Souvenirs d’un maquereau français à La Havane (5ème épisode)

Ou : Vie et mort d’Alberto Yarini, le « Roi de San Isidro ».

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Notre bande de maquereaux français s’est installée à La Havane avec Louis Létot à sa tête.
Ils se sont alliés aux souteneurs italiens et ont en face d’eux les souteneurs cubains (guayabitos) alliés aux maquereaux espagnols.
Un personnage, Alberto Yarini, domine cette douteuse activité du côté cubain en compagnie de son ami, José Basterrechea dit Pepito.
Tout est prêt pour que le drame éclate...
Un ancien de la bande des Français, Marcel Caron, continue de nous raconter cette histoire vraie.

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Cinquième épisode : Berthe Fontaine

En 1909, après un voyage en France, Louis Letot, a ramené une nouvelle recrue : Berthe Fontaine, la sœur de Jeanne qui était sa régulière.

Souteneurs français à La Havane vers 1910

La petite Berthe était surement la plus belle fille de San Isidro. Avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus et elle a eu tout de suite un grand succès auprès des michetons qui étaient prêts à se délester d’un paquet de biffetons afin qu’elle leur fasse la courte échelle pour monter au 7ème ciel.

Mais, pas de bol, quand Létot est reparti pour chercher de nouvelles filles en France, en février 1910, la petite Berthe a filé chez Yarini. Nous on ne savait pas trop quoi faire et on a attendu Louis.

Quand il est revenu, il a pris rendez-vous avec Yarini dans un bar. Ils ont discuté et finalement Louis a rengracié et il a dit à Alberto : « Je vis grâce aux femmes et je ne veux pas mourir à cause d’elles. Si Berthe veut revenir, elle sera la bienvenue ».

Extrait du téléfilm "Requiem pour Yarini"

Quand ils ont su ça, les Italiens ont commencé à nous charrier et dans notre milieu, si tu commences à baisser la garde tout le monde va te passer sur le corps.

Mais Yarini n’était pas encore assez content. Il a eu le culot de se pointer devant la maison de Létot en lui criant, depuis la rue, de lui descendre les affaires de Berthe. Et, une autre fois, il a ajouté que Louis devait surveiller ses autres filles car la petite Berthe ne suffisait plus pour assouvir toutes ses envies.

Finalement, Louis en a eu marre de se faire chambrer. Il a crié à Yarini : « On ne meurt qu’une fois ».
C’est vrai, si on laissait passer tout ça, on n’avait plus qu’à se mettre au tapin nous-mêmes.
On s’est réunis à une petite dizaine, dans un rade à l’angle des rues Habana et Desamparados, et on a mis notre plan au point.

D’abord une de nos filles allait envoyer un message à Alberto Yarini pour lui faire croire qu’elle voulait le rencontrer dans une de ses maisons rue Compostela en début de soirée, le 21 novembre.

On s’est pointés à 7 heures du soir, devant le boxon d’Alberto Yarini en attendant qu’il sorte pour aller au faux rendez-vous.
Un petit groupe était monté sur le toit en face et Louis qui voulait se farcir Alberto est resté devant la porte.
Celui-ci est sorti en premier et Létot lui a défouraillé dans le buffet.

Pepito qui venait derrière Yarini a sorti son flingue et a tiré trois fois sur Louis. La dernière bastos est venue se loger entre ses deux yeux et il est tombé raide mort.

Louis Létot sur son lit de mort

Jeanne, qui était là, s’est penchée sur son homme et en a profité pour planquer son pétard, tandis que Pepito se faisait serrer par les bourres et qu’on se barrait en courant sauf les quatre qui, étant montés sur le toit, se sont retrouvés coincés.

Notre affaire était mal barrée. On s’est retrouvés dans une planque et nous avons envoyé nos gagneuses aux informations.

Pour lire le 6ème et dernier épisode
Lexique des termes utilisés par Marcel Caron