Jacques de Sores, l’Ange exterminateur de La Havane (3)

Partager cet article facebook linkedin email

Les corsaires s’approchent de La Havane.
Le gouverneur civil a fui alors que le maire, Juan de Lovera, prépare la défense du village malgré l’angoisse générale.
Nous sommes à nouveau sur le navire de Jacques de Sores.

Lire le second épisode

Jacques de Sores.

« Sont des hommes de grand courage ceux qui partiront avec nous
Ils ne craindront point les coups, ni les naufrages, ni l’abordage
Du péril seront jaloux tous ceux qui partiront avec nous… »

Le chant de l’équipage monte jusqu’à la dunette d’où j’observe la côte ce matin du 10 juillet 1555. D’après mes calculs, nous ne devons plus être loin de San Cristobal.

L’autre navire nous suit de près. Je commande 140 marins avec qui j’ai signé une chasse-partie qui règle nos relations et leurs parts du butin. Je regarde leurs trognes. Ah mes culs-rouges ! Certains sont vraiment effrayants, balafrés, couturés et parfois borgnes. Ils sont prêts à manœuvrer pour entrer dans la baie et mettre la ville à sac. Dans quelques heures nous allons être très riches.

C’est alors que j’entends le bruit d’un canon dont on aperçoit la fumée sur une colline près de la côte. Il faut changer les plans et ne pas prendre le risque de recevoir un boulet en entrant dans la baie. Je donne l’ordre de continuer vers l’ouest en se rapprochant de la côte.

Un matelot placé à la proue du brigantin lance régulièrement la sonde et annonce la profondeur. Le moment venu je donne l’ordre à l’homme de barre d’aller face au vent et, quand nous n’avançons plus, je fais signe au bosco de jeter l’ancre et aux gabiers de ferler les quelques voiles qui nous ont permis cette ultime manœuvre.
Je prends le temps d’haranguer les hommes pour leur rappeler que les ennemis à qui nous allons rendre visite sont des papistes, des adorateurs de statues, de christs suppliciés de bassinoires et de fumée. S’ils aiment tant les supplices et la fumée, nous allons leur en donner et en échange, nous recevrons des montagnes d’or !

Gravure du 17ème siècle représentant la plage où débarqua Jacques de Sores

Le lieutenant qui surveille la côte avec une longue vue prévient que deux hommes à cheval nous observent depuis la plage.
Ils déguerpissent au galop quand nous mettons les chaloupes à l’eau et que les hommes, ravis d’aller combattre, sautent dedans.
En peu de temps nous arrivons au village. Les habitants se sont réfugiés dans un fortin en bois et visiblement une bonne partie des Noirs se sont sauvés dans la campagne. Nous sommes accueillis par une volée de traits tirés par les arbalétriers. Visiblement, l’affaire va être moins simple que je ne le pensais. Je décide d’aller les canonner depuis notre navire.

Une partie des hommes reste devant le fort et les autres retournent avec moi au brigantin pour entrer dans la baie après avoir fait son affaire au guetteur. Désireux d’effrayer les assiégés et d’amuser l’équipage, je me suis déguisé en pape et je me moque de leurs simagrées religieuses pendant que le brigantin passe devant le village.
Malheureusement, notre canon porte moins loin que celui avec lequel les Espagnols tentent d’atteindre notre navire. Il va donc falloir régler le problème depuis la terre.

Ils doivent avoir une grande fortune à protéger pour être aussi combatifs. Leurs arquebusiers et arbalétriers ont blessé quelques uns de mes hommes. De plus, leur fortin les protège mieux que les arbres et les murets derrière lesquels nous nous mettons à l’abri. J’ai donc organisé un véritable siège et je me suis installé dans la meilleure maison.
Le fort est cerné, ils ne pourront tenir très longtemps.

La Havane en 1610 avec les forts en contruction à l’entrée de la baie

La bataille a continué pendant la nuit qui nous était propice. J’ai envoyé trois hommes près du fort pour tenter de l’incendier. Malgré le feu, les papistes ont résisté vaillamment. Un des nôtres, un Alsacien, a pu s’entretenir avec un des assiégés qui parlait allemand et nous avons appris que la plupart des arbalètes n’avaient plus de corde et que les arquebuses ne fonctionnaient plus. Leur moral était en berne. C’était le moment d’en finir.
J’ai alors demandé si celui qui commandait le fort était fou, car il allait entraîner les autres dans la mort. Leur commandant, Juan de Lobera, m’a demandé une entrevue pour trouver une fin honorable. Les combattants du fort auraient la vie sauve et les femmes seraient respectées. Comme a dit un autre pirate français : « Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ».

Je suis alors monté sur le terre-plein, au milieu du fort, pour recouvrir leur artillerie avec notre étendard royal. San Cristobal était devenue française, donc à nous, et nous allions récupérer ce qui nous appartenait. Sur ce dernier point, j’ai compris qu’il allait falloir attendre un peu car il n’y avait dans le fortin qu’une bague avec une émeraude et un plat en argent. Leur fortune devait être cachée dans un autre endroit.

Pain casabe (farine de manioc)

Pendant que les femmes et les enfants enterraient les morts, je discutais avec Lobera des conditions imposées pour épargner les habitants. J’ai exigé 30 000 pesos et plusieurs centaines de livres de pain casabe. La nuit va surement lui porter conseil...