Faire preuve de résistance créative

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La fin d’année a été placée sous le signe de l’économie pour Cuba avec une grande partie des travaux de la session de décembre de l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire consacrée à l’analyse de la situation économique du pays avec l’annonce de premières mesures pour 2024. Et ce dans un contexte particulièrement difficile, marqué, encore et toujours, par un renforcement du blocus et les conséquences de la crise économique globale,

Devant la commission des Affaires économiques de l’assemblée, le ministre de l’Économie et de la planification, A. Gil Fernández a détaillé les résultats de 2023 et évoqué les priorités pour 2024. Il a constaté que les 3 % de croissance économique prévus ne seraient pas atteints, envisageant même une possible croissance négative, faute pour Cuba de disposer des ressources en devises nécessaires. Les exportations ont été inférieures aux prévisions, malgré une récupération dans certains secteurs, le tabac et les produits de la pêche notamment. Les pénuries de combustible et le manque de matériels et d’intrants ont eu de lourdes conséquences sur la production nationale, notamment dans le secteur agricole.

De même le chiffre espéré de 3,5 millions de touristes, une des principales sources de devises, ne sera pas atteint, malgré de bons résultats, notamment au mois de novembre. Les Canadiens restent les plus nombreux, suivis de loin par les Russes, les résidents des États-Unis, les Espagnols, les Allemands et les Mexicains.

Enfin la production d’aliments n’a pas non plus atteint les volumes espérés, notamment pour les tubercules, la viande de porc, le lait et les œufs. C’est une des causes de l’inflation estimée à 30 %, les mesures de contrôle des prix s’étant révélées inefficaces, avec des conséquences évidentes sur le pouvoir d’achat et les difficultés quotidienne de la population.

Dans un tel contexte, le gouvernement a annoncé un ensemble de mesures visant à accroître la production de biens et de services, à encourager les investissements étrangers malgré les feins imposés par le blocus, tout en travaillant à une réorganisation du système financier. Force est en effet de constater que la réorganisation économique engagée en janvier 2021, n’a, suivant les mots du Président de la République, pas atteint l’ensemble des objectifs poursuivis.

Ces mesures ont été listées par le Premier ministre annonçant un « programme de stabilisation macroéconomique », avec notamment, pour accroître les ressources en devises, la priorité donnée à la récupération du secteur touristique et à l’accroissement des exportations de biens et de services, un accent mis sur les produits (nickel, tabac, rhum) destinés à l’exportation, ainsi que des mesures importantes concernant les questions monétaires, afin de corriger les actuels déséquilibres monétaires, financiers et fiscaux.

De premières décisions ont été actées lors de la réunion du Conseil des ministres fin décembre : la réduction,pour tous les acteurs économiques, de 50 % des droits de douane pour les importations de matières premières et de biens intermédiaires ; une actualisation du prix des carburants ; une augmentation de 25 % des prix de l’électricité pour les particuliers au-delà de 500kw, ainsi que du prix de l’eau ; enfin une augmentation des prix des cigares et cigarettes, du gaz et des transports publics.
Parallèlement de premières augmentations de rémunérations entreront en vigueur dès janvier pour les travailleurs de la santé et de l’éducation afin d’améliorer la qualité des services rendus à la population et d’améliorer l’« attractivité » de secteurs qui connaissent une pénurie de main d’œuvre. Plus de 200 000 personnels de santé bénéficieront par exemple d’une meilleure prise en compte de l’ancienneté, du travail de nuit et du week-end. Enfin de nouveaux impôts et de nouvelles mesures douanières entreront en vigueur pour les micro, petites et moyennes entreprises (mipymes).

D’autres décisions sont attendues dans le cadre d’une réforme qui, de l’avis de nombreux économistes, se doit d’être intégrale face à la conjonction d’une crise du modèle économique avec une faible productivité et la récession, une forte inflation et ce qui s’apparente à un chaos monétaire, une production agricole toujours largement insuffisante et des problèmes récurrents dans la fourniture d’énergie et de carburants. Ils pointent également d’autres difficultés avec par exemple une démographie caractérisée par une baisse de la natalité, le vieillissement de la population et une émigration, notamment de jeunes et de diplômés, en hausse.

Le Président Diaz Canel a reconnu à plusieurs reprises qu’il fallait analyser de manière critique et autocritique les erreurs commises, relevant que nombre de décisions étaient intervenues dans un contexte d’extrêmes tensions, avaient provoqué de nombreuses incompréhensions et s’étaient révélées contre productives. Il a également insisté sur le fait qu’il ne fallait pas voir dans les décisions annoncées un ensemble de mesures néo-libérales contre le peuple ni une croisade contre le secteur non étatique, notamment les mipymes. Il a au contraire réaffirmé la volonté expresse du gouvernement de préserver la plus grande justice sociale en tenant compte des effets et des conséquences que les mesures mises en œuvre auront sur la population. Un défi de taille pour 2024 !