Un monde multipolaire ? Bipolaire ? Ou unipolaire ?

Un défi lancé à la face des Etats-Unis et ses vassaux

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La guerre froide des décennies 50, 60, 70, 80 serait terminée ? On peut dire qu’elle s’est élargie même si le terrain politique est un peu effacé par le terrain économique. Les attentes et revendications d’une remise en cause de l’omnipotence nord-américaine qui dicte ses lois (y compris extraterritoriales, on en sait quelque chose à Cuba) et qui est impliquée directement ou en sous-main dans tous les conflits armés qui enflamment la planète, cette opposition relève la tête. Est-ce l’amorce d’un nouvel ordre mondial ?
Juventud Rebelde nous livre ici un regard que nos « grands médias » se dispensent bien de diffuser. Raison de plus pour s’y intéresser.

GD

Opinion

La force des pôles alternatifs se maintient

Par Marina Menéndez Quintero
Publié par Juventud Rebelde le 27 janvier 2024

Selon les perspectives géopolitiques contemporaines le défi au pouvoir hégémonique des Etats Unis et de l’occident n’a pas faibli.

La multipolarité qui apparait dans le monde ne pourrait poursuivre sa progression sans une locomotive qui, à l’opposé du pouvoir hégémonique continue à faciliter la progression du long train que forment les pays émergents et ceux qui demeurent sous-développés. Le positionnement de ce moteur dans la sphère politique a autant d’importance que sa santé économique.

C’est pourquoi, la confirmation de la croissance de l’économie chinoise de 5,2 pour cent en 2023 constitue une bonne nouvelle qui va au-delà des frontières des pays asiatiques, aussi distantes qu’elles soient dans cette gigantesque nation millénaire.

La stratégie extérieure de Beijing d’étendre des liens politiques et commerciaux en rapport avec le droit international et surtout, en regardant vers le sud avec un esprit de coopération sans appliquer la loi de deux poids deux mesures, ni pressions ou chantages, a assuré un soutien à cette autre partie du monde. Aux côtés de la Russie, la Chine constitue un pôle alternatif à l’abri duquel se rassemblent d’autres nations.

Fondatrices avec l’Inde, le Brésil et l’Afrique du sud de ce que l’on appelle les Brics, elles encadrent le groupe, qui s’est révélé avec force l’an dernier comme un espoir et un rempart face aux pouvoirs hégémoniques et auquel viennent de s’intégrer cinq autres nations : l’Arabie Saoudite, l’Egypte, l’Ethiopie, Les Emirats Arabes Unis et l’Iran.

Trente autres pays ont manifesté leur intérêt pour les rejoindre en réponse à ce que le chancelier russe Serguéi Lavrov, lors d’une rencontre avec la presse, a récemment qualifié comme étant la consolidation « de nouveaux pôles de croissance économique, de pouvoir financier et d’influence politique qui avantagent notablement les Etats Unis et d’autres pays occidentaux dans leur développement ». Le Ministre Russe de l’extérieur a considéré que l’occident a gouverné le monde pendant 500 ans jusqu’à aujourd’hui « sans concurrents sérieux ».

Il est alors logique qu’ils soient nombreux à vouloir rejoindre ceux qui contestent les pouvoirs hégémoniques. Même si l’adhésion est modeste, les Brics ont jusqu’à janvier réuni 42 pour cent de la population mondiale. Aujourd’hui, l’entrée de cinq nouveaux membres élargit cette représentativité et accroit son apport au Produit Intérieur Global qui selon les experts atteindra les 36 pour cent, indice supérieur à celui des pays les plus industrialisés et réunis dans le G7.

Ce qui forme la pierre angulaire pour la coopération qui favorise le groupe se trouve dans sa Nouvelle Banque de Développement, fondée en 2015, et dont la mission principale est de mobiliser des ressources pour des projets d’infrastructures et de développement durable dans les pays membres et autres économies émergentes, ainsi que pour les nations en voie de développement. Depuis sa fondation la banque a approuvé 92 projets.

La présence du Brésil à la tête de la Banque, grâce à l’ex-présidente Dilma Rousseff, garantit que cette entité maintiendra son soutien au Tiers Monde, politique que Luiz Inacio Lula Da Silva, actuel chef de l’Etat brésilien et mentor politique de Dilma, a confirmé depuis son retour au pouvoir.

Moins de dollarisation

Mais bien sûr que lorsqu’il s’agit de comprendre la domination économique et globale exercée jusqu’à aujourd’hui par le monde dit riche, on ne peut pas se tourner seulement vers les Brics. D’autres démarches sont un éclairage sur ce sujet. Par exemple, l’utilisation de plus en plus importante des monnaies nationales pour l’échange commercial régional.

Ce qui entraine un déclin de la suprématie du dollar en tant que monnaie internationale fragilisant l’un des autres postulats de la réunion de 1944 à Bretton Woods. Ses accords, obsolètes, comme l’a reconnu, à un moment donné, le Secrétaire général de l’ONU lui-même Antonio Guterres, s’affaiblissent progressivement, menacés par le propre poids de l’actualité.

L’utilisation des monnaies nationales également au sein de la puissante Union Economique Euro asiatique augmente au détriment du dollar, ce qui renforce et redynamise ses échanges. L’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) et l’association des Nations de l’Asie du sud-est (Asean) suivent la même voie.

Et on accroit, par ailleurs, l’échange bilatéral en contournant l’utilisation du billet vert. Selon les récentes révélations du vice premier ministre russe Dmitri Chernyshenko, 92 pour cent des transactions entre son pays et la Chine sont réalisées avec leurs monnaies nationales respectives.

Et c’est une pratique que l’on retrouve aujourd’hui dans les transactions commerciales bilatérales d’autres nations ; même si ce sont le rouble et surtout le yuan qui dominent.

La Chine, une puissance latente

Comme le montre sa croissance de 3,2 pour cent au cours des 10 premiers mois de l’année dernière, l’économie russe résiste aux assauts des sanctions infligées par les USA et l’Union européenne. Ceux qui parient sur le monde multipolaire doivent regarder vers l’autre moteur du changement sur l’échiquier : la Chine.

Les plus pessimistes ont spéculé sur ce qui était considéré comme « le miracle chinois » en raison du ralentissement de 2022 après une décennie de croissance soutenue autour des 10 pour cents. Le PIB était alors de 3,3 pour cent en raison du fléau que fut la pandémie et dû au propre ralentissement de l’économie globale.

Cependant les chiffres certifiés pour 2023 -5,2 pour cent de croissance- disent tout le contraire. Selon le Centre de Prévisions Scientifique de l’Académie Chinoise de Sciences, la croissance se maintiendra cette année à un rythme stable de 5,3 pour cent. Mais l’optimisme au sujet du rôle de l’économie chinoise dans une perspective d’avenir ne repose pas seulement sur les prévisions de ceux qui misent sur le potentiel de Beijing.

Dans un récent rapport sur les perspectives économiques de la planète, Le Fond Monétaire International a lui-même affirmé que la Chine sera le principal contributeur à la croissance mondiale pendant les cinq prochaines années et que sa participation à cet indice sera du double de celle des Etats Unis.

On s’attend à ce que l’apport de la Chine représente 22,6 pour cent de la croissance mondiale totale jusqu’en 2028, selon les calculs de l’agence de consulting Bloomberg qui utilise les données du FMI. Elle place l’Inde en second avec 12,9 pour cent, alors que les USA restent derrière avec 11,3 pour cent.

Pour maintenir ce rythme, la Chine s’est fixée comme priorité de consolider la stabilité, par le progrès, sans faire de faux pas, et sur le principe de « mettre en place la modernité avant d’en finir avec l’ancien système » tel que l’a identifié la Conférence du Travail Economique, qui s’est tenue en décembre.

Le développement d’un système industriel moderne au moyen de l’innovation scientfico-technologique ; l’augmentation de la demande intérieure et l’approfondissement des réformes dans des secteurs clés, avec, dans le même temps, une politique fiscale dynamique et une politique monétaire prudente, sont parmi les pistes avec lesquelles on prétend y parvenir, selon la Conférence.

Cela offre une sécurité pour l’avenir non seulement pour les plus de 140 nations liées à la Chine grâce à l’initiative de la Franja et la Ruta de la Seda, mais aussi à toutes celles qui croient au développement de la multipolarité.