est né l’année de la proclamation de la République (1902), d’un commerçant originaire de la région de Canton et d’une métisse cubaine, dans le village de Sagua la Grande, dans la province de Villa Clara. Dès l’enfance, sa marraine, qui pratiquait la Règle de Ocha, l’initie aux croyances d’origine africaine. Ces influences reçues pendant son enfance et son adolescence seront le sédiment d’une réélaboration ultérieure. Associées à son talent, à de profondes études et à un riche vécu, elles lui permettront de créer un univers unique.

Il a débuté sa formation plastique à l’Académie de San Alejandro de La Havane. Un enseignement qu’il complète en Espagne à partir de 1923.

Au printemps 1938, il arrive à Paris, à l’époque capitale mondiale de l’art, sans un sou dans les poches, mais plein d’imagination et avide d’idées et de formes.

Il avait perdu sa femme Eva et son fils, morts de tuberculose 7 ans plus tôt. Il s’engagea dans la Guerre civile espagnole, où il fit partie des Brigades artistiques internationales et il fut collaborateur de l’Association des intellectuels antifascistes.

À son arrivée à Paris, Wifredo est accueilli par Pablo Picasso dans son studio de la rue des Grands Augustins. Une amitié qui aura une grande influence sur son œuvre, et dont il se souviendra comme un des moments essentiel de sa vie.

En fait, – comme le raconte Antonio Nuñez Jiménez dans son livre Wifredo Lam –, Lam avait déjà entendu parler de Pablo Picasso à Sagua la Grande, où vivait un parent cubain de Picasso. Un an après leur rencontre, Picasso et Lam exposèrent ensemble des dessins et des gouaches à la galerie Perls, à New York.

Ensuite, Lam se lie d’amitié avec des artistes et des intellectuels de l’avant-garde en France, notamment avec le mouvement surréaliste. En 1940, après la défaite de la France, il quitte Paris avec des centaines d’intellectuels, dont beaucoup furent internés dans un camp lors d’une escale à la Martinique. L’artiste profite de son séjour pour continuer de créer. Il fait la connaissance du poète Aimé Césaire, avec lequel il partage des idées. Il illustre son livre Le retour au pays natal, qui a été publié à Cuba. Puis il se rend en République dominicaine, et revient à La Havane en 1942.

Comme Paris, La Havane sera un foyer pour l’artiste mais aussi un lieu propice pour se lier d’amitié avec les intellectuels cubains. Dans son roman Le Royaume de ce monde (1949), Alejo Carpentier le présente comme « un peintre d’Amérique qui donne une expression unique de la peinture contemporaine dans des tableaux monumentaux. L’année suivante, en 1943, Lam créé une de ces œuvres magistrales La Chaise (exposée dans la collection du Musée national des Beaux-arts de La Havane).

L’esprit toujours inquiet, Lam poursuit ses séjours dans la Caraïbe. À Haïti, il retrouve le poète surréaliste André Breton. Une expérience qui fut une source inépuisable d’inspiration pour son imaginaire.

Cependant, Sagua la Grande ne l’a pas oublié ; en 1945, il reçoit le titre d’Enfant illustre de la ville.

La Jungle, réalisée en 1942, est une de ses pièces exceptionnelles, considérée par certains spécialistes comme un manifeste. « La jungle représente la première déclaration plastique révolutionnaire d’un Tiers monde qui, probablement prenait conscience de la nécessité de mettre en commun toutes les cultures, et l’annonce prophétique de cet éveil sur le plan international… », a écrit dans son texte La conquête de l’unité perdue, Alain Jouffroy, un des spécialistes de l’œuvre de Lam. «  J’ai peint cette huile sur papier en moins de 20 jours et je l’ai vendue pour 300 dollars au Musée d’Art moderne de New York », a déclaré Lam. La jungle, une des œuvres majeures de la peinture moderne, qu’il a effectuée dans sa modeste maison de Marianao, a été exposée deux ans plus tard à New York, où elle a fait scandale.

Cependant, aussi incroyable que cela puisse paraître, jusque vers la fin des années 80, le tableau est resté accroché dans un couloir (près du vestiaire), jusqu’à ce qu’on lui donne un véritable emplacement. « En niant à Lam et à son œuvre la possibilité de se hisser et de converser avec Cézanne, Picasso, Matisse, Jackson Pollock, Morris Louis et Kenneth Noland (leurs œuvres étaient soigneusement disposées sur les murs des galeries principales), le musée relègue l’artiste et son œuvre à un second plan  », accusait le critique newyorkais John Yau, dans un article publié dans la revue Arts Magazine, en 1988.

Même si Lam a longtemps vécu à l’étranger, il a conservé avec sa patrie des liens très forts, et dès les premiers instants, il a adopté les idées de la Révolution. Il a participé à l’organisation du Salon de Mai de Paris à La Havane, un événement qui fut inauguré en juillet 1967 au Pavillon Cuba. Il y travailla avec d’autres artistes à la création de la peinture murale Cuba colectiva, et il revient l’année suivante pour assister au Congrès culturel de La Havane.

En 1981, le Conseil d’État et le ministère de la Culture lui ont attribué l’Ordre de Felix Varela de première classe, pour sa contribution exceptionnelle à la culture cubaine et internationale.

Un an plus tard, le plus prestigieux des peintres cubains du 20e siècle décédait à Paris. À sa demande, ses cendres furent rapatriées à Cuba, où les honneurs militaires lui furent rendus au cimetière Colomb.

En 1983, le Comité exécutif de Conseil des ministres approuva la création du Centre Wifredo Lam, qui a pour mission la recherche et la divulgation de l’œuvre du créateur, mais aussi des objectifs de portée universelle. Dès le début, le Centre s’est donné comme tâche de promouvoir l’art contemporain du Tiers monde, et d’organiser un des événements les plus importants de la région, la Biennale de La Havane.

Deux ans après la mort de Wifredo Lam, se tenaient la première édition de la Biennale, qui accueillit 800 artistes venus de 22 pays, avec plus de 2 000 œuvres, ainsi qu’un Colloque international dédié à son œuvre, auquel participèrent les principaux spécialistes internationaux de ses peintures.

Depuis son ouverture, le Centre d’art contemporaine Wifredo Lam de La Havane s’est consacré à la publication d’ouvrages consacrés à la vie et à l’œuvre du peintre, à des expositions, comme celle réalisée en 1996, composée de 20 œuvres de la Collection Castillo Vazquez, intitulée La séduction de la gravure, qui incluait des lithographies, des gravures à l’eau-forte réalisées par Lam entre 1952 et 1965, entre autres contributions qui rappellent l’importance de l’héritage de Lam. (Tiré de Cubarte)

Mis en ligne par RG