Un nouvel ordre économique se met en place

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A l’occasion du sommet des BRICS à Johannesburg en août dernier, nous tentons de mieux comprendre pourquoi ce groupe s’est formé et quel rôle il peut jouer.

A qui appartient l’or en 1945

Les USA ont été les grands gagnants de la Seconde Guerre Mondiale. Leur économie était confortée comme étant la plus puissante du monde avec une industrie en pleine croissance, un niveau d’exportations important et une forte accumulation de capital. Au niveau mondial, ils produisaient la moitié du charbon, les deux tiers du pétrole et la moitié de l’électricité.
Le pays disposait de la plus grande partie des capitaux mondiaux et il détenait les deux tiers des réserves mondiales d’or.

La conférence de Bretton Woods qui se tient en juillet 1944, alors que la guerre n’est pas encore terminée, définit les grandes lignes du système financier que les USA vont imposer au reste du monde (sauf les pays du bloc soviétique) :

  • Seul le dollar sera défini en or et les autres monnaies seront définies en dollar.
  • Création de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement qui deviendra la Banque mondiale.
  • Création du Fonds monétaire international, chargé de contrôler le fonctionnement du système mis en place.

    Cependant pour financer la guerre du Viêt-Nam, la course à l’espace et d’autres dépenses, les USA ont émis plus de monnaies que la contrepartie théorique en or. La perte de confiance qui en a résulté a amené certains pays à demander des remboursements de dollars en or. Afin d’éviter la catastrophe, les USA ont donc décidé de suspendre la convertibilité du dollar en or, en 1971.

L’once d’or qui valait encore 35 $ en 1971 est passée à plus de 1 000 $ en 2008. Le dollar avait ainsi perdu 96% de sa valeur initiale en moins de 40 ans.
Le système de changes flottants qui remplace celui de Bretton Woods a encouragé la mise en place de produits financiers de plus complexes qui seront à la base de la crise financière de 2008.

Par ailleurs, le denier quart du 20ème siècle a vu l’émergence de nouvelles économies, très diverses, qui sont devenues concurrentes du capitalisme occidental traditionnel.
En 2009, quatre de ces pays se réunissent et décident d’agir en commun (Brésil, Russie, Inde et Chine). Ils seront rejoints en 2011 par l’Afrique du Sud.

Pays du G7 en vert, BRICS en bleu

Ces pays ont en commun d’avoir une population importante avec l’apparition d’une classe moyenne, de grands territoires qui leur donnent une forte importance stratégique, d’importantes ressources naturelles et un accroissement rapide de leurs PIB qui les rend attractifs en termes d’investissements.
Le groupe s’engage dans la lutte contre le protectionnisme imposé par plusieurs pays du G20 (économies les plus développées), pour la réforme le fonctionnement du Fonds monétaire international et pour faire face à certaines contraintes environnementales internationales qu’ils jugent pénalisantes pour leurs économies.

En 2014, ils créent la Nouvelle Banque de développement comme alternative à la Banque mondiale et au FMI. Le siège est à Shanghai, en Chine. Ses objectifs sont de favoriser une plus grande coopération financière entre les pays émergents, financer des projets d’infrastructure, créer une réserve initiale de 100 milliards de dollars pour aider à contrer les chocs futurs, assister les pays qui souffriraient de l’instabilité économique liée à la politique monétaire des USA.

En août 2023, lors du sommet de Johannesburg, en Afrique du Sud, six pays ont rejoint le groupe. Ce sont l’Argentine, l’Iran, L’Ethiopie, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis.
Comme l’a déclaré le président brésilien, Lula da Silva : « Maintenant les BRICS sont plus forts que le G7 (les sept plus grandes économies mondiales). En 1995, les pays du G7 représentaient 45 % du PIB mondial par parité de pouvoir d’achat et les BRICS 16%. Maintenant les BRICS représentent 32% et le G7 29% ».

Les grands équilibres économiques vont être profondément modifiés dans les 25 années à venir. Selon une étude du cabinet de conseil et d’audit PwC, de 2017, la Chine et l’Inde pourraient atteindre 35% du PIB mondial en 2050, soit + 10 points par rapport à 2016. Tandis que le poids des États-Unis et de l’Europe devrait baisser de 4 et 6 points respectivement.

Tout n’est pas rose dans le monde des BRICS. L’exploitation des travailleurs y est parfois féroce, certains sont en guerre indirecte et la démocratie n’y est pas toujours la préoccupation principale. Pourtant ils représentent un contrepoids face à la pression impérialiste des USA et de leurs alliés.

Comme le Groupe des 77 (134 pays en fait) de l’ONU, les BRICS sont une des instances qui promeuvent la construction d’un monde multipolaire sortant de l’héritage de l’après guerre.
Plusieurs pays du Sud placent de grands espoirs dans ces institutions, où se côtoient des pays très divers, pour faire face à l’exclusion, à la pauvreté et aux défis climatiques.
Comme l’a déclaré le président cubain Miguel Diaz Canel lors du récent sommet : « Nous, le G77 et les BRICS, nous avons la responsabilité et la possibilité d’agir pour changer cet injuste ordre mondial. Ce n’est pas une option, c’est l’unique alternative ».